1971

"Nous prions le lecteur de n’y point chercher ce qui ne saurait s’y trouver : ni une histoire politique de la dernière République espagnole, ni une histoire de la guerre civile. Nous avons seulement tenté de serrer au plus grès notre sujet, la révolution, c’est-à-dire la lutte des ouvriers et des paysans espagnols pour leurs droits et libertés d’abord, pour les usines et les terres, pour le pouvoir politique enfin."

P. Broué

La Révolution Espagnole - 1931-1939

Annexe III : Le Front Populaire

Document 23 : déclaration du PCE pour son entrée dans l’Alliance ouvrière.

« Les Alliances ouvrières - leur nom l’indique - sont apparues en tant qu’organe d’une seule des forces motrices fondamentales de la révolution, celle du prolétariat - la force dirigeante - mais laissent en dehors la seconde, qui est la paysannerie, sans l’alliance de laquelle la révolution ne peut triompher.

C’est pour cela que l’Alliance ouvrière doit s’appeler Alliance ouvrière et paysanne et changer non seulement de nom, mais de contenu, en incorporant dans ses rangs les organisations de la paysannerie.

Dans les Alliances ouvrières ne sont pas représentées les masses de la C.N.T., de la C.G.T.U., des syndicats autonomes, et en est absente la grande masse des ouvriers inorganisés... et les travailleurs en uniforme. Afin que les Alliances expriment démocratiquement la volonté révolutionnaire des masses, il faut qu’elles soient régies par les règles de la démocratie prolétarienne et que les délégués qui y siègent soient démocratiquement désignés par les assemblées de travailleurs des organismes qui les composent. Il est également nécessaire que les Alliances soient des organes de front unique de lutte pour toutes les actions des ouvriers et des masses paysannes, qu’elles soient ou non partielles, économiques, politiques, les orientant vers les objectifs ultimes.

... Le Comité central du Parti communiste d’Espagne (section de l’I.C.) se prononce pour l’entrée de toutes ses organisations dans les Alliances ouvrières là où elles existent, et invite à les créer là où elles n’existent pas. En même temps, il appelle les fractions communistes de toutes les organisations de masse à proposer l’entrée immédiate de ces dernières dans les Alliances ouvrières. En entrant dans les Alliances, le Comité central déclare que les communistes propageront et défendront cordialement et démocratiquement leurs points de vue et méthodes d’organisation à l’intérieur des Alliances ouvrières, avec l’objectif de convaincre les autres forces qui en font partie de la justesse des méthodes d’organisation, de la tactique et de la ligne politique du Parti communiste. »

(Guerra y Revolución en España, I, pp. 58-59.)

Document 24 : Le tournant de la Jeunesse socialiste vers Moscou

Valence, le 22 novembre 1935.

« Au camarade G. Dimitrov, Moscou.

Cher Camarade,

Les Jeunesses socialistes et avec elles tout le prolétariat espagnol ont suivi avec un intérêt exceptionnel les délibérations du VIIeème congrès de l’Internationale communiste et lu avec une grande satisfaction votre rapport sur l’unité ouvrière contre la bourgeoisie et le fascisme.

L’Octobre rouge espagnol a été une démonstration de l’esprit révolutionnaire qui animait le prolétariat espagnol et de sa décision de lutter en rangs unis pour la cause commune de tous les travailleurs. Cet esprit, camarade Dimitrov, est plus ferme encore aujourd’hui, et nous avons l’espoir que l’union des camarades communistes et socialistes se fera rapidement et permettra de réaliser prochainement les désirs exprimés dans votre rapport, qui nous semblent être d’une très grande justesse et le résultat d’une vision claire des problèmes touchant la classe ouvrière du monde entier.

Pendant que se tenait le VIIème congrès de l’Internationale communiste qui vous a si heureusement élu secrétaire général, avait lieu à Valence le IVe congrès de la Fédération provinciale des Jeunesses socialistes de Valence, auquel assistait une délégation fraternelle de jeunes communistes. A ce congrès fut adoptée à l’unanimité, saluée par des ovations, une résolution qui traduisait le désir des jeunes marxistes de la province de Valence et de l’Espagne entière d’éditer en commun un numéro spécial des journaux Adelante et Verdad, le premier organe des Jeunesses socialistes de Valence, le second, des camarades communistes.

Ce numéro spécial doit paraître le 22 courant et sera consacré à la commémoration de l’anniversaire de la glorieuse révolution russe. C’est pourquoi notas vous prions de nous faire parvenir quelques lignes de votre main qui seront un autographe de vous, ainsi qu’un article. Notre numéro contiendra des articles des camarades les plus en vue des Partis et des Jeunesses socialistes et communistes.

Nous voulons espérer, cher camarade, que vous voudrez bien contribuer à la tâche que nous voulons accomplir en publiant le numéro spécial d’Adelante-Verdad.

Présentez au camarade Staline, digne chef du prolétariat de l’Union soviétique, l’expression sincère de notre admiration, de la grande affection que nous, révolutionnaires espagnols, avons pour lui, et faites part aussi de notre admiration à tout le prolétariat de l’U.R.S.S. pour l’œuvre magnifique d’édification socialiste qu’il réalise avec tant abnégation.

Nous vous renouvelons, camarade Dimitrov, l’expression de notre immense affection et de notre profond attachement, et nous demeurons dévoués à vous et à la cause de la classe ouvrière.

Signé : Justo M. Amutio

rédacteur en chef de la rédaction d’Adelante-Verdad

(L’Internationale communiste, n°20, novembre 1935, p. 1594-1595.)

Document 25 : programme de l’alliance électorale de 1936.

« Les partis républicains, Gauche républicaine, Union républicaine et le Parti socialiste, en son nom propre et au nom de l’Union générale des travailleurs, la Fédération nationale des Jeunesses socialistes, le Parti communiste, le Parti syndicaliste et le Parti ouvrier d’unification marxiste, sans pour autant renoncer aux principes de base de leurs doctrines respectives, sont arrivés à élaborer un plan politique commun servant de base et de charte à la coalition de leurs forces respectives dans la compétition électorale prochaine, et de normes de gouvernement que devraient appliquer les partis républicains de gauche avec l’appui des forces ouvrières en cas de victoire. Ils déclarent devant l’opinion publique les bases et les limites de leur accord politique. En outre, ils les présentent à l’examen des autres organisations républicaines ou ouvrières pour que, dans le cas où elles l’estimeraient conforme aux intérêts nationaux de la République, elles rejoignent, dans de telles conditions, le bloc des gauches qui doit lutter contre la réaction au cours des élections générales des députés aux Cortes.

I

Comme présupposé indispensable de la paix publique, 1es partis coalisés s’engagent :

1) A accorder par la loi une large amnistie des délits politiques et sociaux commis antérieurement à novembre 1935, même quand ils n’ont pas été considérés comme tels par les tribunaux. Elle s’étendra également à ceux d’un caractère identique qui ne sont pas compris dans la loi du 24 avril 1934. Seront révisées, conformément à la loi, les sentences prononcées en application illicite de la loi sur le vagabondage, pour des motifs de caractère politique. Jusqu’à ce que soient habilitées les institutions prévues par cette loi, son application sera restreinte et on évitera que, par la suite, elle soit utilisée afin de punir des idées ou des actions politiques.

2) Les fonctionnaires ou employés qui ont été l’objet de suspension, déplacement ou licenciement, décidés sans garantie suffisantes ou pour des raisons politiques, seront rétablis dans leur poste.

Le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que soient réadmis dans leurs emplois respectifs les ouvriers qui auraient été renvoyés pour leurs idées ou pour le motif de grèves politiques dans toutes les corporations publiques, dans les entreprises gérant des services publics et toutes celles dans lesquelles l’État a une intervention directe.

