1947 |
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! – LA LUTTE de CLASSES – Organe de l'Union Communiste (Trotskyste) n° 86 – 5ème année – bimensuel (B.I.) le n° 3 francs |
LA LUTTE DE CLASSES nº 86
15 mars 1947
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En transformant leurs interventions sur l'Indochine en attaques personnelles contre les leaders staliniens, les porte-parole du P.R.L. savaient devoir provoquer les violents incidents qu'ils ont effectivement déclenchés à la Chambre. L'extrême-droite parlementaire, représentant les bandes fascistes armées des réactionnaires du gaullisme et du pétainisme, en un mot, tout ce qui, depuis 1934, lutte contre la classe ouvrière par l'action directe, passe donc à l'attaque. Le danger fasciste est plus pressant qu'il ne l'avait été avant la constitution du Gouvernement Ramadier.
La question de l'Indochine sous son aspect PRATIQUE : le vote ou le rejet des crédits de guerre, avait été déjà entièrement tranchée à la Chambre ; Ramette , porte-parole de la fraction stalinienne, tout en faisant des réserves verbales, A VOTE AVEC TOUT SON GROUPE, COMME LE P.R.L., LES CREDITS QUI DOIVENT SERVIR A L'ETOUFFEMENT DE LA LIBERTE DU VIET-NAM.
Pour certains commentateurs "démocratiques" de la radio, l'intervention du P.R.L. aurait donc eu pour but, en provoquant des incidents, de renverser le Gouvernement Ramadier et de "modifier la position de la France à la Conférence de Moscou" . Mais le débat sur la politique extérieure de la France a récemment (le 27-2) été conclu par un vote unanime des députés -593 contre 0- y compris le P.R.L. qui a voté pour le Gouvernement, "bien que nous soyons l'opposition" (sic), a dit l'un de leurs orateurs. --Car de même que Billoux au ministère de la Défense Nationale est le porte-parole des Thierry d'Argenlieu et des Banques, et non des travailleurs, de même Bidault représente à Moscou les mêmes Banques et leurs agents, le P.R.L., et non pas les dirigeants staliniens.
Les phraseurs "démocrates" ne peuvent pas nous expliquer ce qui a RENDU POSSIBLE ces attaques de la droite. Car il leur faudrait condamner leur propre activité dans un Gouvernement qui, loin d'être démocratique comme ils veulent l'appeler, est en réalité le fourrier du fascisme.
Alors ils vont chercher leur explication très loin : à New-York. Ce serait le discours de Truman contre l'U.R.S.S., prononcé le jeudi 13, qui serait la cause de ces incidents ; seulement, ceux-ci avaient commencé le 11, c'est-à-dire avant ce discours. Et même si Truman y était pour quelque chose, son encouragement ne servirait à rien si nos pseudo-démocrates avaient coupé l'herbe sous les pieds de la réaction en France, s'ils l'avaient extirpée par une politique démocratique dans les faits et non dans les paroles. Mais le Gouvernement Ramadier, comme tous les Gouvernements qui se sont succédé depuis la chute de Pétain, et qui ont soi-disant inauguré, par la participation des chefs socialistes et communistes, une ère démocratique, n'ont fait que préserver les bases de la réaction contre la lutte démocratique des masses.
Aujourd'hui, toutes les catégories sociales populaires sont exaspérées. Elles avaient mis leur dernier espoir dans le Gouvernement Ramadier qui devait représenter "la fin du provisoire" et inaugurer "l'ère constitutionnelle". Mais aux travailleurs, le Gouvernement Ramadier a refusé le MINIMUM VITAL et leur demande de travailler et de souffrir sans bouger "comme sous la servitude" ; les petits commerçants, les petites gens sont soit écrasés par les impôts, soit victimes de l'inflation croissante, malgré le "décret" sur la baisse ; le mécontentement des paysans qui voient l'Etat s'attaquer à eux et non aux gros propriétaires et aux trusts qui les exploitent, n'est pas moins grand. C'EST POUR ESSAYER DE CANALISER DANS LA VOIE FASCISTE LE MECONTENTEMENT DES CLASSES LABORIEUSES qui étouffent sous le régime soi-disant démocratique, que le P.R.L., qui vote pour la politique gouvernementale, se proclame "opposition" et provoque des incidents contre les staliniens.
C'est ainsi qu'en Belgique, les anciens combattants, que les dirigeants pourris du P.S. et du P.C. avaient abandonnés à leur sort, au lieu de les organiser et de défendre leurs revendications vis-à-vis des capitalistes, ont été conduits par des députés de droite à manifester "contre le Parlement". Or, détruire le Parlement en laissant intacte la domination capitaliste et de l'Etat bourgeois, c'est instaurer le pouvoir fort à la Pétain.
La seule force qui peut s'opposer aux fascistes, à la réaction, c'est la classe ouvrière organisée qui, par sa lutte anti-capitaliste, offre seule une issue réelle aux autres couches victimes du régime capitaliste : les classes moyennes prolétarisées, les petits rentiers, les anciens combattants, etc.
