1932 |
Allemagne, 1932 : la situation du prolétariat, trahi par ses dirigeants est quasi-désespérée. Trotsky analyse la situation et en déduit les tâches de l'avant garde dans une étude magistrale. |
Œuvres - janvier 1932
La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne
Un marchand menait des bœufs à l'abattoir. Le boucher s'avance, un couteau à la main. "Serrons les rangs et transperçons ce bourreau de nos cornes.",
propose un des bœufs
"Mais en quoi le boucher est-il pire que le marchand qui nous a conduits jusqu'ici avec sa trique",
lui répondirent les bœufs qui avaient reçu leur éducation politique au pensionnat de Manouilsky.
""C'est qu'ensuite nous pourrons régler son compte au marchand! " - " Non ", répondirent les bœufs à principes à leur conseilleur, "tu es la caution de gauche de nos ennemis, tu es toi-même un social-boucher." Et ils refusèrent de serrer les rangs. (Tiré des fables d'Esope.)
"Placer l'annulation de la paix de Versailles obligatoirement, absolument et immédiatement au premier plan, avant la question de la libération du joug de l'impérialisme des autres pays opprimés par l'impérialisme, est du nationalisme petit bourgeois (digne des Kautsky, Hilferding, Otto Bauer et Cie), et non de l'internationalisme révolutionnaire" (Lénine, La Maladie infantile du communisme).
Ce qu'il faut, c'est l'abandon complet du communisme national, la liquidation publique et définitive des mots d'ordre de "révolution populaire" et de "libération nationale". Non pas : "A bas le traité de Versailles !", mais : "Vivent les Etats-Unis soviétiques d'Europe."
Le socialisme n'est réalisable que sur la base des plus récents acquis de la technique moderne et sur la base de la division internationale du travail.
L'édification du socialisme en URSS n'est pas un processus national qui peut se suffire à lui-même, elle fait partie intégrante de la révolution internationale.
La conquête du pouvoir par le prolétariat allemand et européen est une tâche incomparablement plus réelle et plus immédiate que la construction d'une société socialiste, fermée sur elle-même et autarcique, dans les frontières de l'URSS.
Défense inconditionnelle de l'URSS, premier Etat ouvrier, contre les ennemis intérieurs et extérieurs de la dictature du prolétariat !
Mais la défense de l'URSS ne doit pas être menée les yeux bandés. Contrôle du prolétariat international sur la bureaucratie soviétique ! Mise à nu impitoyable de ses tendances thermidoriennes et nationales-réformistes, dont la théorie du socialisme dans un seul pays est la généralisation.
Que faut-il au Parti communiste? Le retour à l'école stratégique des quatre premiers congrès de l'Intemationale communiste. Abandon de l'ultimatisme à l'égard des organisations ouvrières de masse : la direction communiste ne saurait être imposée, elle ne peut être que gagnée.
Abandon de la théorie du social-fascisme, qui aide la socialdémocratie et le fascisme.
Exploitation conséquente de l'antagonisme entre la social-démocratie et le fascisme :
a) pour une lutte plus effective contre le fascisme ;
b) pour opposer les ouvriers sociaux-démocrates à leur direction réformiste.
Ce sont les intérêts vitaux de la démocratie prolétarienne, et non les principes de la démocratie formelle, qui doivent servir de critères pour apprécier les changements de régimes politiques de la domination de la bourgeoisie.
Aucun soutien ni direct ni indirect au régime de Brüning !
Défense hardie et dévouée des organisations du prolétariat contre les fascistes.
"Classe contre classe !" Cela signifie que toutes les organisations du prolétariat doivent occuper leur place dans le front unique contre la bourgeoisie.
Le programme pratique du front unique doit être défini par un accord entre les organisations devant les masses. Chaque organisation demeure sous son drapeau et conserve sa direction. Dans l'action, chaque organisation respecte la discipline du front unique.
"Classe contre classe!" Il faut mener une campagne d'agitation inlassable pour que les organisations sociales-démocrates et les syndicats réformistes rompent avec leurs perfides alliés bourgeois du "front de fer" et serrent les rangs avec les organisations communistes et toutes les autres organisations du prolétariat.
"Classe contre classe !" Propagande et préparation organisationnelle des Soviets ouvriers, comme forme supérieure du front unique prolétarien.
Totale indépendance politique et organisationnelle du Parti communiste à chaque moment et dans n'importe quelle circonstance.
Aucune combinaison de programmes ou de drapeaux. Aucune transaction sans principe. Totale liberté de critique à l'égard des alliés du moment.
L'opposition de gauche soutient, cela va sans dire, la candidature de Thaelmann au poste de président.
Les bolcheviks-léninistes doivent être aux avant-postes dans la mobilisation des ouvriers, sous le drapeau de la candidature communiste officielle.
Les communistes allemands doivent s'inspirer non du régime interne actuel du Parti communiste de l'Union soviétique, qui reflète la domination d'un appareil sur la base d'une révolution victorieuse, mais du régime du parti qui a conduit à la révolution.
La liquidation de l'omnipotence de l'appareil dans le Parti communiste allemand est une question de vie ou de mort.
Le retour à la démocratie dans le parti est indispensable.
Les ouvriers communistes doivent obtenir en premier lieu une discussion sérieuse et honnête dans le parti sur les questions de stratégie et de tactique. La voix de l'opposition de gauche (des bolcheviks-léninistes) doit être écoutée par le parti. Après une discussion générale dans le parti, les décisions doivent être prises par un congrès extraordinaire, élu librement.
La politique correcte du Parti communiste à l'égard du SAP est la suivante : critique sans concessions (mais honnête, c'est-à-dire correspondant aux faits) du caractère bâtard de la direction ; attitude attentive, fraternelle, par rapport à l'aile gauche ; être prêt à passer des accords pratiques avec le SAP et à instaurer des liens politiques plus étroit avec l'aile révolutionnaire.
Changement total d'orientation dans la politique syndicale :
lutte contre la direction réformiste sur la base de l'unité des syndicats.
Mener systématiquement la politique de front unique dans les entreprises. Accords avec les comités d'usine réformistes, sur la base d'un programme précis de revendications.
Lutte pour la baisse des prix. Lutte contre l'abaissement des salaires. Placer cette lutte sur les rails de la campagne pour le contrôle ouvrier sur la production.
Campagne pour la coopération avec l'URSS sur la base d'un plan économique unique.
Elaboration par les organes de l'URSS, avec la participation des organisations intéressées du prolétariat allemand, d'un plan ayant valeur d'exemple.
Campagne pour le passage de l'Allemagne au socialisme sur la base d'un tel plan.
Ceux qui affirment que la situation est désespérée, mentent. Il faut chasser les pessimistes et les sceptiques des rangs du prolétariat comme des pestiférés. Les ressources internes du prolétariat allemand sont inépuisables. Elles se fraieront un chemin.