En ce qui concerne les entreprises privées, le ministère du Travail adoptera les dispositions nécessaires pour l’étude de tous les cas de licenciement qui auraient reposé sur un motif politico-social et qui seront soumis aux jurys mixtes afin que ces derniers protègent dans leur droit, conformément à la législation antérieure à novembre 1933, ceux qui auraient été éliminés de façon illicite.

3) Il sera promulgué une loi concédant aux familles des victimes causées par les forces révolutionnaires ou par les actes illégaux de l’autorité et de la force publique au cours de la répression la réparation adéquate du dommage causé aux personnes.

II

Afin de défendre la liberté et la justice, comme mission spéciale de l’État républicain et de son régime constitutionnel, les partis coalisés :

1) Rétabliront le règne de la constitution. Les dispositions adoptées en infraction à la loi fondamentale seront abrogées. La loi organique du Tribunal des garanties devra être réformée afin d’empêcher que la défense de la constitution ne soit confiée à des hommes ayant des convictions ou des intérêts contraires au salut du régime.

2) On édictera les lois organiques, promises par la constitution, et nécessaires à son fonctionnement normal, et particulièrement les lois provinciale et municipale qui devront s’inspirer de façon plus rigoureuse de ses principes. Les Cortes réformeront leur règlement, modifiant la structure et les fonctions des commissions parlementaires qui auront à charge, à l’aide des organismes techniques qui leur seront adjoints, d’élaborer les lois.

3) Le principe de l’autorité est affirmé dans toute sa vigueur, mais les signataires s’engagent à l’exercer sans porter préjudice aux raisons de liberté et de justice. La loi d’ordre public sera révisée afin que, sans perdre de son efficacité défensive, elle garantisse mieux le citoyen contre l’arbitraire du pouvoir, en adoptant également les mesures nécessaires pour éviter la prorogation abusive des états d’exception.

4) Il sera organisé une justice affranchie des anciens critères de hiérarchie sociale, privilège économique et position politique. La justice, une fois réorganisée, sera dotée des conditions d’indépendance promises par la constitution. Les procédures civiles seront simplifiées, le recours devant les tribunaux de contentieux administratif sera accéléré, leur compétence étant élargie, et l’inculpé sera entouré de meilleures garanties dans les affaires de droit commun (...) Le régime des prisons sera humanisé, avec la suppression des mauvais traitements et des interdictions de communiquer non décidées par la justice.

5) Les cas de violences d’agents de la force publique, commis sous les ordres des gouvernements réactionnaires, seront l’objet d’enquêtes sur les responsabilités concrètes jusqu’à découverte d’une responsabilité individuelle et sa sanction. Les fonctions de chaque corps seront définies dans les limites de leurs règlements respectifs. Leurs chefs seront sélectionnés, et sera puni d’exclusion tout agent ayant pris part à de mauvais traitements ou à des actes de partialité politique. Le corps de vigilance sera réorganisé avec des fonctionnaires capables d’une loyauté totale à l’égard du régime.

6) Les normes de discipline des fonctionnaires seront réorganisées avec établissement de sanctions graves pour toute négligence ou abus en faveur d’intérêts politiques ou au détriment du trésor public.

III

Les républicains n’acceptent pas le principe de la nationalisation de la terre et sa remise gratuite aux paysans demandés par les délégués du Parti socialiste. Ils considèrent comme convenables les mesures suivantes qui proposent le rachat des terres par le paysan et le cultivateur moyen et petit, non seulement pour faire œuvre de justice, mais parce qu’elles constituent la base la plus solide de la reconstruction économique nationale.

1) Comme mesures d’aide au cultivateur exploitant : abaissement des impôts et contributions. Répression spéciale contre l’usure. Diminution des rentes abusives. Intensification du crédit agricole. Revalorisation des produits de la terre, spécialement du froment et des autres céréales, adoption de moyens pour l’élimination des intermédiaires et une bonne entente avec les meuniers. Stimulation du commerce d’exportation des produits agricoles.

2) Comme mesures pour améliorer les conditions de la production agricole : les enseignements agricoles seront organisés et l’État procurera des conseillers techniques. Des plans de répartition des cultures et d’implantation de nouvelles seront préparés avec l’aide technique et économique de l’administration publique. Protection des pâtures, de l’élevage et du reboisement. Travaux hydrauliques et construction de postes de secours, transformation de ces derniers pour l’irrigation des cultures. Chemins et constructions rurales.

3) Comme mesures pour la réforme de la propriété de la terre. Dérogation immédiate de la loi sur les fermages. Révision de tous les congés donnés. Consolidation de la propriété, liquidation préalable, pour les fermiers anciens et petits. On élaborera une loi sur les fermages qui assure : La stabilité sur la terre. La modicité de la rente susceptible d’être révisée. L’interdiction de la sous-location et de ses formes camouflées. L’indemnisation pour les améliorations utiles et nécessaires, réalisées par le fermier, de façon qu’elle soit effective avant le départ du domaine du cultivateur. Et l’accès à la propriété de la terre qui aura été cultivée pendant un certain temps.

Les formes de coopération seront stimulées et 1es exploitations collectives protégées. Il sera réalisé une politique d’installation de familles paysannes, en les dotant de secours techniques et financiers précis. Des règles seront définies pour le rachat des biens communaux. Il sera dérogé à la loi sur la dévolution et le paiement des propriétés de la noblesse.

IV

Notre industrie ne peut sortir de l’état de dépression dans lequel elle se trouve si n’est pas totalement réorganisé le système de protections accordées par l’État, selon le critère de la subordination coordonnée à l’intérêt général de l’économie. En conséquence il convient :

1) D’adopter une loi ou un système de lois qui fixe les bases de la protection de l’industrie, comprenant les tarifs, les exemptions fiscales, les méthodes de coordination, la régularisation des marchés et autres mesures de soutien dispensées par l’État dans l’intérêt de la production nationale, pour œuvrer à 1’assainissement financier des industries afin d’alléger les charges de la spéculation qui grèvent sa rentabilité et entravent son développement.

2) De créer des institutions d’enquête économique et technique par lesquelles non seulement l’État puisse obtenir des éléments pour sa direction politique, mais aussi les entrepreneurs pour perfectionner leurs initiatives.

3) D’adopter les mesures nécessaires à la protection spéciale de la petite industrie et du petit commerce.

4) D’augmenter l’activité des industries fondamentales, par le moyen d’un plan de travaux publics, comprenant travaux d’urbanisation et d’amélioration de l’habitat rural, et dans lequel seraient calculés à l’avance les matériaux nécessaires et leur prix, afin d’assurer la rentabilité de ces travaux.

V

Les républicains considèrent les travaux publics non seulement comme un moyen de réaliser les services habituels de l’État ou comme une simple méthode circonstancielle et imparfaite de remédier au chômage, mais comme un moyen puissant de diriger l’épargne vers les sources les plus décisives de richesse et de progrès, délaissées par l’initiative des entrepreneurs. Premièrement seront établis de vastes plans de construction d’habitations, urbaines et rurales, des services coopératifs et communaux, des ports, des voies de communication, des travaux d’irrigation et d’implantation de cultures irriguées et d’amendement des terres.

Deuxièmement, pour y parvenir, on adoptera une réglementation législative et administrative garantissant l’utilité des travaux, leur bonne administration et la contribution à leur réalisation des intérêts privés directement favorisés.

Les républicains n’acceptent pas l’allocation de chômage demandée par les représentants ouvriers. Ils entendent que les mesures de politique agraire, celles qui ont à être menées à bien dans le domaine de l’industrie, les travaux publics et, en résumé, l’ensemble du plan de reconstruction nationale, doivent atteindre, non seulement leurs objectifs propres, mais le résultat essentiel de résorber le chômage.

VI

La propriété foncière et la banque doivent être au service de l’entreprise de reconstruction nationale, sans pour autant méconnaître que des forces aussi subtiles que celle du crédit ne peuvent être contraintes par des méthodes de coercition ni stimulées hors du domaine sûr des applications utiles et d’un emploi rémunérateur.