Mais l'arme ESSENTIELLE de la classe ouvrière, LA GREVE, les chefs staliniens, en tant que ministres des capitalistes, la dénoncent comme faisant "le jeu de la réaction". Ainsi ils ligotent et déroutent les ouvriers, leur enlèvent toute confiance en eux-mêmes, confiance qu'ils ne peuvent acquérir que dans la lutte gréviste d'usine, en s'opposant à la surexploitation patronale. Ils abandonnent le minimum vital, ils condamnent les formes de lutte ouvrière, et c'est seulement une fois ce travail fait pour les capitalistes au moment où ceux-ci veulent s'en débarrasser pour imposer un "régime fort", qu'ils appellent la classe ouvrière à leur secours.
Mais en Allemagne aussi , à la dernière minute, les chefs staliniens et socialistes ont appelé les masses qu'ils avaient réduites au désespoir par leur politique, à les sauver du fascisme. Les travailleurs, démoralisés et ligotés, ne furent pas en état de répondre aux appels d'en haut, ne fut-ce que pour se défendre eux-mêmes.
Les travailleurs ne peuvent d'aucune façon compter sur leurs chefs pour les guider dans la lutte contre le fascisme. Les militants socialistes et communistes ont, par conséquent, pour premier devoir d'appuyer de toutes leurs forces la lutte ouvrière contre le patronat, renoncer à suivre leurs chefs dans leur travail de jaunes, souder les ouvriers dans un seul bloc par la lutte pour le MINIMUM VITAL ; ils créeront SUR CETTE BASE des organisations de défense des travailleurs contre le fascisme. De cette manière ils dresseront un obstacle infranchissable aux menées fascistes de la bourgeoisie et ouvriront la lutte victorieuse pour un GOUVERNEMENT OUVRIER ET PAYSAN.
Depuis le 14 février, le Gouvernement, par son refus de satisfaire aux revendications des grévistes de la Presse, empêche la parution des journaux. Le ministre de l'Information, M. Bourdan, après M. Ramadier, nous en donne la raison : "A propos de cette grève, je voudrais précisément attirer l'attention du public sur le fait que nous sommes en présence de revendications qui sont présentées par un Syndicat, par une corporation qui compte parmi les Syndicats privilégiés... Nous ne considérons pas comme justifiées, dans les circonstances actuelles, des demandes qui nous sont présentées par un Syndicat qui compte, je le répète, parmi les privilégiés..."
M. Croizat, ayant remplacé la solidarité avec la classe ouvrière par la solidarité ministérielle avec les bourgeois, déclare lui aussi "que les revendications des employés et spécialistes de la Presse sont absolument inadmissibles".
Qui sont ces gens qui mènent campagne contre les privilèges, qui ont cette attitude énergique devant des "demandes injustifiées", qui s'indignent de l'égoïsme des ouvriers et de leurs salaires élevés ? Ce sont des hauts fonctionnaires, des députés, des ministres, dont les traitements et revenus se chiffrent par centaines de milliers et par millions de francs.
"Comment pourrions-nous, nous dit M. Bourdan, rejeter les revendications de travailleurs dont les res-sources sont très inférieures à celles des travailleurs en cause, si, par avance, nous acceptions d'être les complices d'une hausse des salaires ?"
Comment se fait-il, alors, que le Gouvernement n'ait pas hésité, il y a quelques semaines, à se faire le complice d'une autre hausse de salaires, bien plus importante, en portant l'indemnité des parlementaires à 640.000 francs et en accordant un acompte provisionnel de 180.000 francs à des hauts fonctionnaires déjà rémunérés à 500.000 francs. Ni M. Bourdan, ni M. Ramadier n'ont élevé de protestation : car ils font eux-mêmes, précisément, partie de cette catégorie qui reçoit des traitements fantastiques. Les parlementaires, qui ont une clientèle électorale à ménager, ont renoncé à toucher l'acompte provisionnel. Mais les conseillers d'Etat, auxquels ils sont assimilés, n'en ont pas fait autant. Les 600 députés, les quelques ministres, ne sont qu'une minorité d'une armée de milliers de hauts fonctionnaires, secrétaires d'Etat, chefs de cabinets, officiers, préfets, magistrats, ambassadeurs, conseillers d'Etat, etc., etc..., pour la plupart desquels le train de vie d'une journée représente plus que le revenu d'un mois de nos travailleurs "privilégiés".
Notre ouvrier "privilégié", le typo, avec son sa-laire brut de 10.000 à 12.000 francs par mois, a un pouvoir d'achat inférieur à celui du manoeuvre d'avant-guerre. Mais quel que soit le traitement nominal de tout ce grand personnel parasitaire de la bourgeoisie, il a conservé et même renforcé son niveau de vie antérieur. Ces hauts fonctionnaires, ceux-là mêmes que le bourgeoisie charge de crier contre les privilèges des ouvriers (pour mieux protéger ses profits), reçoivent en échange des avantages de toutes sortes qui confèrent à leurs traitements une tout autre valeur : chemin de fer gratuit, voiture à leur disposition, frais de représentation, dîners, réceptions, personnel domestique, etc., tout cela aux frais de l'Etat.
