1950 |
Prolétaires de tous
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19 janvier 1950
Après le raid du R.P.F. à Ivry
Quelle signification attribuer au juste aux incidents provoqués, le 15 janvier, à Ivry, par des groupes R.P.F. ?
L'Humanité ayant parlé, à ce sujet, du "raid motorisé de 1.500 hommes de main de M. De Gaulle", la presse bourgeoise, dont Le Monde, s'est hâtée de diminuer l'importance de l'affaire, en reprenant la version officielle du Commissariat de Police qui qualifie de "légers incidents" les bagarres entre les vendeurs R.P.F. et P.C.F.
Bien sûr, les informations données par L'Huma sont presque toujours mensongères et nous ne pouvons pas davantage croire la police qui ne le lui cède en rien et qui, dans le cas présent, a intérêt à minimiser les choses.
Mais, en fait, peu importe que l'affaire ait pris les proportions décrites par L'Humanité ou que tout se soit réduit à de "légères escarmouches", selon l'expression du Monde. Car les deux versions concordent quant au principal. Les détails suivants du communiqué officiel :
"Vers neuf heures trente, le commissaire apprenait que des membres du R.P.F., arrivés en camions, se rassemblaient à certains carrefours de la ville" et "à onze heures, les vendeurs du Rassemblement pliaient bagages et se regroupaient devant la mairie, attendant les camions qui devaient les emmener" |
ne confirment-ils pas le caractère de raid militairement organisé de l'entreprise R.P.F. ? Peut-on parler, dès lors, "d'incidents entre vendeurs", quand ceux du R.P.F. étaient étrangers à la localité et arrivés en camions ? N'est-ce pas là, au contraire, une tactique typiquement fasciste ?
Ce ne sont pas les vendeurs de journaux qui constituent l'objectif principal d'une telle mobilisation. Elle a pour but, tout d'abord, en se rendant maîtresse de la rue, d'intimider la population ; puis, si celle-ci ne réagit pas, les groupes paramilitaires fascistes attaquent, pour commencer, les journaux et les locaux ouvriers. Si cela réussit, on procède, ensuite, de la même façon contre tout adversaire, quelle que soit sa couleur. Au bout du compte, le pays est submergé par un régime totalitaire.
C'est ainsi qu'ont procédé, à l'instar de Hitler et de Mussolini, les groupements paramilitaires en France avant guerre, depuis le 6 février 1934.
Après les incidents de Grenoble --qui coûtèrent la vie au militant P.C.F. Voitrin--, devant l'indignation soulevée dans le pays par la manière d'agir de ses acolytes, De Gaulle proclama hypocritement son attachement à la légalité. "Nous n'irons pas sur les barricades", répétait-il encore récemment. Mais, quand on veut imposer un régime personnel, il n'y a pas d'autre voie que le lutte armée contre la classe ouvrière : le raid contre une ville aussi ouvrière qu'Ivry confirme le caractère de parti fasciste du R.P.F.
Mais la population d'Ivry a repoussé l'attaque.
"Vers 10 h.30, rue Marat, quelques projectiles variés : pots de fleurs, détritus, partaient des fenêtres et s'abattaient sur les militants du R.P.F.", |
relate Le Monde.
Au bout d'une heure et demie, les nervis du R.P.F. ont dû se retirer sans avoir pu s'attaquer aux locaux ouvriers.
Pour éviter que ce faits se reproduisent, L'Humanité réclame maintenant à grands cris la dissolution, par l'Etat, des groupements fascistes. Curieuse conclusion ! D'après L'Humanité elle-même, la police n'a fait qu'assister, passive, à la tentative fasciste. Car l'Etat capitaliste et son gouvernement ont trop besoin des troupes paramilitaires contre le mouvement ouvrier. Si la police intervient dans de pareilles circonstances, c'est seulement pour protéger les gangsters fascistes quand les ouvriers menacent d'avoir le dessus.
Pour riposter efficacement aux attaques terroristes qui se reproduiront et s'étendront à tout le pays - car elles font partie du plan de De Gaulle de lutte pour le pouvoir - les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. En se groupant sur le plan de la localité et du quartier, sans distinction de tendances, pour la défense de leurs journaux et de leurs locaux, ils ne doivent en aucun cas laisser les fascistes devenir les maîtres de la rue. Sinon c'en serait fait de leur liberté et de leur possibilité de défendre leurs salaires contre les patrons. Plus de grèves possibles là où les fascistes sont maîtres de la rue.