Les partis républicains n’acceptent pas les mesures de nationalisation des banques proposées par les partis ouvriers. Ils admettent certes que notre système bancaire nécessite certains perfectionnements s’il doit remplir la mission qui lui incombe dons la reconstruction économique de l’Espagne. Nous énumérons à titre d’exemple les mesures suivantes :

1) Direction de la Banque d’Espagne de façon à ce qu’elle remplisse sa fonction de régulation du crédit, comme l’exige l’intérêt de notre économie, en perdant son caractère de concurrente des banques et en liquidant ses immobilisations.

2) Soumission de la banque privée à des règles de fonctionnement [...] selon les principes classiques qu’a mis à nouveau en relief l’expérience des dernières crises, afin d’offrir une garantie sûre aux déposants et assurer les charges financières de la politique de reconstruction économique promise ici.

3) Amélioration du fonctionnement des caisses d’épargne afin qu’elles remplissent leur fonction de création de capitaux, en adoptant également les mesures nécessaires pour protéger l’épargne privée et celle qui relève de la responsabilité des promoteurs et gérants de tout type de compagnies.

En ce qui concerne la propriété foncière, on s’engage à mener à bien une réforme fiscale visant à une plus grande flexibilité des contributions et à la distribution la plus équitable des charges publiques en évitant que le crédit public soit abusivement employé aux fins de consommation.

Premièrement, de fond en comble les contributions directes seront révisées, axées normalement et réorganisées sur des bases progressives.

Deuxièmement, les contributions indirectes seront réformées en cherchant la coordination entre la dépense privée et la charge de la consommation.

Troisièmement, l’administration fiscale sera perfectionnée afin de servir d’instrument efficace à la nouvelle politique des contributions.

VII

La République telle que la conçoivent les partis républicains n’est pas une république dirigée par des motifs sociaux ou économiques de classe, mais un régime démocratique animé par des motifs d’intérêt public et de progrès social. C’est précisément pour cette raison que la politique républicaine a le devoir d’améliorer les conditions matérielles et morales des travailleurs jusqu’à la limite maximale que permet l’intérêt général de la production, indépendamment de l’importance des sacrifices à imposer à tous les privilèges économiques et sociaux.

Les partis républicains n’acceptent pas le contrôle ouvrier demandé par la délégation du Parti socialiste. Ils sont d’accord pour :

- Premièrement, rétablir la législation sociale dans la pureté de ses principes en vue de quoi seront édictées les dispositions nécessaires pour annuler 1es conséquences de celles qui dévoient son sens de la justice, en révisant les sanctions prévues, afin d’assurer la réalisation la plus loyale des lois sociales.

- Deuxièmement réorganiser la législation du travail dans des conditions d’indépendance afin non seulement que les parties intéressées acquièrent la conscience du caractère impartial de ses décisions, mais aussi pour qu’en aucun cas les motifs de l’intérêt général de la production ne demeurent sans la valorisation qui leur est due.

- Troisièmement, corriger l’effondrement des salaires de la campagne, véritables salaires de misère, en fixant des salaires minimaux afin d’assurer à tout travailleur une existence digne, et en créant le délit d’avilissement des salaires, automatiquement passible de poursuites devant les tribunaux.

Quoique la politique de reconstruction économique doive conduire à la résorption du chômage, il est nécessaire au moins d’organiser en outre sur le plan administratif et technique la lutte, en créant les services nécessaires de statistique, classification, bureaux de placement, des bourses du travail et de s’occuper particulièrement du chômage de la jeunesse, sans oublier non plus les institutions de prévision et de secours qui, promises par la constitution, doivent être préparées sur des bases de type social.

Les républicains doivent consacrer à l’assistance publique, à la bienfaisance et à la santé, l’attention qu’elles méritent, chez tout peuple civilisé, sans marchander les sacrifices. L’unification, sous la direction de l’État, des diverses institutions de fondation privée, totalisant leurs disponibilités, sans porter atteinte à la volonté du fondateur.

VIII

La République doit considérer l’enseignement comme un attribut indéclinable de l’État, avec la mission supérieure d’assurer à la majorité des citoyens le plus haut niveau de connaissances et, par conséquent, le plus large niveau moral, au-delà des raisons confessionnelles et de classe sociale :

1) Seront impulsées, au rythme des premières années de la République, les créations d’écoles primaires, y établissant des cantines, des vestiaires, des colonies scolaires et autres institutions complémentaires. L’enseignement privé sera soumis à surveillance, dans l’intérêt de la culture, comme celle qui s’exerce dans 1es écoles publiques.

2) Seront créés les enseignements moyens et professionnels nécessaires pour donner une instruction à tous les citoyens en état de les recevoir.

3) Les enseignements universitaires et supérieurs seront concentrés afin d’être convenablement servis.

4) On aura recours aux méthodes nécessaires pour assurer l’accès à l’enseignement moyen et supérieur à la jeunesse ouvrière, et en général aux élèves sélectionnés pour leurs capacités.

Les partis coalisés remettront en vigueur la législation d’autonomie votée par les Cortes constituantes et développeront les principes d’autonomie énoncés dans la constitution.

La politique internationale sera orientée dans le sens de l’adhésion aux principes et aux méthodes de la Société des Nations.

Madrid, le 15 janvier 1936. Pour la Gauche républicaine : Amos Salvador y Carreras. Pour l’Union républicaine : Bernardo Giner de los Rios. Pour le Parti socialiste : Juan Simeón Vidarte et Manuel Cordero. Pour l’Union générale des travailleurs : Francisco Largo Caballero. Pour le Parti communiste : Vicente Uribe. Pour la Fédération nationale des Jeunesses socialistes : José Cazorla. Pour le Parti syndicaliste : Angel Pestaña. Pour le Parti ouvrier d’unification marxiste : Juan Andrade. »

Document 26 : Le Front populaire jugé par le P.O.U.M.

« ... L’expérience des résultats du Front populaire a déjà été vécue dans notre pays. Le Parti socialiste, en 1931-1933, a pratiqué la politique du Front populaire dont le Parti communiste propage aujourd’hui avec enthousiasme la deuxième édition. La collaboration républicano-socialiste a conduit au triomphe de la contre-révolution en novembre-décembre 1933.

Les conséquences seraient plus catastrophiques encore aujourd’hui si devait prévaloir la position des communistes officiels, plus radicaux-socialistes que communistes.

Cette interprétation qui est la nôtre du Front populaire n’est pas en contradiction, comme on pourrait le croire d’après les apparences, avec le fait que le P.O.U.M. a donné sa signature au document qui a servi de base pour les élections générales du 16 février 1936. Il s’agissait alors d’un simple pacte de caractère électoral ayant comme objectif principal l’amnistie. Le P.O.U.M. a donc développé sa propagande en toute indépendance, en signalant que le pacte ainsi conclu ne pouvait être interprété autrement que comme un pur compromis, exclusivement électoral... »

(¿ Qué es y qué quiere el Partido Obrero de Unificación marxista ?, brochure du C.E. du P.O.U.M., pp. 13-14.)

Document 27 : Le double pouvoir vu par le Président de la République

« C’est en réaction à la rébellion militaire, et comme conséquence du fait que le gouvernement se trouvait démuni de moyens de coercition, que se produisit le soulèvement prolétarien qui n’était pas dirigé contre le gouvernement... Une révolution doit s’emparer du commandement, s’installer au gouvernement, diriger le pays selon ses vues. Or ils ne l’ont pas fait. Pourquoi ? Faute de forces, de plan politique, d’hommes jouissant d’autorité ? Pressentiment qu’un coup de main contre le pouvoir, même victorieux, ferait s’écrouler la résistance, nous opposerait au monde entier, et que nous perdrions la guerre ? Ou bien le calcul de créer clandestinement, en abusant de sa force, sans responsabilité et sous la couverture de gouvernements désarmés des situations de fait afin de les maintenir ensuite et de s’imposer à l’État quand il sortirait de sa léthargie...