"Je me suis laissé dire, s'est exclamé un Conseiller de la République dans un récent débat parlementaire, que ces grévistes touchaient un salaire journalier de 500 francs" (!) Il s'est "laissé dire" que par rapport à d'autres catégories de salariés, qui se trouvent à un niveau inférieur, et dont il ne connaît le train de vie misérable que par ouï-dire aussi, c'est là un salaire exorbitant. Il s'agit, en effet, de chiffres dans lesquels M. le Conseiller de la République se perd : 300, 500 et même 1.000 francs ce n'est guère pour ce personnage important que le prix d'un taxi ou d'un repas.
Appliqués à l'appréciation du train de vie d'un ouvrier, ces chiffres n'ont plus aucun sens pour lui : qu'une famille ouvrière vive avec 200, 250, 300 ou 500 francs par jour, qu'avec ce revenu elle se nourrisse, se vêtisse, se loge, et subvienne à tous ses besoins, comment M. le Conseiller de la République pourrait-il avoir la notion d'un pareil budget ? Il s'est "laissé dire" que pour ces gens, qui ne sont que de simples travailleurs, 500 francs c'était bien de trop, quand il y en a d'autres qui acceptent de trimer pour encore moins...
Mais si l'on s'en remet à l'appréciation des parasites millionnaires, les gains les plus misérables de ceux qui entretiennent de leur labeur la vie et le fonctionnement de toute la société, ne tardent pas à devenir des privilèges... Nous en avons la preuve : dans une allocution à la radio, M. Bénazet vitupère (qui l'eut cru !) contre... les hauts salaires des métallurgistes (40 fr. de l'heure). Car, il s'est, lui aussi, laissé dire qu'il règne dans les usines nationalisées une politique de hauts salaires et de primes qui sont la cause du déficit...
Les énormes revenus de tous les hauts serviteurs spécialisés de la bourgeoisie sont le prix de leur métier d'aboyeurs contre les ouvriers, dont la misère est la condition nécessaire de leurs privilèges et de ceux de leurs maîtres. Ayant perçu leurs lourdes enveloppes, ils viennent ensuite vitupérer contre les travailleurs privilégiés...
La nécessité d'une grève générale est une question qui préoccupe tous les travailleurs. Mais pourrons-nous tenir le coup ? se demandent-ils. Tout le monde est contre nous, le Gouvernement, le patronat et même la C.G.T., qui nous tire dans le dos.
Mais si les travailleurs se trouvent devant la nécessité de lutter, c'est justement parce que tous les privilégiés de ce monde sont contre eux, et que seule leur propre action peut les défendre. D'autre part, pour que la direction des Syndicats marche droit, ce sont aussi les ouvriers du rang qui ont toujours dû intervenir, à chaque occasion importante. En 1934, il y avait même la scission syndicale, et c'est justement grâce au magnifique mouvement ouvrier, à partir de février 34, que l'unification a été réalisée et la victoire de 36 préparée ; pour la grève générale de juin 36, ce ne sont pas non plus les dirigeants syndicaux qui en ont donné l'ordre. En réalité donc, quand les ouvriers veulent lutter, ils peuvent passer et passent outre les dirigeants pourris, parce qu'ils savent bien qu'en dehors de leur propre action, personne n'a jamais fait quoi que ce soit pour eux.
La véritable raison des hésitations actuelles des travailleurs est ailleurs. C'est que, alors qu'avant guerre ils étaient relativement forts au point de vue économique, maintenant ils sont beaucoup plus faibles ; c'est pourquoi se pose la question : comment ferons-nous, comment nourrirons-nous nos femmes et nos enfants ?
Les dirigeants pourris, qui s'opposent à l'action ouvrière, insistent justement beaucoup en ce moment sur ce point. Ils oublient d'abord de nous dire à quoi sert alors la caisse de secours des Syndicats ; ils oublient aussi que tout mouvement a parmi ses revendications le paiement des journées de grève, et, chose plus importante encore, ils oublient de nous dire que ce sont les travailleurs qui font marcher tous les rouages de la société, que ceux-ci pourraient fort bien se passer des parasites capitalistes, et que la lutte contre le patronat n'est pas forcément la grève des bras croisés. La classe ouvrière organisée ne peut-elle pas, mille fois mieux que l'anarchie capitaliste, nourrir et faire vivre toute la société ?
Mais quelles que soient les souffrances et les privations que peut nous imposer momentanément la lutte pour des objectifs ouvriers, elles ne pourront jamais atteindre le niveau de celles que nous impose, et que tend à nous imposer de plus en plus, la bourgeoisie.
Sous la férule de celle-ci, nous avons, pendant la guerre, souffert les bombardements et les privations ; des familles entières ont été dispersées ; nous avons vu les nôtres continuellement exposés à la mort ; la maladie s'est installée dans tous les foyers ; tout cela en échange de promesses (démocratie, bien-être, une vie plus digne, la fin des privations), qui ne se sont jamais réalisées.
Aujourd'hui, après deux ans de désillusion et de misère accrue, le Gouvernement nous dit, par la bouche de Ramadier, qu'il faut continuer à souffrir et à peiner comme sous l'occupation. Ainsi, plus on peine pour les capitalistes, plus ceux-ci nous demandent de peiner.
Quels que soient les souffrances et les sacrifices que nous impose une lutte pour notre vie, ils ne sauraient jamais être aussi grands et aussi longs que ceux que la bourgeoisie nous impose pour son bénéfice exclusif.
