1919 |
Un ouvrage qui servira de manuel de base aux militants communistes durant les années de formation des sections de l'Internationale Communiste. |
L'ABC du communisme
Comment le développement du capitalisme a conduit à la révolution communiste
(Limpérialisme, la guerre et la faillite du capitalisme)
La domination du capital financier, des banquiers et des syndicats se manifeste encore par un autre phénomène remarquable : la croissance inouïe des dépenses pour larmement des armées, des flottes maritime et aérienne. Et cest bien naturel. Aux temps passés, aucun de ces brigands naurait songé, même en rêve, à une pareille domination universelle. Mais maintenant les impérialistes espèrent réaliser leur rêve. Pour ce combat suprême, les grandes puissances rassemblent leurs forces. Pendant quelles dérobent le bien dautrui, ces bêtes fauves sobservent mutuellement lune lautre, de crainte dêtre mordues par lautre. Chaque grande puissance fut donc obligée dorganiser une armée non seulement contre ses colonies et contre ses propres ouvriers, mais aussi contre ses concurrents en brigandage. Chaque fois quune puissance inaugurait un nouveau système darmement, une autre cherchait à la dépasser pour ne pas rester en état dinfériorité. Ainsi commença la course folle aux armements : une puissance entraînait les autres. On vit naguère les entreprises gigantesques et les trusts des rois des canons : les Poutilovs, les Krupps, les Armstrongs, les Wickers. Ces trusts de fabricants de canons encaissent des bénéfices énormes, nouent des relations avec les états-majors et, par tous les moyens, versent eux aussi de lhuile sur le feu, aiguisant chaque conflit : car de la guerre dépend la prospérité de leurs affaires.
Tel était laspect insensé de la société capitaliste avant la guerre. Les trusts nationaux se hérissaient de millions de baïonnettes; sur terre, sur mer, dans les airs, tout était prêt pour une lutte universelle; parmi les dépenses de lEtat, le budget de la guerre prenait une place de plus en plus grande. En Angleterre, par exemple, en 1875, les dépenses militaires comptaient pour 38,6%, soit un peu plus du tiers, et en 1907-1908 pour 48,6%, soit près de la moitié de toutes les dépenses de lEtat; aux Etats-Unis, en 1908, elles représentaient 56,9%, cest-à-dire plus de la moitié. De même dans les autres Etats. Le militarisme « prussien » fleurissait dans tous les grands « Etats-trusts ». Les rois du canon senrichissaient. Et le monde entier roulait avec une rapidité vertigineuse à la plus sanglante des guerres, à la tuerie impérialiste mondiale.
Particulièrement curieuse a été la rivalité entre les bourgeoisie anglaise et allemande. En 1912, lAngleterre décida de construire trois cuirassés-dreadnoughts, chaque fois que lAllemagne en construirait deux. En 1913, lAllemagne devait avoir dans la mer du Nord 17 dreadnoughts, lAngleterre 21; en 1916, lAllemagne 26, lAngleterre 36, et ainsi de suite.
Les dépenses pour larmée et la flotte augmentèrent de la façon suivante :
Millions de francs | ||
1888 | 1908 | |
Russie | 546 | 1.222 |
France | 780 | 1.079 |
Allemagne | 468 | 1.053 |
Autriche-Hongrie | 260 | 520 |
Italie | 195 | 312 |
Angleterre | 390 | 728 |
Japon | 18 | 234 |
Etats-Unis | 260 | 520 |
En lespace de 20 ans, les dépenses avaient doublé; au Japon, elles étaient treize fois plus grandes. Immédiatement avant la guerre, la fièvre des armements était devenue insensée. La France dépensait pour ses besoins militaires : en 1910, 1.305 millions de francs; en 1914, 1.924; lAllemagne, en 1906, 1.242 millions de francs; en 1914, 2.451 millions, cest-à-dire le double. LAngleterre sarmait plus formidablement encore. En 1900, elle dépensait 1.298 millions de francs; en 1910, 1.804 millions, et en 1914, 2.090 millions; en 1913, lAngleterre dépensait, rien que pour sa flotte, plus que toutes les puissances réunies navaient dépensé pour la leur en 1886. Quant à la Russie tsariste, elle avait dépensé pour ses besoins militaires, en 1892 : 762 millions de francs; en 1902 : 1.094 millions; en 1906 : 1.376 millions; en 1914, son budget de la guerre atteignait 2.535 millions de francs.
Les dépenses darmements engloutissaient une partie énorme des recettes budgétaires. La Russie, par exemple, y consacrait presque un tiers de ses dépenses totales, et plus encore, en comptant les intérêts de ses emprunts.
Sur 100 roubles, en Russie tsaristes, étaient dépensés:
Pour larmée, la flotte, lintérêt des emprunts. | 40 r. 14 kop. |
Pour lInstruction publique (13 fois moins) | 3 r. 86 kop. |
Pour lAgriculture (10 fois moins) | 4 r. 06 kop. |
Pour lIndustrie, les Finances, etc. | 51 r. 94 kop. |
Au total : | 100 roubles |
De même, dans dautres pays. Prenons la « démocratique Angleterre ». En 1904, sur 100 livres sterling, elle dépensait :
Pour larmée et la flotte | 53 £ 80 |
Pour lamortissement des dettes dEtat et lintérêt des emprunts | 22 £ 50 |
Pour les administrations civiles | 23 £ 70 |
Au total : | 100 £ 29 |