L’œuvre révolutionnaire a commencé sous un gouvernement qui ne voulait ni ne pouvait la cautionner. Comment s’appelle une situation créée par un soulèvement qui commence et ne se termine pas, qui enfreint toutes les lois et ne renverse pas le gouvernement pour prendre sa place, couronné par un gouvernement qui abhorre et condamne les événements mais ne peut ni les réprimer ni les empêcher. Elle s’appelle indiscipline, anarchie, désordre. L’ordre ancien aurait pu être remplacé par un autre, révolutionnaire ; il ne le fut pas. Il n’y avait plus ainsi qu’impuissance et désordre. »

(Manuel Azaña, La Velada de Benicarlo, p. 96.)

Document 28 : Les anarchistes et la question du pouvoir

a) Contre l’entrée dans le gouvernement.

« L’existence d’un gouvernement de Front populaire, loin de constituer un élément indispensable à la lutte anti-fasciste, correspond en réalité à une grossière imitation de cette même lutte.

Il est inutile de rappeler que, face à la préparation du « putsch » fasciste, les gouvernements de la Généralité et de Madrid n’ont absolument rien fait. Ils n’ont utilisé leur autorité que pour camoufler les manœuvres des éléments réactionnaires et de ceux dont le gouvernement était l’instrument conscient ou inconscient.

La guerre qui se déroule en Espagne est une guerre sociale.

L’importance du Pouvoir modérateur basé sur l’équilibre et la conservation des classes, ne saurait imposer une attitude définie dans cette lutte qui a ébranlé les fondements de ce même État qui ne dispose plus de la moindre sécurité. Il est, de plus, exact de dire que le gouvernement de Front populaire en Espagne n’est rien d’autre que le reflet d’un compromis entre la petite bourgeoisie et le capitalisme international.

Par la même force des faits, ce compromis n’a d’autre valeur que transitoire et devra laisser la place aux revendications et la ligne de conduite établies en vue d’une profonde transformation sociale.

On verra alors disparaître la plaie des négociants et des conservateurs qui agissent aujourd’hui à l’ombre des républicains et libéraux de Barcelone, Valence et Madrid. L’idée de remplacer ces gouvernements, gardiens débiles du « statu quo » de la propriété et de la finance étrangères, par un gouvernement fort, basé sur une idéologie et une organisation politique « révolutionnaire » ne saurait aboutir qu’à un ajournement de l’explosion révolutionnaire.

Il ne s’agit donc ni que le marxisme prenne le pouvoir, ni d’une autolimitation de l’action populaire par opportunisme politique. L’« État ouvrier » constitue le point final d’une action révolutionnaire et le début d’une nouvelle servitude. La coordination des forces du Front populaire, l’organisation de l’approvisionnement en vivres au moyen d’une large collectivisation des entreprises est d’un intérêt vital pour parvenir à notre but. C’est là, bien évidemment, l’intérêt de l’heure.

Cela s’est réalisé jusqu’à maintenant de façon non gouvernementale, décentralisée, démilitarisée. On peut appliquer bien des perfectionnements à ces tâches nécessaires. Les syndicats de la C.N.T. ou de I’U.G.T. utilisent et peuvent utiliser toutes leurs forces pour un tel perfectionnement. Au contraire, la constitution d’un gouvernement de coalition avec ses luttes de basse politique entre majorités et minorités, sa bureaucratisation sur la base d’élites sélectionnées et la guerre fratricide que se livrent les tendances opposées rendraient impossible la réalisation de notre travail de libération en Espagne. Cela signifierait l’effondrement rapide de notre capacité d’action, de notre volonté unificatrice et le début d’une « débâcle » imminente face à un ennemi encore passablement fort.

Nous espérons que les travailleurs espagnols et étrangers comprendront la justesse des décisions prises en ce sens par la C.N.T. et la F.A.I. Le discrédit de l’État est la finalité du socialisme. Les faits démontrent que la liquidation de l’État bourgeois, réduit par asphyxie, résulte de l’expropriation économique et non précisément d’une orientation spontanée de la bourgeoisie « socialiste ». La Russie et l’Espagne en sont des exemples vivants. »

(« L’inutilité du Gouvernement », Boletín de Informaciones C.N.T, n°41, 3 septembre 1936.)

b) Pour.

« L’entrée de la C.N.T. dans le gouvernement central est l’un des événements politiques les plus importants de l’histoire politique de notre pays. Tant sur le plan des principe que par conviction, la C.N.T. a toujours été anti-étatiste et ennemie de toute forme de gouvernement. Mais les circonstances... ont changé la nature du gouvernement espagnol et de l’État espagnol.

Aujourd’hui, le gouvernement, en tant qu’instrument de contrôle des organes de l’État, a cessé d’être une force d’oppression contre la classe ouvrière, de même que l’État ne représente plus un organisme qui divise la société en classes. L’un et l’autre opprimeront même moins le peuple maintenant que des membres de la C.N.T. y sont intervenus. »

(Solidaridad Obrera, 4 novembre 1936.)

c) Après.

« Comme fille de vétérans anarchistes, descendante, pourrais-je dire, d’une véritable dynastie d’anti-autoritaires avec un bilan, des réalisations, une vie de lutte consacrée à défendre les idées héritées de mes parents, mon acceptation du poste que m’assignait la C.N.T. avait plus de signification que la simple nomination d’un ministre. D’autres partis, d’autres organisations, d’autres secteurs ne peuvent pas apprécier la lutte interne au mouvement et la conscience même de ses membres, aussi bien alors que maintenant, comme conséquence de la participation de la C.N.T. au gouvernement. Ils ne le peuvent pas, mais le peuple peut, et, s’il ne peut pas, il faut l’informer. Il faut lui dire, que, pour nous , - qui avons sans cesse combattu contre l’État, qui avons toujours affirmé que rien, absolument rien ne pouvait être réalisé à travers l’État, que les mots de « gouvernement » et d’« autorité » signifiaient la négation de toute possibilité de liberté pour les hommes ou les nations - notre intervention dans le gouvernement en tant qu’organisation et qu’individus signifiait ou bien un acte d’audace historique d’une importance fondamentale, ou une rectification de tout un travail, de tout un passé, dans le domaine de la théorie et de la tactique.

Nous ne savions pas ce que cela signifiait. Nous savions seulement que nous étions pris dans un dilemme... Quand je fus nommée par la C.N.T. pour la représenter dans le gouvernement, j’étais membre du Comité régional de Catalogne... Quelles inhibitions, quels doutes, quelle angoisse ai-je eu à surmonter pour accepter ce poste ! Pour d’autres, il aurait pu signifier leur but, la satisfaction de leurs ambitions. Pour moi, il impliquait une rupture avec le travail de toute ma vie, avec tout un passé lié à l’idéal de mes parents. Cela signifiait un effort terrible, un effort que j’ai accompli au prix de bien des larmes. Mais j’ai accepté ce poste, je l’ai accepté, remportant une victoire sur moi-même. Je l’ai accepté, disposée à me dégager à mes propres yeux de la responsabilité de ce que je considérais comme une rupture avec tout ce que j’avais été, toujours fidèle à l’idéal de mes parents et de ma vie entière. Et c’est ainsi que je suis entrée au gouvernement. »

(Federica Montseny, Fragua social, 8 juin 1938.)

Document 29 : Le P.O.U.M. et la question du gouvernement

a) lors de son entrée au conseil de la Généralité

« L’impérieuse nécessité de mener la guerre jusqu’au bout, jusqu’à l’extermination totale de la canaille fasciste, de conduire l’économie du pays jusqu’au socialisme, unique moyen de reconstituer cette économe détruite par la guerre civile et de transformer radicalement la structure politique et sociale de la République, impose la formation d’un gouvernement ouvrier. Celui-ci devant rompre absolument avec la légalité républicaine bourgeoise d’avant en procédant à la convocation immédiate de Cortes constituantes élues par les Comités d’ouvriers, de paysans et de soldats, et qui élaborent la constitution du régime nouveau issu de la révolution.