La grève générale n'est donc pas une solution de désespoir. Les travailleurs qui se sentent faibles individuellement devant toutes les forces liguées contre eux doivent se persuader que cette faiblesse n'est pas celle de leur classe ; c'est dans la force de la classe ouvrière unie dans l'action et dans la compréhension des buts à atteindre qu'ils puiseront le pouvoir de vaincre les obstacles.
L'agitation ouvrière qui s'est accrue par la grève des transports, commencée en janvier dernier sur de simples revendications économiques, s'est transformée en épreuve de force entre le Gouvernement "socialiste" et les ouvriers, ceux-ci ne pouvant frapper les patrons qu'à travers le Gouvernement qui en prenait la défense. Bien que la grève fut "officielle", c'est-à-dire décidée régulièrement par le Syndicat, les grands responsables syndicaux qui ont toujours "l'unité" à la bouche n'hésitèrent pas à rompre la discipline et refusèrent de la soutenir. Si bien que le Secrétaire général du Syndicat, Deakin , dut recourir un jour à une escorte de policiers pour se protéger contre les ouvriers et, dans un meeting, des milliers de délégués exigèrent son départ. "Allez-vous vous laisser influencer par des trotskystes irresponsables ?" rétorqua Deakin. Dans la lutte de classes et les exigences des ouvriers pour des responsables honnêtes, ces gens-là reconnaissent la voix du trotskisme.
Pourtant, le Comité central de grève n'était pas "trotskyste" ; formé des responsables locaux, il était plein de modération et d'inexpérience, effrayé par la vigueur du mouvement qu'il avait à diriger. Aussi s'est-il laissé influencer par les tours de passe-passe des leaders syndicaux et travaillistes, comme nos "syndicalistes purs" de la Presse se sont laissés impressionner par Hénaff et ses pareils.
Ainsi, le Comité de grève lança un appel aux corpo-rations voisines pour leur demander... de ne pas faire grève ! Si cet appel avait été entendu, le Gouvernement serait facilement venu à bout des grévistes. Mais les travailleurs passèrent outre : les dockers et ceux des marchés cessèrent le travail, et le Gouvernement se vit devant la menace d'une grève plus générale encore.
Il tenta d'utiliser les troupes contre les grévistes : cela ne fit qu'aggraver la situation. La solidarité des ouvriers se resserra, d'autres grèves se préparèrent (cheminots, gaz, etc...). D'autre part, bien qu'il eût été fait appel à des contingents sélectionnés, le contact des ouvriers agit sur les soldats qui manifestèrent leur sympathie par de nombreuses collectes, si bien que le Gouvernement fut obligé de retirer la plupart des troupes pour éviter une démoralisation complète : face à l'armée, les grévistes ont vérifié l'efficacité des armes politiques.
Cette solidarité et cette fermeté ouvrières ont battu à la fois les patrons et le Gouvernement. "Que manque l'outil des travailleurs, l'industrie et le pays entier peuvent être paralysés rapidement. La société entière repose sur les épaules des ouvriers. Dès qu'ils cessent le travail, leur véritable place dans la société apparaît." (Socialist Appeal, fév. 47.)
D'autres grèves ont suivi celle des transports (à Glasgow notamment), "officielles" ou "non-officielles", selon que les bureaucrates syndicaux les torpillaient de l'intérieur ou s'y opposaient ouvertement. Mais toutes ont montré le renforcement de la solidarité et de la combativité des travailleurs. La classe ouvrière anglaise se prépare à livrer combat avant que le chômage ne vienne en aide aux patrons et au Gouvernement.
Par sa décision concernant le relèvement des salaires "anormalement bas", le Gouvernement a rejeté la revendication du minimum vital --c'est-à-dire le rajustement de tous les salaires sur la base d'un minimum calculé selon l'indice des prix, et que la C.G.T. avait fixé à 7.000 francs net, salaire de base pour le manoeuvre, sur l'indice des prix de novembre 46.
Bien que le P.C.F. ait promis son appui à la revendication du minimum vital comme légitime et justifiée, les ministres staliniens se sont ralliés à la politique patronale du Gouvernement, qui n'admet qu'une indemnité temporaire pour les seuls salariés gagnant moins de 7.000 francs par mois brut, et sur la base d'une semaine de travail de 48 heures.
Les dirigeants de la C.G.T. eux-mêmes s'inclinent devant cette décision et revendiquent comme compensation au refus du Gouvernement... "des primes à la production ou au rendement correspondant au travail fourni".
Que signifie le relèvement des salaires "anormalement bas" par une indemnité temporaire au taux de 7.000 francs brut ? Les salaires de l'ensemble des travailleurs maintenus à un niveau misérable, le taux de l'exploitation horaire de l'ouvrier laissé à la merci des capitalistes, l'obligation pour les ouvriers de s'exténuer par de longues heures de travail pour pouvoir subvenir à leurs besoins les plus élémentaires.