Il faut aussi que les travailleurs imposent à leurs propres dirigeants staliniens et blumistes de rompre avec la bourgeoisie dans les actes et non seulement dans les paroles. Car qui a contribué à rendre De Gaulle autrement dangereux que ne l'était avant la guerre un de La Rocque ou un Doriot renégat, sinon ces dirigeants, en le sacrant "symbole de la Nation" sous l'occupation, en devenant ensuite ses otages au gouvernement et en acceptant ses referendums bonapartistes ?
A. MATHIEU
Le gouvernement qui, en faisant traîner en longueur le vote des conventions collectives, avait espéré que ce serait autant de gagné pour les capitalistes, est pris maintenant entre deux feux. Un peu partout, les travailleurs s'impatientent et réclament, par des débrayages, les 3.000 FR. PAR MOIS ET POUR TOUS, en attendant le vote de ces conventions par le Conseil de la République (l'ancien Sénat). Et Bidault et Cie, grands partisans de la "paix sociale", qui escomptaient remplacer tranquillement le blocage des salaires par le minimum vital à 9.500 fr., sont obligés, par le mouvement ouvrier, ou de faire des concessions ou de hâter un vote qu'ils auraient voulu le plus tardif possible.
Mais tandis que la volonté de lutte des travailleurs ne se dément pas, la volonté de combat du patronat se confirme, elle aussi. Après les lock-out d'Hispano-Suiza, Bessonneau, Latil, Morane, etc., le conflit de l'"Ile-de-France" en dit long sur l'état d'esprit de la bourgeoisie. Le personnel navigant de ce navire ayant déclenché, le 15 janvier, pour obtenir les 3.000 fr. notamment, une grève d'avertissement qui n'aurait retardé le navire que de 5 heures, s'est vu lock-outé. La Compagnie a décidé de désarmer le navire qui ne pourra reprendre son service normal que le 2 février. Ce fait est révélateur de l'état d'esprit de nombreux patrons, puisque les pertes subies par la Compagnie du fait du lock-out sont relativement beaucoup plus élevées que dans toute autre industrie.
Dans ces conditions, les travailleurs voudraient bien comprendre pourquoi les centrales syndicales les laissent s'engager dans des conflits dispersés, pourquoi elles ne leur présentent aucun plan d'action d'ensemble ? La grève générale du 25 novembre n'a-t-elle pas démontré, en même temps que leur volonté de lutter ensemble, l'efficacité d'une telle lutte ?
Voilà une question à laquelle les travailleurs doivent obtenir, coûte que coûte, une réponse de leurs dirigeants, s'ils veulent entrer avec le maximum de chances dans une bataille qui est inévitable.
Dans notre précédent numéro, nous avons fait ressortir, à propos des nouvelles conventions collectives et du minimum vital ramené par le gouvernement de 12.500 à 9.500 francs, l'importance décisive qu'il y avait d'imposer un véritable minimum vital.
"Les avantages spéciaux à chaque branche d'industrie, disions-nous, ne peuvent devenir une réalité pour les intéressés que si, au préalable, la classe ouvrière arrache un minimum vital calculé par les organisations syndicales."
Qu'est-ce à dire ? Cela veut dire que sans minimum vital garanti à un taux suffisant on aboutirait à la situation suivante : tandis que l'ouvrier métallurgiste, en luttant pour le retour à l'indice 20 par rapport au 1er trimestre de 1939 (166 francs de l'heure pour un manoeuvre), pourrait imposer ce taux ou tout au moins augmenter son salaire actuel, puisque la situation de son industrie est des plus favorables, le petit fonctionnaire continuerait à toucher moins de 15.000 francs. Ailleurs encore - et cela concerne des millions de travailleurs - l'ouvrier verrait son salaire diminuer en raison d'une situation défavorable (chômage ou dispersion dans de petites boîtes). La classe ouvrière se trouverait donc divisée et affaiblie.
Mais la revendication d'un véritable minimum vital est aussi importante pour l'ouvrier des industries actuellement privilégiées que pour l'ouvrier le plus mal payé. Quel que soit le niveau du salaire de base du métallurgiste, par exemple, ce salaire tomberait en dessous du minimum vital en cas de réduction massive des heures de travail. En perdant de vue le minimum vital, par suite d'une conjoncture favorable pour son salaire de base, le travailleur métallurgiste se réserverait de difficiles lendemains.
En donnant moins d'importance dans l'agitation au véritable minimum vital qu'elle fixe à 19.000 francs par mois, la C.G.T. prend une voie dangereuse pour les travailleurs.
Pour éviter que la situation de la classe ouvrière empire dans la période qui vient, à la revendication de la revalorisation des salaires au niveau du premier trimestre de 1939, selon les indices officiels, il faut lier indissolublement la revendication du minimum vital à 19.000 francs.
Fondé en octobre 1942
Rédaction et Administration : écrire à J. Ramboz
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