En catalogue, grâce à l’existence, d’une part de notre Parti qui a toujours maintenu son orientation aille aux principes du marxisme révolutionnaire, et d’autre part de la C.N.T. et de la F.A.I. qui, malgré leur confusionnisme idéologique et leurs erreurs de tactique, incarnent la puissante montée révolutionnaire des masses ouvrières, la politique du Front populaire n’a pas produit les mêmes dégâts que dans le reste de l’Espagne où le Parti socialiste qui dirige le mouvement et le Parti communiste se sont transformés en appendices des partis républicano-bourgeois et s’efforcent de contenir l’avance de la révolution prolétarienne. Du fait de ces circonstances, en Catalogne, la petite bourgeoisie républicaine a été entraînée par l’impétueux courant révolutionnaire jusqu’au point que, d’accord avec l’orientation et les objectifs du mouvement, elle a adopté des positions plus avancées que les socialistes et les staliniens.

Dès les premiers moments, la révolution a revêtu en Catalogne un caractère prolétarien, et la classe ouvrière s’est rendue maîtresse absolue de la situation. Les organes normaux de gouvernement continuent à exister normalement, mais l’apparition d’organismes parallèles comme le Comité central des milices et le Conseil de l’économie les a réduits à de simples fictions. Cet état de choses, compréhensible au début du mouvement, ne correspond déjà plus à la situation. La constitution d’un pouvoir fort s’impose, un pouvoir qui soit capable d’assumer la volonté d’émancipation du prolétariat et de créer la légalité révolutionnaire nouvelle basée sur l’expropriation de la bourgeoisie et l’établissement des fondements d’une économie socialiste. Cette mission, seul un gouvernement ouvrier peut l’accomplir. Dans ce sens, le comité central estime, aujourd’hui comme hier, que ce gouvernement devra être composé exclusivement de représentants des partis ouvriers et des organisations syndicales. Cependant, si ce point de vue n’est pas partagé par les autres organisations ouvrières, nous ne l’imposerons pas, d’autant plus que le mouvement républicain de gauche en Catalogne a un caractère profondément populaire - qui le distingue radicalement du républicanisme de gauche espagnol essentiellement bourgeois - et que les masses paysannes, les secteurs ouvriers qui constituent sa base s’orientent décidément vers la révolution et sont fortement influencés par les partis et organisations prolétariens. L’important est le programme et l’hégémonie du prolétariat, qui doit être garantie. Sur un point, il ne saurait y avoir de doute : le nouveau gouvernement doit faire une déclaration de principes sans équivoque, affirmant sa volonté de traduire dans une légalité révolutionnaire la poussée des masses, et de la diriger dans le sens de la révolution prolétarienne. Quant à l’hégémonie du prolétariat, la majorité absolue des représentants ouvriers l’assurera pleinement.

Un gouvernement de ce caractère imprimera à la révolution une grande accélération dans l’ensemble de la péninsule. L’exemple de la Catalogne enhardira la classe laborieuse de tout le pays et cet exemple sera suivi avec enthousiasme, malgré les tentatives des partis traditionnels de la classe ouvrière espagnole, pour contenir la révolution. En conclusion, le comité central estime que le Parti doit donner tout son appui à la formation de ce gouvernement et accepter d’en faire partie.

Cette collaboration ne pourrait échouer que si toutes tes organisations de la classe ouvrière n’entraient pas dans le nouveau gouvernement, et particulièrement la C.N.T. et la F.A.I. Si, pour obtenir leur collaboration, il apparaît nécessaire de renoncer au nom de « gouvernement », notre parti n’y voit aucun inconvénient. Qu’on l’appelle Gouvernement, Junte ou Conseil, l’essentiel est que soit immédiatement constitué cet organisme que les circonstances exigent de façon impérieuse. »

(Résolution du comité central du P.O.U.M., La Batalla, 18 septembre 1936.)

b) Programme du P.O.U.M. après son exclusion du gouvernement de la Généralité.

« Il faut un gouvernement qui pourrait réaliser les aspirations des masses en donnant une solution radicale et concrète à tous les problèmes en créant un ordre nouveau qui constituerait la garantie de la révolution et de la victoire sur le front. Ce gouvernement ne peut être qu’un gouvernement formé des représentants de toutes les organisations politiques et syndicales de la classe ouvrière, qui se proposerait comme but immédiat la réalisation du programme suivant :

1) Socialisation de la grande industrie et des transports.

2) Nationalisation des banques.

3) Municipalisation des logements.

4) Formation d’une armée contrôlée par la classe ouvrière.

5) Constitution d’un Corps de sûreté intérieur basé sur les Patrouilles de contrôle et le Corps d’investigation créés par la Révolution.

6) Offensive immédiate en Aragon.

7) Réduction des gros appointements.

8) Monopole du commerce extérieur.

9) Création d’une industrie de guerre puissante, socialisée et rigoureusement centralisée.

10) Nationalisation de la terre, la remettant à ceux qui la travaillent, en leur accordant les crédits nécessaires. Exploitation collective des grandes entreprises et aide économique aux entreprises de type collectif créées au cours de la révolution et qui ont démontré leur vitalité.

11) Lutte implacable contre les accapareurs et les agioteurs par un contrôle rigoureux et direct de la répartition et des prix des vivres.

12) Organisation rapide et efficace de la défense aérienne et maritime de tout le territoire. .

13) Convocation d’un Congrès des délégués des syndicats ouvriers et paysans et des combattants, qui établirait les fondements du nouveau régime et élirait un gouvernement ouvrier et paysan qui serait le plus démocratique qu’on ait connu jusqu’à présent, car il exprimerait sans équivoque la volonté de l’immense majorité du pays, et aurait toute autorité pour consolider le nouvel ordre révolutionnaire. »

La Batalla (30 mars 1937).

Document 30 : La politique du P.C. espagnol

a) Caractère de la révolution.

« La révolution qui se déroule dans notre pays est la révolution démocratique bourgeoise qui a été réalisée il n’y a plus d’un siècle dans d’autres pays comme la France et nous, communistes, sommes des combattants de première ligne dans la lutte contre les forces obscurantistes du passé.

Cessez de conjurer le spectre du communisme, vous, les généraux, tant de fois traîtres, avec l’idée d’isoler le peuple espagnol dans cette lutte magnifique contre ceux qui veulent transformer l’Espagne en un pays tragique, arriéré, dans lequel les militaires, le clergé et les caciques seraient les maîtres absolus de la vie et de la propriété ! Nous, communistes, nous défendons un régime de liberté et de démocratie, et, côte à côte avec les républicains, les socialistes, les anarchistes, nous empêcherons l’Espagne de revenir en arrière, à tout prix...

C’est un mensonge de parler de chaos, un mensonge de dire qu’il existe une situation de chaos ici, comme le font les comptes rendus des traîtres à la république ! En cette heure historique, le Parti communiste, fidèle à ses principes révolutionnaires et respectueux de la volonté du peuple se place aux côtés du gouvernement qui exprime cette volonté, aux côtés de la République, aux côtés de la démocratie...

Le gouvernement espagnol est un gouvernement issu du triomphe électoral du 16 février et nous le soutenons et le défendons, parce qu’il est le représentant légal du peuple en lutte pour la démocratie et la liberté...

Vive la lutte du peuple contre la réaction et le fascisme! Vive la république démocratique ! »

(Dolorès Ibarruri, Mundo Obrero, 30 juillet 1936.)

b) Contre les « trotskystes ».

« Notre ennemi principal, ce sont les fascistes. Cependant ces derniers ne comprennent pas seulement les fascistes proprement dits, mais aussi leurs agents, ceux qui travaillent pour eux. Bien entendu, si ces agents disaient : « Nous sommes fascistes et nous travaillons dans vos rangs pour vous créer des difficultés », nous les arrêterions immédiatement. C’est gour cela qu’ils doivent s’intituler autrement... Quelques-uns s’intitulent trotskystes, ce qui est le nom qu’utilisent de nombreux fascistes déguisés qui emploient un langage révolutionnaire pour semer la confusion...