Que signifiait la revendication du MINIMUM VITAL ? Le moyen de stabiliser à un certain niveau le pouvoir d'achat des ouvriers que les capitalistes, depuis deux ans, ont rabaissé continuellement, la possibilité pour l'ouvrier le plus mal payé de vivre avec son salaire, la lutte pour la diminution du taux d'exploitation horaire de l'ouvrier, l'union de toutes les catégories de salariés pour la défense de leur niveau de vie.
Les résultats techniques des études de la Commission mixte des salaires et des prix que Le Peuple (organe de la C.G.T.) a publiés le 83. nous font comprendre les raisons du refus qu'a opposé le Gouvernement au minimum vital.
La part du revenu des salariés et de leurs familles qui forment 60% de la population, dans la valeur totale des biens de consommation produits, était de 53,4% en 1938, de 44,8% en 1946 et sera de 43,9% en 47, après le relèvement des salaires anormalement bas.
Pour 100 francs de revenus réels répartis en 1938, l'ensemble des salariés recevait 48 francs, les capitalistes proprement dits 24 francs ; En 1947, sur 96 fr.40 de revenus réels (indice actuel de la production), les salariés, après le relèvement des "anormalement bas" ne recevront que 37 fr., les capitalistes proprement dits 42 fr.60. "Cette augmentation de 65% de la part des capitalistes dans le revenu national est le fruit de la diminution du niveau d'existence des masses laborieuses et de l'appauvrissement des classes moyennes. A elle seule cette augmentation de la part des revenus capitalistes a pratiquement absorbé les résultats de l'accroissement de la production dû d l'effort des ouvriers", commente Le Peuple.
Comment comprendre que devant de pareils chiffres et face à une organisation syndicale forte de 6 millions de travailleurs, le gouvernement ait pu rejeter la revendication du minimum vital avec autant de facilité ? Quel a été le rôle exact des dirigeants de la C.G.T. ? Ont-ils vraiment lutté pour le minimum vital ?
Il faut se rappeler que depuis deux ans les dirigeants syndicaux n'ont cessé de capituler sur les revendications ouvrières. Pendant deux ans ils nous ont bernés avec l'argument de la production ; aux ouvriers qui préconisaient l'échelle mobile des salaires, pour empêcher la chute de leur niveau de vie, ils répondaient que "l'économie ne pouvait pas supporter les revendications" alors qu'ils permettaient aux capitalistes de piller cette même économie. Malgré leurs assurances sur la stabilisation des prix, ceux-ci n'ont cessé de monter et il a bien fallu que la C.G.T. sorte de sa politique de blocage des salaires pour revendiquer des augmentations. Ce furent d'abord les dispositions du ministre Croizat : "salaire au rendement, heures supplémentaires, suppression du plafond, etc... qui tentèrent de revaloriser le pouvoir d'achat des travailleurs en exigeant d'eux un travail plus long et plus intensif. Malgré ces sacrifices imposés aux ouvriers, les salaires demeurèrent insignifiants et il fallu de nouveau revendiquer. Ce furent les 25%. A peine cette revendication partiellement satisfaite, l'augmentation vertigineuse du coût de la vie posa le problème d'une nouvelle revalorisation.
La C.G.T. fut obligée de mettre en avant le principe du minimum vital "qui devait jouer en fonction des prix". Ce que la C.G.T. avait repoussé depuis deux ans,
L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES, elle était obligée de l'admettre sous le nom de salaire MINIMUM VITAL. Mais comment entendait-elle cette revendication ?
Il y a un mois, Frachon, secrétaire général de la C.G.T., s'exprimait ainsi : "L'analyse technique du problème nous avait donné le chiffre de 103.000 francs que nous avons ramenés à 84.000 francs EN TENANT COMPTE DES SACRIFICES QUE CHACUN DOIT FAIRE pour la reconstruction."
"En réalité, disions-nous avant même le refus gouvernemental, sous couleur de défendre le minimum vital pour lequel luttent actuellement toutes les catégories de salariés, Frachon, représentant officiel de la C.G.T., LE CONDAMNE FORMELLEMENT... car sur quoi se sont basés Frachon et ses complices pour estimer à 20% le sacrifice de substance vitale que les travailleurs doivent faire ?... Pourquoi ceux-ci (les capitalistes) ne traiteraient-ils pas cette revendication de démagogique, puisque le critère scientifique a disparu. Pourquoi n'exigeraient-ils pas 25, 30% ? FRACHON LEUR EN DONNE LE DROIT. Il suffit qu'ils démontrent qu'ils ne peuvent pas, qu'ils sont en train de "baisser les prix" (sic), etc..." (L. de Cl., nº 84).
C'est donc fort de la capitulation des dirigeants de la C.G.T. que le gouvernement a pu opposer son refus au minimum vital.
Au lieu de démasquer le rôle entièrement parasitaire des capitalistes et de revendiquer pour la classe ouvrière son DROIT A LA VIE sous forme de "minimum vital" reconnu officiellement, les dirigeants cégétistes ont marchandé la substance vitale des travailleurs, ont sacrifié leur niveau de vie, dans l'espoir que les capitalistes fassent eux aussi quelques concessions... Mais en fait de concessions, il ne reste aux dirigeants cégétistes qu'à reprendre à leur compte l'argument de la "baisse", qui a autant de valeur que celui de la "production". UN LEURRE, POUR EMPECHER LES OUVRIERS DE REVENDIQUER.
