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Compte-rendu de la réunion d'organisation du 25 octobre 1948 |
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25 octobre 1948
(25 octobre 1948)
A l'époque de la grande collaboration et de la participation des staliniens au gouvernement, nous préconisions la méthode d'action gréviste contre la volonté des staliniens. La vague gréviste déclenchée en mai 47 a obligé les staliniens à se mettre du côté des grèves. Pour le camarade M., du moment que les staliniens sont du côté des grèves, nous sommes contre les grèves. De cette façon, il met en avant le facteur subjectif, que sont les partis et les organisations, et laisse de côté le facteur objectif.
Car nous considérons d'abord le mouvement ouvrier comme un fait objectif, auquel on ne commande pas. C'est pour cela qu'il faut partir de là où se trouvent les ouvriers et les grouper pour l'action.
Personne ne peut prétendre que les staliniens soient le parti des ouvriers. Mais le stalinisme s'appuie sur le mouvement ouvrier. Est fausse à cet égard la discrimination faite entre les "véritables réformistes" et les staliniens agents de Moscou. En réalité, les "réformistes" n'ont jamais été véritablement des réformistes, partisans et promoteurs de réformes. Ce sont les partis de la 2ème Internationale, à l'époque où eux-mêmes s'affirmaient révolutionnaires, qui étaient pratiquement devenus des réformistes de par l'époque à laquelle ils vivaient, surtout en occident, c'est-à-dire que par des méthodes de lutte ils obtenaient, dans le cadre du capitalisme ascendant, des réformes qui avaient pour résultat l'amélioration du niveau de vie des ouvriers. Quand les réformistes prennent ouvertement ce nom, après la création de l'Internationale Communiste, l'époque des réformes est close depuis longtemps, et ce sont les révolutionnaires qui appellent les réformistes tels, par dérision.
Notre attitude vis-à-vis des bureaucraties traîtres n'est pas déterminée par leur politique plus ou moins réformiste, mais par la confiance que peuvent encore leur accorder des couches ouvrières.
En rejetant le mouvement gréviste parce que lié aux manœuvres staliniennes, le camarade M. rompt avec la conception léniniste de la révolution. Lénine a souligné qu'il n'existe pas de mouvement prolétarien pur. Toutes les classes sont mêlées à tout mouvement quel qu'il soit. Tout mouvement est "utilisé" aussi bien par le gouvernement, les fascistes, les staliniens, etc. Si les staliniens utilisent la grève des mineurs pour faire le jeu de l'URSS, il est certain que le gouvernement utilise celle-ci pour faire le jeu de l'impérialisme et le sien propre (lois anti-ouvrières, etc.), et si la classe ouvrière ne bougeait pas, pour elle le résultat serait le même.
Mais les grèves sont-elles le fait des staliniens ?
En réalité toute l'expérience dément cette conception artificielle des appareils bureaucratiques déclenchant les grèves à leur convenance. Nous avons vu les ouvriers se mettre en grève contre la volonté des bureaucrates, et aussi bien ne pas suivre des ordres de grève donnés par eux. Avant tout les ouvriers, actuellement, voient et ressentent qu'ils sont écrasés et opprimés par le capitalisme. Ils ont besoin de lutter contre cet état de choses.
Des camarades ont peur du stalinisme parce qu'ils le surestiment en fait. En réalité, les staliniens ont peur du mouvement ouvrier. La CGT est l'obstacle principal dans la voie de la grève générale. L'emprise cégétiste a bien existé en 45-46. Mais déjà bien avant la grève de mai 47 il y a eu des explosions contre l'appareil. A l'heure actuelle la scission entre les ouvriers et l'appareil est plus grande que jamais. Mais les ouvriers voient que chaque fois qu'ils veulent faire quelque chose, ils manquent de cadres. Ce n'est pas en tant que parti que le P.C. mène la classe ouvrière, mais par les syndicats, qui fournissent aux ouvriers des cadres. A plusieurs reprises la classe ouvrière a essayé de se détacher de la CGT et est retombée sous sa coupe. Les masses se mettent en mouvement avec les chefs qu'elles trouvent.
Nous suivons dans la lutte la majorité des ouvriers. Nous sommes donc dans tout mouvement gréviste décidé par la majorité des ouvriers. Mais ce que nous recherchons c'est que la grève appartienne aux grévistes. Car même une grève menée par nous, dans laquelle les ouvriers ne participeraient pas, ne vaut rien. La grève vaut quelque chose dans la mesure où elle accroît la combativité, la conscience et la cohésion des ouvriers. Il s'agit pour nous que rien ne se passe par-dessus la tête des ouvriers.
La grève générale est impossible parce qu'il n'y a pas d'organisation révolutionnaire. Le problème n'est donc pas d'être pour ou contre les grèves, mais d'agir pour arracher la classe ouvrière, étudier les besoins du mouvement ouvrier, lui donner le plus de conscience ; car les mots-d'ordre on ne peut pas les inventer, ce sont les besoins ouvriers qui les fournissent.
On ne commande pas au mouvement de masse. Ou les appareils, stalinien ou bourgeois, sont les plus forts, et il faut renoncer au mouvement ouvrier, préconiser la suppression des grèves. Ou nous considérons que le mouvement ouvrier est plus fort que tous les appareils, et alors nous devons nous appuyer sur le mouvement et travailler pour lui donner le maximum d'efficacité et de cohésion. Notre tâche s'accomplit dans la classe ouvrière, non à côté. "L'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes". La tâche des révolutionnaires est, dans toutes les circonstances, d'intéresser les ouvriers, les organiser, les tirer de leur apathie, leur faire prendre leur sort entre leurs propres mains.
De quelle façon renforcer la cohésion, l'esprit critique, la volonté des ouvriers ? Voilà comment se pose pour nous le problème. (Mais on ne commande pas à la classe ouvrière ses sentiments et ses réactions). La caractéristique essentielle de la révolution, c'est que les masses font irruption dans les sphères où se décide leur propre sort. La grève de mai a été une action révolutionnaire démocratique, mais parce que les ouvriers ont senti qu'ils avaient sur qui s'appuyer.
Face à la lutte contre les staliniens, certains vont jusqu'à penser que De Gaulle est un moindre mal. Les ouvriers ne le pensent pas ainsi. A cet égard les traditions du mouvement ouvrier depuis 1934 sont tout à fait claires. Ils savent bien ce que veulent dire les mesures de Moch, ils savent que c'est du Daladier avec au bout du Pétain-De Gaulle. A cela on ne peut pas répondre :...mais les grèves sont conduites par les staliniens. Il faut partir de là où se trouvent les ouvriers et les grouper pour l'action. Notre tâche est de délivrer les masses des bureaucrates traîtres en luttant avec elles.