Tout travailleur doit connaître le procès des trotskistes qui s’est déroulé en U.R.S.S. C’est Trotsky lui-même qui dirigeait la bande de criminels qui faisait dérailler les trains en Union soviétique, réalisait des sabotages dans les grandes usines, et faisait tout pour découvrir des secrets militaires afin de les livrer à Hitler et aux impérialistes japonais. Et, au vu du fait que tout cela a été révélé au cours du procès, et que 1es trotskystes ont déclaré qu’ils avaient commis tout cela sous la direction de Trotsky et en complicité avec Hitler et les impérialistes japonais, je demande donc : n’est-il pas parfaitement clair que les trotskystes ne constituent pas une organisation politique ou sociale d’une tendance définie comme les anarchistes, les socialistes ou les républicains, mais une bande d’espions et de provocateurs au service du fascisme international ? Il faut détruire les provocateurs trotskystes ! C’est pourquoi j’ai déclaré dans mon discours à la dernière session plénière du comité central que non seulement il fallait les liquider en Espagne, suspendre leur presse, dissoudre leur organisation, mais qu’il fallait les extirper de tous les pays civilisés, si nous voulions réellement nous débarrasser de cette vermine... En Espagne même, qui, sinon les trotskystes, a inspiré le putsch criminel en Catalogne ?. ... Si, après dix mois de guerre,... le gouvernement n’établit pas l’ordre, alors je serai forcé de conclure, et je suis sûr que tout antifasciste en fera autant, qu’un autre gouvernement de Front populaire devra le faire. »

(José Diaz, discours du 9 mai 1937, Tres Años de Lucha, pp. 350- 366.)

c) avec les « démocraties »

« Nous voulons l’aide (des états démocratiques) et nous croyons que de cette façon ils défendront leurs propres intérêts.

Nous essayons de le leur faire comprendre et d’obtenir leur aide... Nous savons parfaitement que les agresseurs fascistes trouvent dans tous les pays des groupes bourgeois pour les soutenir, comme les conservateurs en Angleterre et la droite en France, mais l’agression fasciste progresse à un tel rythme que les intérêts nationaux, dans un pays comme la France, par exemple, doivent convaincre tous les hommes qui désirent la liberté et l’indépendance de leur pays de la nécessité de se dresser contre cette agression. Et aujourd’hui, il n’est pas de voie plus efficace que d’aider concrètement le peuple espagnol. »

(José Diaz, Frente rojo, 30 mars 1938, reproduit dans Tres Años de Lucha, pp. 461-463.)

d) Pour la république parlementaire.

« Nous nous battons pour la république démocratique et nous n’avons pas honte de le dire. Confrontés au fascisme et à l’intervention étrangère nous ne combattons pas actuellement pour la révolution socialiste. Certains disent qu’à cette étape nous devrions combattre pour la révolution socialiste, et d’autres qui disent même que nous commettons une tromperie, que nous sommes en train de manœuvrer pour dissimuler notre politique réelle quand nous déclarons que nous défendons la république démocratique. Et pourtant, camarades, nous nous battons pour une république démocratique, et plus encore, pour une république démocratique et parlementaire. Il ne s’agit pas de tromper l’opinion démocratique espagnole ni de tromper l’opinion démocratique mondiale. Nous combattons sincèrement pour la république démocratique, parce que nous savons que si nous commettions l’erreur de combattre en ce moment pour la révolution socialiste dans notre pays - et même pour une période relativement éloignée après la victoire - nous donnerions la victoire au fascisme ; nous verrions dans notre pays non seulement les envahisseurs fascistes, mais, à leurs côtés, les gouvernements bourgeois démocratiques du monde, qui ont déjà dit explicitement que dans la situation européenne actuelle ils ne toléreraient pas une dictature du prolétariat dans notre pays. »

(Santiago Carrillo, discours à la conférence nationale de janvier 1937 des J.S.U., En marcha hacia la victoria, p. 10.)

Document 31 : Les communistes et la défense de Madrid

a) Manifeste du 5° régiment (26 septembre 1936).

« Dans tous les quartiers, partout, des coupes de miliciens, hommes et femmes, avec volonté, avec décision, prêts à réaliser le travail et à fortifier Madrid.

Tous les miliciens armés, au front !

Tous les hommes qui ne sont pas miliciens et peuvent travailler à la construction de fortifications, prêts à creuser des tranchées !

Chaque maison, chaque rue, chaque quartier doit être transformé en forteresse. »

(Cité par Jesús Hernández, Rojo y Negro, pp. 294- 295.)

b) Manifeste du comité central du Parti communiste (2 novembre 1936).

« MADRID EST EN DANGER !

Sans pessimisme, avec la certitude absolue du triomphe de la cause que défend avec un héroïsme surhumain le peuple espagnol, mais conscient de la gravité du moment que nous vivons, le comité central du Parti communiste espagnol s’adresse à tous les travailleurs et essentiellement aux communistes pour les prévenir de l’imminence du danger qui menace la capitale de la République et pour les conjurer de faire l’effort maximum qui permettra d’infliger le plus rapidement possible une défaite à l’ennemi et de passer à la contre-offensive qui rétablira définitivement la situation de notre pays.

Madrid est la proie que l’ennemi convoite le plus, c’est vers Madrid que convergent tous ses efforts, c’est sur Madrid qu’il concentre tous ses effectifs, toute sa puissance de feu. Grâce à l’aide de l’Allemagne, de l’Italie et du Portugal qui ont fourni à la canaille insurgée toutes sortes de matériels lourds modernes contre lesquels notre armée n’a pu agir efficacement, il a été possible aux factieux d’approcher du cœur de l’Espagne républicaine.

Mais, malgré tout, dans l’esprit de tous, vit profondément enracinée la conviction que Madrid sera inexpugnable grâce à l’héroïque effort des masses populaires, décidées à verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang. Et cette conviction est basée non seulement sur leur héroïsme, mais aussi sur la puissance des armes modernes que le peuple lui-même, dans un effort magnifique, a su se forger et qui nous sont nécessaires pour vaincre.

Le devoir des communistes est d’organiser, de discipliner et de mener au combat les milliers d’hommes du peuple qui sont prêts à donner leur vie pour sauver la patrie, la démocratie, et pour écraser le fascisme, car le facteur décisif de toutes les guerres est le facteur humain.

Madrid ne sera pas conquis par les hordes fascistes ! Communistes d’Espagne : en avant pour la défense de Madrid ! Plus que personne, camarades, nous devons être les premiers à faire les efforts et les sacrifices nécessaires, à verser jusqu’à la dernière goutte de notre sang pour défendre la cause de la liberté qui est la cause du peuple.

Notre parti frère de l’Union soviétique nous a montré le chemin dans ses combats héroïques de 1917 et tout particulièrement dans sa défense de Pétrograd. Notre exemple, notre décision, notre héroïsme, doivent mobiliser et grouper en un étroit coude à coude tous ceux qui sont résolus à se sacrifier et à travailler à l’organisation de la défense de Madrid. Il faut un miracle d’organisation pour faire de Madrid une forteresse inexpugnable ; mais Madrid ne doit pas être défendu seulement de l’intérieur de la capitale. Madrid doit être défendu de dehors.

A l’héroïsme de son peuple doit répondre l’héroïsme des Espagnols de toute l’Espagne. Communistes ! Mobilisez sang trêve, sans hésitation, toutes nos forces : mettez-vous sans perdre un instant en contact avec toutes les organisations ouvrières et les partis politiques ; Aujourd’hui, plus que jamais tous les embats doivent tendre vers un seul but : sauver Madrid. Des hommes, des armes, des vivres, tout ce qu’il faudra sur Madrid et pour Madrid, qui est l’Espagne, qui est la République, qui est la Révolution.