Tous les faux fuyants des dirigeants actuels de la C.G.T. : essayer de persuader les capitalistes, compter sur le gouvernement "démocratique", tous leurs essais de conciliation n'ont mené à rien : ce sont eux qui ont capitulé. C'est à nous donc d'imposer le minimum vital ; sans quoi nous sommes voués à la maladie et à la déchéance, du propre aveu des bourgeois qui ont étudié la question. Il faut forcer la main à la bourgeoisie pour qu'elle reconnaisse la notion du minimum vital, c'est-à-dire forcer la main au gouvernement pour la reconnaissance juridique du droit des travailleurs à la vie.
Le mécontentement des ouvriers est à juste titre très grand ; mais il se borne aujourd'hui à se manifester dans des grèves sporadiques, partielles, des revendications de 2 fr. par-ci, 4 fr. par-là. Où nous mènera cette situation ?
Quelle perspective avons-nous devant nous ? C'est soit se laisser battre dans des combats isolés, capituler devant le patronat et le gouvernement, soit s'orienter vers la GREVE GÉNÉRALE, la lutte d'ensemble avec ou sans les dirigeants de la C.G.T. C'est seulement cette lutte qui peut provoquer aussi à l'intérieur de la C.G.T. elle-même, la séparation des éléments pourris qui sont définitivement passés dans le camp de la bourgeoisie, d'avec les éléments prolétariens, qui sont seulement égarés dans une politique de collaboration de classe en l'absence d'un mouvement prolétarien révolutionnaire.
Les gouvernements français et anglais viennent de signer un pacte d'alliance "en vue de dresser le bloc de la France et de l Angleterre contre une éventuelle attaque allemande".
Suivant la propagande officielle, ce qui manquait en 1914 et en 1939 --une solide alliance comportant l'obligation pour les deux gouvernements de faire face au "péril allemand"-- existe maintenant.
L'expérience enseigne cependant que la valeur de ces pactes est nulle quant à leur portée lointaine, malgré les clauses les plus draconiennes. Ainsi, l'alliance avec la Tchécoslovaquie contre le révisionnisme du Reich, non seulement n'a pas entraîné l'opposition armée de la France et de l'Angleterre contre Hitler en septembre 38, mais Paris et Londres ont même fait pression sur Prague pour l'empêcher de résister à Berlin. Ce fut le diktat des quatre, ce fut Munich.
Que le prétendu but du pacte de Dunkerque ne soit qu'un mensonge impudent, cela est parfaitement démontré par toute la situation mondiale elle-même.
Pendant le premier et le deuxième conflit mondial, en 1914 et en 1939, l'Allemagne était la plus grande puissance du camp qui disputait aux "impérialistes repus", la France, l'Angleterre et les Etats-Unis, la possession des colonies et des marchés. Trois grandes puissances seulement sont sorties de la deuxième guerre mondiale : les Etats-Unis et l'Angleterre d'une part, l'U.R.S.S. de l'autre. Par conséquent, dans la perspective d'un nouveau conflit, l'Allemagne ne pourrait plus être qu'une puissance de second ordre dans un camp ou dans l'autre. L'attitude des trois grandes puissances occupantes en Allemagne, qui essaient chacune pour soi de la mettre dans leur jeu, n'en est-elle pas la preuve ?
En réalité, dans un nouveau conflit impérialiste, la France serait ou avec l'Angleterre et l'Allemagne, sous la direction des Etats-Unis, contre l'U.R.S.S., ou, si la balance penchait vers cette dernière, sous la direction de l'U.R.S.S. et avec l'Allemagne contre les Etats-Unis et l'Angleterre. Dans la perspective d'un nouveau conflit impérialiste, l'entente franco-anglaise sur l'Allemagne est donc dirigée contre l'U.R.S.S. et ne peut viser qu'à un renforcement militaire de la première plutôt qu'à son affaiblissement (manoeuvres du bloc occidental).
Comme toujours, le but avoué du pacte est destiné uniquement à cacher les buts réels. Son but n'est pas "défense de la patrie", du territoire national.
MM. Ramadier et Bidault viennent de déclarer que "la France doit avoir des satellites". La bourgeoisie proclame ouvertement, par leur bouche, qu'il lui faut, pour vivre, des rapines coloniales, que sans l'exploitation des colonies, elle ne peut plus que mourir. L'impérialisme anglais doit aider la bourgeoisie française avant tout pour maintenir son exploitation coloniale, car de l'Indochine aux Indes, il n'y a qu'un pas... Il s'agit plutôt de fournir des armes à l'armée française où combattent des S.S. contre les Indochinois, que d'organiser la sécurité contre un nouveau Hitler, d'ici vingt ans.
Le but réel du pacte, c'est donc une entente de rapines avec un partenaire qui, exploitant depuis plusieurs siècles des centaines de millions d'hommes, n'entend sûrement pas faire oeuvre philanthropique - nous l'avons bien vu quand il s'est agi de la Syrie et du Liban - avec un impérialisme rapace qui, en toutes circonstances, voudra se sauver lui-même, avec l'aide de l'impérialisme français, mais aussi au détriment de son "allié" : et on sait que le monde est devenu trop petit pour supporter les appétits toujours croissants des impérialistes qui se le disputent. Mais la bourgeoisie française elle-même n'a pas le choix. Quand elle proclame sa volonté d'avoir des satellites, elle cache au peuple que la première conséquence d'une politique de rapine, étant donné son affaiblissement considérable, c'est la soumission aux volontés des impérialismes plus puissants, c'est-à-dire devenir soi-même un satellite.
