1921 |
En 1921, un débat sur la "doctrine militaire" de l'Armée Rouge. Une facette peu connue de la lutte contre le "gauchisme" au sein de l'Internationale Communiste. Source: L’Internationale Communiste n°19, décembre 1921. |
Doctrine militaire ou doctrinarisme pseudo-militaire
Décembre 1921
Avons-nous ou n'avons-nous pas de « doctrine militaire » ?
Et aussi, une « doctrine militaire » nous est-elle oui ou non, nécessaire ? D'aucuns m’ont accusé de me « dérober » à cette question. Mais, pour y répondre, encore faudrait-il savoir ce que l'on demande, c'est-à-dire ce que l’on entend par doctrine militaire. Tant que la question n’est pas posée clairement et intelligiblement l'on en est réduit à « se dérober » . Pour présenter comme il convient la question, décomposons-la, après tout ce que nous venons d’exposer, en ses parties constitutives. Nous voyons alors que dans la doctrine militaire peuvent entrer tes éléments suivants :
La théorie de l’organisation de l'armée (p. 3) ainsi que la théorie stratégique (p. 4) doivent apparemment constituer la doctrine militaire au sens propre (ou étroit) du mot.
On peut pousser la division encore plus loin. Ainsi, des points précités l’on peut extraire pour en former des points spéciaux les questions de la technique de l’Armée Rouge, de l’organisation de la propagande, etc.
Le gouvernement, le parti dirigeant, le Commissariat de la Guerre doivent-ils avoir des vues déterminées sur toutes ces questions ? Évidemment oui. Peut-on construire l’Armée Rouge sans avoir une opinion déterminée sur sa composition sociale, sur le recrutement du corps des officiers et des commissaires, sur la formation, l’instruction et l’éducation des unités ? Mais l’on ne saurait résoudre ces questions si l’on n’a une idée précise des tâches fondamentales, intérieures et internationales, de l’État ouvrier. En d'autres termes, le Commissariat de la Guerre doit avoir des principes directeurs sur lesquels il construit, éduque et réorganise l'armée.
Faut-il (peut-on) qualifier l’ensemble de ces principes de doctrine militaire ?
À cela j'ai répondu et je réponds : quoique je ne me sente aucune passion pour les oripeaux décorés d'autrefois, toujours est-il que si l'on veut à toute force intituler « doctrine militaire » ensemble des principes et des méthodes pratiques de l'Armée Rouge, je ne partirai pas en guerre pour cela (c'est là ma façon de me dérober). Mais si l'on ose affirmer que ces principes et ces méthodes pratiques n'existent pas chez nous [2], que notre pensée collective n'a pas travaillé et ne travaille pas là-dessus, je réponds : vous dites une chose fausse, vous vous grisez vous-mêmes et vous grisez les autres de paroles creuses. Au lieu de réclamer sans cesse une doctrine militaire, présentez-en une, vous, exposez-la, montrez-nous ne fût-ce qu’une parcelle de cette doctrine militaire qui manque à l’Armée Rouge. Mais le malheur est que nos doctrinaires militaires, dès qu'ils passent des lamentations sur l’utilité de la doctrine aux tentatives d’exposer cette doctrine ou même simplement de l'ébaucher, ne font ou que répéter tant bien que mal ce qui a été déjà dit depuis longtemps, ce qui est connu de tous, ce qui est fixé par les résolutions des congrès du parti, par des décrets, des règlements, des statuts, des instructions, beaucoup mieux et plus exactement que chez eux, ou bien s'embrouillent, perdent la voie et nous servent de leur propre cru des bourdes inadmissibles. C'est ce que nous allons montrer : en prenant chacun des éléments constitutifs de ce que l'on appelle la « doctrine militaires ».
Notes
[2] Le camarade Solomine nous accuse (v. la revue militaire scientifique : La Science militaire et la Révolution) de n’avoir pas jusqu’à présent répondu à la question suivante : « Quelle armée formons-nous et à quelles tâches la préparons-nous ? ».