Nous sauverons Madrid et nous sauverons l’Espagne, nous sauverons la République, nous sauverons la démocratie, nous sauverons notre liberté.

En ces heures historiques où se joue non seulement l’avenir de l’Espagne, mais l’avenir de la démocratie du monde entier, la solidarité internationale, la solidarité de tous les peuples démocratiques, qui, comme nous, comprennent la nécessité de lutter contre le fascisme ne doit pas nous faire défaut.

Travailleurs, vous qui croyez à la liberté, à la démocratie ! A Madrid, se joue le sort de la République démocratique et des libertés populaires. La défense de Madrid est le problème brûlant de l’heure, doit être la question primordiale pour toutes les populations d’Espagne.

La défense de Madrid doit être l’œuvre de toute l’Espagne populaire et antifasciste !

Peuples libres d’Euzkadi, de Catalogne ! La République a signifié pour vous le triomphe de vos idées ; vous avez trouvé en elle une large audience et une pleine compréhension de vos aspirations. Le triomphe du fascisme serait 1’écrasement de vos libertés. Intensifiez votre offensive, et vous contribuerez par là à défendre Madrid, ce qui veut dire défendre la République, défendre votre liberté.

Paysans d’Andalousie, d’Estrémadure, de Galice, de Castille ! Organisez des guérillas contre les traîtres qui veulent vous réduire en esclavage ! Attaquez sur leurs arrières vos ennemis qui sont les nôtres ! Le triomphe de la République sera pour vous la libération définitive : vous serez les maîtres de la terre, vous cesserez d’être des parias. Aidez les ouvriers des villes à écraser le fascisme.

Communistes, travailleurs d’Espagne, un dernier effort, l’effort qui s’impose toujours dans les moments critiques, et nous aurons sauvé notre cause, nous aurons sauvé l’avenir du peuple.

Tous debout pour la défense de Madrid ! Que demain l’ennemi se trouve devant un peuple qui défend, pied à pied, la terre qui est la sienne, qui défend, en faisant le sacrifice de sa vie, toutes les conquêtes démocratiques des masses populaires ! Communistes : au combat ! Intellectuels, bourgeois, défendez tous Madrid, défendez vos femmes, vos mères, vos elles, votre dignité et votre liberté menacées.

Nous voulons et nous voulons de toute notre âme que Madrid ne soit pas souillée par la botte immonde du fascisme.

Mais il faut se hâter : chaque minute que nous perdons, c’est une heure de gagnée pour l’ennemi.

Madrid sera invincible parce que ses hommes et ses femmes le veulent ! Communistes ! En avant vers la victoire ! Donnez tout, sacrifiez tout pour la défense de Madrid ! »

(Mundo Obrero, 2 novembre 1936.)

c) Deuxième manifeste du 5° régiment (7 novembre).

« Le salut de Madrid est une question d’heures. Des milliers de miliciens luttent contre les Maures et les légionnaires étrangers qui prétendent écraser le peuple de Madrid. C’est l’heure historique de la bataille décisive.

On a répété pendant des mois que Madrid serait la tombe du fascisme, et voici venu le moment d’en faire une réalité. Madrid, le Madrid des grandes concentrations antifascistes, des puissants syndicats ouvriers, Madrid qui a tant de fois vaincu la réaction, est sérieusement menacé.

Hommes et femmes de Madrid,

le monde entier dépend de nous, Madrilènes. Il faut que cette page de notre histoire que nous sommes en train de vivre se termine par notre triomphe. Madrid honorera le destin que l’Histoire lui a réservé.

Déjà les canons tonnent à nos portes. Tous les Madrilènes debout. Prêts à gagner, coûte que coûte. Chaque homme, chaque femme, un combattant. Nous lutterons et nous vaincrons. Mais pour cela il faut se préparer à la lutte, immédiatement, sans perdre des heures qui peuvent être précieuses pour le triomphe de notre cause.

Antifascistes,

Tous au combat. Nous répétons le mot d’ordre des premiers moments héroïques. Ces canailles fascistes, qui veulent nom écraser dans Madrid, ELLES NE PASSERONT PAS !

Elles ne passeront pas si chaque Madrilène grave dans son cœur ce désir fervent et fait tout ce qu’il peut pour le triomphe définitif.

Un dernier effort, et Madrid sera sauvé ! Tous unis, nous livrerons la bataille finale pour notre triomphe ! Vive Madrid, héroïque et antifasciste ! Tout pour la victoire ! Tout pour la guerre ! Au combat, Madrilènes ! A la victoire !

(Guerra y Revolución en España, 11, p. 161.)

d) Instructions du 5° régiment a la population (7 novembre).

« 1) Dans les quartier où l’ennemi cherche à entrer, les miliciens doivent construire des barricades, faire des barrages, placer les obstacles qui empêchent les tanks ennemis de circuler à leur guise.

2) Occuper les maisons les plus importantes de la rue qu’il faut défendre, organiser la défense à partir des fenêtres. Un tank ne peut rien contre les hommes qui sont au premier et au second étage d’une maison. Et ces hommes, eux, peuvent lancer des grenades sur les tanks, détruire la cavalerie ennemie, faire reculer l’infanterie.

Ne jamais oublier que la lutte dans la rue et en ville est différente de la lutte en rase campagne.

Des fenêtres on peut tirer facilement sur tous les types d’attaquants.

3) Dans les rues, il faut organiser un service de vigilance, mais les miliciens qui en sont chargés doivent savoir dans quelle maison se réfugier en cas de danger pour résister ou attaquer.

De même les miliciens qui défendent les tranchées, parquets et postes, doivent savoir, en cas de retraite, où aller.

(Guerra y Revolución en España, 11, p. 162.)

e) Communiqué de la Junte de défense (12 novembre).

« La Junte de défense de Madrid a reçu de nombreuses demandes de la part des membres des Comités de voisins de la capitale demandant qu’un représentant de ces Comités fasse partie de la Junte. Comme la nomination de la Junte de défense a été faite par les organismes syndicaux et politiques en accord avec le gouvernement légitime, il est en conséquence impossible qu’une représentation autre prenne place dans la Junte. »

(A.B.C., 12 novembre 1936.)

f ) Appel lancé à la radio au nom du 5° régiment.

« Il s’agit de conquérir la Liberté et l’Avenir ; il s’agit de suivre le merveilleux exemple des peuples de l’U.R.S.S. dont la solidarité renforce si puissamment notre foi dans le triomphe, de faire de l’Espagne un pays progressiste, un pays qui, tout en assurant le bien-être de son peuple, soit un bastion de la paix et du progrès dans le monde.

Combattants de l’Armée populaire et des Milices ! Jeunesse en armes ! L’avenir est entre vos mains ! Soyez dignes de ceux qui sont tombés ! Aux opprimés du monde entier, donnons le stimulant de notre victoire ! »

(Allocution prononcée à la radio du 5° régiment par le commandant Trifón Medrano, membre de la direction des J.S.U. et du P.C..)

Document 32 : Le gouvernement de Staline et l’Espagne.

a) Lettre de Staline, Vorochilov, Molotov.

« Au Camarade Caballero :

Notre représentant plénipotentiaire, le camarade Rosenberg, nous a transmis l’expression de vos sentiments fraternels. Il nous a également informés que vous êtes inébranlablement animés par la certitude de la victoire. Permettez-nous de vous adresser nos remerciements fraternels et de vous assurer que nous partageons votre confiance dans la victoire du peuple espagnol.

Nous avons jugé et nous jugeons encore de notre devoir, dans la mesure de nos possibilités, d’aider le gouvernement espagnol qui dirige la lutte de tous les travailleurs, de tous les démocrates espagnols, contre la camarilla militaro-fasciste, auxiliaire des forces fascistes internationales.