La Conférence de Moscou également s'est donné soi-disant pour tâche de régler le "problème allemand". Mais dès le premier jour, le général Marshall a insinué que l'Union Soviétique devrait retirer ses troupes de tous les pays occupés ; ce à quoi Molotov a répondu : "Si nous parlions un peu de la Chine." Et les trois gros discuteront aussi de la Chine.
Le point crucial de la Conférence de Moscou, ce n'est pas LA SOLUTION d'un problème, allemand ou autre, mais le règlement des rapports antagonistes entre les trois grandes puissances au détriment des peuples du monde entier. La suite des entretiens et les effets des décisions des trois gros à Moscou sur les peuples les éclaireront bientôt sur la véritable nature des vainqueurs de la guerre et sur le fait que les véritables vaincus en ont été les masses laborieuses de tous les pays.
Les chefs du "Parti Communiste" et les dirigeants de la C.G.T. nous présentent, les uns leur participation au gouvernement bourgeois, les autres leur participation aux conseils d'administration, comités d'entreprises et autres organismes "mixtes", comme un changement, un progrès dans la situation de la classe ouvrière vis-à-vis de la bourgeoisie. Grâce à cette nouvelle conquête, les travailleurs doivent pouvoir contrôler le régime bourgeois et l'assainir en lui insufflant un élan de démocratie. C'est là une étape sur la voie de l'immixtion toujours croissante du prolétariat dans l'Etat et dans l'économie, voie qui doit mener graduellement, sans secousse, au socialisme.
Les marxistes révolutionnaires orthodoxes n'ont jamais cessé de dénoncer toute la duperie de ce vieux point de vue réformiste. Or, une série de scandales ayant éclaté récemment dans l'un de ces organismes, par peur de se mouiller, les dirigeants cégétistes ont dû faire la déclaration suivante :
"Le Bureau confédéral, informé des incidents qui se sont produits au Conseil d'administration de la Société Nationale de vente des surplus et des scandales auxquels donne lieu la liquidation des surplus américains, demande au Gouvernement une enquête publique sur ces faits, dégage à leur égard la responsabilité des administrateurs ouvriers qui n'ont jamais été mis à même d'exercer pleinement leur fonction et décide, dans l'attente des résultats de l'enquête demandée, de suspendre sa participation à l'administration de la Société Nationale de vente des surplus."
Le Peuple, 8-3-47.
En réalité, ce qui vient de se passer dans le Conseil d'administration de la Société Nationale de vente des surplus, c'est ce qui se passe tous les jours dans les Comités d'entreprise, à l'usine, dans toutes les branches de l'administration "mixte", dans les banques, dans les Sociétés nationalisées, etc.
La vérité est que la participation des dirigeants traîtres à l'économie et au Gouvernement bourgeois représente, pour eux-mêmes, des intérêts certains, mais n'est, pour les masses, qu'une tromperie.
AGITATION & GREVES CHEZ RENAULT
Les ouvriers de l'entretien ont débrayé pour demander un réajustement de la prime et leur classification au même niveau que les ouvriers de la production. Les pourparlers duraient depuis le 1er janvier entre la direction et une délégation de la C.G.T. qui faisait "patienter" les ouvriers. Une délégation des grévistes se rendit auprès de M. Lefaucheux qui refusa toute augmentation sous prétexte que la Régie est en déficit : 20.000 francs de perte par Juva dans l'exportation. De plus, dit-il, les 5% nous grugent... A la réflexion d'un ouvrier, disant : "Si vous perdez 5%, vous payez aussi 5% moins cher vos matières pre-mières", il rétorqua : "Ce n'est pas vrai, la baisse ne nous est pas ap-pliquée." Dans ces conditions, comment M. Lefaucheux veut-il nous faire croire que, lui, il applique la baisse quand les autres grosses industries ne le font pas ?
Cette délégation n'ayant rien obtenu, une deuxième délégation est formée. Celle-ci obtient le règlement du conflit pour un mois sur la base de 1 fr.28 de l'heure !
Au modelage-fonderie, les ouvriers ont fait une semaine de grève. Le délégué, sous la pression des ouvriers, s'était solidarisé avec le mouvement. Le chef du personnel, M. Legarrec, accompagné d'un bonze syndical, est venu tenir un discours aux ouvriers, dans lequel il disait notamment : "Pensez à vos femmes et vos enfants, rendez-vous compte de tout le salaire que vous perdez. Vous avez tort, après tout, d'être mécontents. Les Italiens sont plus malheureux que vous."
Les ouvriers n'ont malheureusement rien fait pour faire connaître leur mouvement, parce qu'ils espéraient que "tout seuls, ils avaient plus de chances d'aboutir". Voilà où mène la politique de division de la direction syndicale.
