1947 |
Série de tracts ronéotés recto-verso |
La voix des travailleurs de chez Renault nº 3
19 mars 1947
Le gouvernement a refusé le minimum vital. La CGT s`incline et envisage de remplacer par des primes au rendement . Ainsi quand on avoue que les capitalistes augmentent leurs bénéfices (Le Peuple nous dit que la part des capitalistes dans le revenu national a augmenté de 65%) tout le monde tombe d'accord pour faire accepter de nouveaux sacrifices à ceux qui forgent les richesses : les travailleurs.
Depuis 2 ans la CGT ne fait que capituler en face du patronat et si il y a quelque temps elle a mis en avant le minimum vital c'était pour calmer les ouvriers qui commençaient à protester, et à entrer en lutte.
Quand nous avons protesté contre la dernière augmentation que représentait la prime de production et sa mauvaise répartition, les représentants du syndicat nous ont expliqué que la prime était une augmentation supplémentaire et que la véritable augmentation : le minimum vital, dépendait du gouvernement. Le gouvernement a donné une réponse négative. Le syndicat "regrette" et propose la prime au rendement. Les regrets du syndicat ne peuvent pas faire bouillir la marmite, quant aux primes au rendement nous n'avons rien à en attendre puisque à la RNUR nous sommes arrivés à une cadence de 130 et 135%.
Maintenant il faut choisir : soit capituler avec nos dirigeants devant le patronat, soit nous engager dans la voie de l'Action.
Déjà de nombreux ateliers ont débrayé. Mais leurs actions isolées n'ont donné que des résultats partiels.
C'est vers la grève générale de toute l'usine que nous devons nous orienter avec un objectif commun : les 10frs. sur le taux de base pour tout le monde.
Si des actions isolées arrivent à obtenir des augmentations de 1,2 et 4 frs., 24.000 ouvriers en grève seraient un poids beaucoup plus considérable.
Mais pour cela, il faut que la majorité des ouvriers se prononce publiquement :
Pour la capitulation avec les bonzes devant le patronat et son gouvernement
ou pour le maintien des revendications.
Le minimum vital à 7.000 frs. est basé sur 200 heures de travail (Frachon Huma du 17/1/47) ce qui fait un tarif horaire de base pour le manoeuvre de 7000/200=35 frs. au lieu de 25 frs. (tarif du 1/7/46).
Pour un O.S. 2ème catégorie dont le coefficient est 127 le salaire de base se monterait à (35 x 127) / 100 = 44,45 au lieu de 34,30.
Les 7.000 frs. représentent une augmentation de 40%. A la RNUR le taux minute qui est de 0,60 pour les O.S. passerait à 0,84, soit pour un salaire actuel de 45 frs. une augmentation de 18 frs. La capitulation de la C.G.T. nous coûte I8 frs. de l'heure.
Les "dirigeants" du syndicat ont prétendu que les divers mouvements qui ont eu lieu dans nos usines sont l'oeuvre d'éléments "irresponsables". C'est justement parce qu'EUX les "responsables" ne veulent pas prendre leurs responsabilités pour unifier et coordonner notre lutte que des ouvriers isolés se trouvent placés à l'avant de chaque mouvement revendicatif.
C'est à l'ensemble des ouvriers de prendre leurs responsabilités pour savoir s'ils veulent suivre les bonzes dans leur capitulation ou s'ils veulent suivre les éléments "irresponsables" dans l'action.
Les ouvriers de l'entretien ont débrayé, pour demander un rajustement de la prime et leur classification au même niveau que les ouvriers de la production. Les pourparlers entre la direction et une délégation C. G.Tiste duraient depuis le 1er janvier. Une délégation des grévistes se rendit auprès de Monsieur Lefaucheux qui refusa toute augmentation sous prétexte que la Régie est en déficit : 20.000 frs. de perte par Juva dans l'exportation. Cette délégation n'ayant rien obtenu, une deuxième s'est formée qui obtient le règlement du conflit pour un mois, sur la base de 1,28 frs. de l'heure, en attendant le minimum vital.
Au modelage fonderie, les ouvriers ont fait une semaine de grève. Le délégué, sous la pression des ouvriers, s'était solidarisé avec le mouvement. Le chef du personnel, Monsieur Legarrec, accompagné d'un bonze syndical est venu tenir un discours aux ouvriers, dans lequel il disait notamment : "Pensez à vos femmes et vos enfants, rendez-vous compte de tout le salaire que vous perdez. Vous avez tort après tout d'être mécontents, les italiens sont plus malheureux que vous.
Les ouvriers n'ont malheureusement rien fait pour faire connaître leur mouvement, parce qu'ils espéraient que "tous seuls, ils avaient plus de chance d'aboutir". Voilà où mène la politique de division de la direction syndicale.
Au bout d'une semaine de grève ils ont obtenu une augmentation de 4 frs. de l'heure sauf pour les P1.
A l'artillerie aussi il y a eu une grève. Ce sont les tourneurs qui ont débrayé les premiers, le jeudi 27 février, à la suite d'une descente des chronos. Auparavant ils travaillaient à 145% ce qui leur faisait un salaire de 62 à 68 frs. de l'heure. Après la descente des chronos et la baisse des temps qui s'en est suivie, les ouvriers n'arrivaient plus à faire que 54%.
Les autres ouvriers du secteur se sont solidarisés avec le mouvement et une revendication générale d'augmentation de 10 frs. de l'heure ainsi que le réglage à 100% ont été mis en avant.. Ceci équivalait à la suppression du travail au rendement. Sous la pression de la C. G.T. le travail a repris, tandis qu'une délégation montait à la direction.
Monsieur Lefaucheux avait fait des promesses pour le lundi suivant, mais il s'est retranché derrière le conseil des ministres qui se tenait ce jour là. Finalement les ouvriers n'ont rien obtenu si ce n'est un réajustement du taux de la prime qui leur fait 40 centimes de l'heure.
Dans un autre secteur, les ouvriers. ont lancé une pétition pour demander la réélection des délégués qui a donné les résultats suivants : 121 abstentions et 42 bulletins nuls comportant des inscriptions significatives à l'égard de la direction syndicale ; 172 aux délégués C.G.T. et 32 aux délégués C.F.T.C.
Ces résultats provoquant un ballotage, un délégué a déclaré : "Si je tenais le salopard qui a lancé cette pétition, je le conduirai à Duten" (le sous-directeur).
A l'atelier 5 (trempe secteur Collas) un débrayage a eu lieu de jeudi soir à lundi après-midi.
Ces camarades après plusieurs délégations infructueuses obtinrent 2 frs. d'augmentation.
Dans le secteur Collas, par solidarité pour l'atelier 5, des ouvriers arrêtèrent les moteurs pour provoquer une réunion pendant le travail pour décider de l'action à mener. Mais les délégués sabotèrent le mouvement en remettant les moteurs en route. Une liste de pétition circule réclamant 10 frs. de l'heure pour tout le monde afin de déterminer quels sont ceux des ouvriers qui sont pour la capitulation avec les bonzes et ceux qui sont pour la lutte pour les 10 frs.