La révolution espagnole s’ouvre des voies qui, par bien des aspects, diffèrent du chemin parcouru par la Russie. Ils déterminent de cette façon la différence des prémisses dans l’ordre social, historique et géographique, les exigences de la situation internationale, différentes de celles que rencontrait la révolution russe. Il est très possible que la voie parlementaire se révèle comme un procédé de développement révolutionnaire plus efficace en Espagne qu’elle ne le fut en Russie.

Nous croyons que notre expérience, surtout celle de notre guerre civile, dûment appliquée aux conditions particulières de la lutte révolutionnaire espagnole, peut avoir une valeur précise pour l’Espagne. Partant de là, et considérant vos demandes répétées, transmises en temps voulu par le camarade Rosenberg, nous consentons à mettre à votre disposition une série de spécialistes militaires à qui nous donnons comme instructions de conseiller sur le terrain militaire ceux des officiers espagnols auxquels vous destinerez leur aide.

Ils ont été fermement avertis de ne pas perdre de vue que, tenant compte de toute la conscience de la solidarité dont sont aujourd’hui pénétrés le peuple espagnol et les peuples de l’Union soviétique, le spécialiste soviétique, parce qu’il est étranger en Espagne, ne peut être réellement utile que s’il s’en tient rigoureusement à la fonction de conseiller et seulement à celle de conseiller.

Nous croyons que c’est précisément de cette façon que vous devez utiliser nos camarades militaires.

Nous vous demandons de nous informer amicalement de la façon dont nos camarades militaires parviennent à remplir les fonctions que vous leur confiez puisque c’est seulement dans le cas où vous considérez leur travail comme positif qu’il est opportun qu’ils demeurent en Espagne.

Nous vous demandons également de nous faire connaître directement et sans détours votre opinion sur le camarade Rosenberg ; s’il satisfait le gouvernement espagnol ou s’il convient de le remplacer par un autre représentant.

Quatre conseils amicaux que nous soumettons à votre discrétion :

1) Il conviendrait d’accorder de l’attention aux paysans, qui ont un grand poids dans un pays agraire comme l’Espagne. Il serait souhaitable de promulguer des décrets de caractère agraire et fiscal qui satisfassent leurs intérêts. Il conviendrait également de les attirer à l’armée et de former à l’arrière des armées fascistes des groupes de guérilleros composés de paysans. Des décrets en leur faveur pourraient faciliter le règlement de cette question.

2) Il conviendrait d’attirer aux côtés du gouvernement la bourgeoisie urbaine petite et moyenne ou, en tout cas, de lui donner la possibilité d’adopter une attitude de neutralité favorable au gouvernement, en la protégeant contre toute confiscation et en lui assurant dans la mesure du possible la liberté du commerce. Dans le cas contraire, ces secteurs suivraient les fascistes.

3) Il ne faut pas repousser les dirigeants des partis républicains, mais, au contraire, les attirer, se rapprocher d’eux et les associer à l’effort commun du gouvernement. Il est en particulier nécessaire d’assurer au gouvernement l’appui d’Azaña et de son groupe, en faisant tout ce qu’il est possible de faire pour les aider à surmonter leurs hésitations. Cela est également nécessaire pour empêcher que les ennemis de la République ne voient en elle une république communiste, et pour empêcher ainsi leur intervention déclarée, ce qui constitue le plus grand péril pour l’Espagne républicaine.

4) On pourrait saisir l’occasion pour déclarer dans la presse que le gouvernement de l’Espagne ne tolérera pas que qui que ce soit porte atteinte à la propriété et aux intérêts légitimes des étrangers en Espagne, des citoyens des pays qui n’appuient pas les fascistes.

Salut fraternel,

Staline, Molotov et Vorochilov

21 décembre 1936. »

(Guerra y Revolución en España, t. II, pp. 101-102. Texte russe hors-texte, p. 100, et traduction espagnole.)

b) Lettre de Largo Caballero aux dirigeants soviétiques.

« Camarades Staline, Molotov y Vorochilov :

Mes chers Camarades, 1a lettre que vous avez eu la bonté de m’envoyer par l’intermédiaire du camarade Rosenberg m’a procuré une très grande joie. Votre salutation fraternelle et votre foi fervente en la victoire du peuple espagnol m’ont produit une profonde satisfaction. A votre cordiale salutation et à votre ardente foi en notre triomphe, je réponds, de mon côté, par mes meilleurs sentiments.

L’aide que vous apportez au peuple espagnol et que vous vous êtes imposée à vous-mêmes en la considérant comme un devoir, nous a été et continue à nous être d’un grand bénéfice.

Soyez sûrs que nous l’estimons dans sa juste valeur.

Du fond du cour, et au nom de l’Espagne, et très spécialement au nom des travailleurs, nous vous en sommes reconnaissants ; nous espérons que par la suite, comme jusqu’à présent, votre aide et votre conseil ne nous manqueront pas.

Vous avez raison de signaler qu’il existe de sensibles différences entre le développement qui suivit la révolution russe et celui qui suit la nôtre. En effet, comme vous le signalez vous-mêmes, les circonstances sont différentes : les conditions historiques de chaque peuple, le milieu géographique, l’état économique, l’évolution sociale, le développement culturel et surtout la maturité politique et syndicale dans laquelle se sont produites les deux révolutions, est différente. Mais, répondant à votre allusion, il convient de signaler que quelle que soit la chance que l’avenir réserve à l’institution parlementaire, elle ne jouit pas entre nous ni même entre les républicains, de défenseurs enthousiastes.

Les camarades qui, appelés par nous, sont venus nous aider, nous rendent de grands services. Leur grande expérience nous est très utile et contribue d’une manière efficace à la défense de l’Espagne dans sa lutte contre le fascisme. Je puis vous assurer qu’en accomplissent leur charge avec un véritable enthousiasme et un courage extraordinaire. Quant au camarade Rosenberg, je puis franchement vous dire que nous sommes satisfaits de sa conduite et de son activité parmi nous. Ici, tous l’aident. I1 travaille beaucoup, avec excès, et préjudice pour sa santé affaiblie.

Je vous suis très reconnaissant de vos conseils d’ami que renferme la fin de votre lettre. Je les estime comme étant une preuve de votre bonne amitié et de votre intérêt pour le meilleur succès de notre lutte.

En effet, le problème agraire en Espagne est d’une importance exceptionnelle. Dès le premier moment notre gouvernement se préoccupa de protéger les apiculteurs en améliorant énormément les conditions de leur existence. Nous avons dans ce sens publié d’importants décrets. Mais malheureusement, on n’a pu éviter, au commencement surtout, qu’il se produisit à la campagne certains excès, mais ayons grand espoir qu’ils ne se reproduiront pas.

Je puis vous en dire autant de la petite bourgeoisie. Nous l’avons respectée, et proclamons constamment son droit de vivre et de se développer. Nous tâchons de nous l’attirer en la défendant contre les agressions possibles qu’elle a pu souffrir au commencement.

D’accord absolument sur ce que vous dites en rapport avec 1es forces politiques républicaines. Nous avons proposé à tout instant de les associer à l’œuvre du gouvernement et de la lutte.

Elles participent largement dans tous les organismes politiques et administratifs, autant locaux que provinciaux et nationaux. Ce qui arrive, c’est qu’elles-mêmes ne font à peu près rien pour accuser leur propre personnalité politique.

Et quant aux intérêts et propriétés des étrangers, citoyens de pays qui n’aident pas les rebelles, installés en Espagne, ils ont été respectés et mis sous la sauvegarde du gouvernement.

C’est ainsi que nous l’avons fait savoir en maintes occasions. C’est ainsi que nous le faisons. Et il est certain que je profiterai de la première occasion pour le répéter une fois de plus à tout le monde.

Salutations fraternelles :

Francisco Largo Caballero

Valence, le 12 janvier 1937. »

(Guerra y Revolución en España, t. 11, pp. 102-103, texte original en français.)

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