Au bout d'une semaine de grève, ils ont obtenu une augmentation de 4 francs de l'heure, sauf pour les P1.
A l'Artillerie aussi, il y a eu une grève. Ce sont les tourneurs qui ont débrayé les premiers, le jeudi 27 février, à la suite d'une descente des chronos.
Les autres ouvriers du secteur se sont solidarisés avec le mouvement et une revendication générale d'augmentation de 10 francs de l'heure, ainsi que le réglage à 100%, ont été mis en avant.
Ceci équivalait à la suppression du travail au rendement.
Sous la pression de la C.G.T., le travail a repris, tandis qu'une délégation montait à la direction.
M. Lefaucheux avait fait des promesses pour le lundi suivant, mais il s'est retranché derrière le Conseil des ministres qui se tenait ce jour-là. Finalement, les ouvriers n'ont rien obtenu, si ce n'est qu'un réajustement du taux de la prime qui leur fait 40 centimes de l'heure.
MANIFESTATION DES PETITS COMMERÇANTS A WAGRAM
Le lundi 10 mars a eu lieu, à la salle Wagram, un meeting des petits commerçants de la Région Parisienne. Ils ont répondu si nombreux à l'appel de leur Syndicat que la foule encombrait l'avenue et que la circulation a dû être arrêtée.
Voici quelques réflexions échangées par des participants à ce meeting
Un pharmacien. - J'applique la baisse de 5%, mais quand je vais me réapprovisionner chez les grossistes, je m'aperçois que les produits sont majorés de 20 francs et plus. Ce qui représente une hausse de loin supérieure à 5%. La baisse, c'est nous qui la payons, car les fabricants, quand ils l'appliquent, sont subventionnés pour le faire. Les autres ne l'appliquent pas. D'une façon ou d'une autre, c'est un mensonge.
Un boucher. -Nous avons décidé la grève de l'achat. Cela ne peut plus durer. Les grossistes nous imposent la viande à 145 francs le kilo et le Gouvernement voudrait qu'on la revende à 90, 140 et 200 francs, selon les morceaux, ce qui nous donne un prix de vente moyen de 142 fr.50. Et j'ai, par mois, 15.000 fr. de frais, impôts, patente, etc... Nos impôts ont été exactement doublés depuis l'année dernière. Même en vendant la viande au-dessus de la taxe, j'arrive tout juste à payer mes frais et à faire vivre ma famille. Nous mangeons à notre faim, mais en dehors de cela, notre situation est la même que celle des ouvriers. Nous travaillons pour l'Etat. Je vous assure que les petits commerçants qui se sont enrichis pendant la guerre auront vite fait de voir fondre leur pécule. Nous sommes tous logés à la même enseigne : on nous ruine au profit des gros.
Une épicière. - Avant-guerre, nous avions 30% sur le prix des légumes. Maintenant, on ne nous accorde plus que 16%. Sur les produits d'épicerie, où nous avions 20%, on ne nous donne plus que 15%. Et pourtant, nos impôts ont été doublés et même triplés ; il vient d'être votée une loi autorisant les propriétaires à tripler les loyers des fonds de commerce par rapport à 1939. Il faudrait bien que les hommes du Gouvernement comprennent que nous en avons assez. Mais pour cela, nous devrions tous ensemble, ouvriers et commerçants de toutes les professions, faire une grève générale pour manifester notre mécontentement. Il faudrait tout arrêter, ne distribuer que le lait et le pain et laisser marcher les hôpitaux. Peut-être que comme cela ils comprendraient...
COMMENT VIVENT LES TRAVAILLEURS ...
Rue des Amandiers, dans le 20ème au fond d'une cour, un couloir sombre sur lequel donne une chambre "meublée" de vieilles défroques rachetées aux chiffonniers. La fenêtre ferme mal, la porte est fendue. Dans cette tanière vivent --et dépérissent-- l'homme (60 francs de l'heure à l'usine), la femme et trois enfants en bas âge. Loyer : 650 francs par mois.
A Boulogne, un hôtel habité par des ouvriers : une pièce unique, 800 francs par mois. On cuisine "à la sauvette" sur un réchaud. Dans une de ces pièces vit un manoeuvre de chez Renault avec un enfant et sa femme malade qu'il n'a pu laisser à l'hôpital, faute d'argent...
Les fermiers d'aujourd'hui entretiennent l'étable de leurs vaches. Mais les capitalistes réduisent les ouvriers à vivre dans des tanières infâmes.
A la suite de plusieurs réclamations de nos correspondants, nous avons découvert que tous les mandats-poste qui nous étaient envoyés revenaient à l'expéditeur avec la mention "inconnu à l'adresse indiquée". Nous avons fait des réclamations à la poste pour découvrir les auteurs de ce sabotage des publications révolutionnaires (car nous ne sommes pas les seuls à subir un pareil traitement).
Cependant, nous demandons instamment à tous nos camarades d'envoyer leurs mandats exclusivement sous forme de versement au compte courant postal : Paris 5684-77, Jacques Ramboz, 7, impasse du Rouet, Paris 14ème.
D'autre part, nous prions tous les abonnés qui n'ont pas reçu le journal, de nous le signaler pour que nous puissions leur envoyer les exemplaires qui leur manquent.