1947

Série de tracts ronéotés recto-verso
Parution toutes les deux semaines
Il s'agit de la période précédant directement le déclenchement de la grève Renault d'avril 47


La voix des travailleurs de chez Renault nº 2

Barta

3 mars 1947


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DEFENDONS NOS SALAIRES

Tandis que la production a augmenté de 150% en un an (66,5 véhicules en décembre 45 et 166 en novembre 46), notre salaire a été augmenté de 22,5%. Au lieu d'augmenter en même temps que la production, notre pouvoir d'achat diminue sans cesse. Duret, dans LE PEUPLE, nous indique que la part du revenu national réservée aux salariés est passée de 43% au 1er semestre 1946 à 39,8% au cours du second. Jusqu'alors, nous avons réussi à vivre en faisant des " sacrifices ". D'abord, nous avons augmenté la cadence (de 120% nous sommes passés à 135%), puis la journée de travail s'est allongée de 45 à 54 et même 60h.

Devant cette situation, le mécontentement grandit. Il se traduit par des protestations et des débrayages partiels. La CGT, au lieu d'unifier et de coordonner notre lutte, localise et sabote les conflits. De ce fait, chacun bagarre dans son coin pour des revendications dérisoires. Dans l'île, c'est pour une question de boni que les gars ont débrayé ; à l'Entretien, c'est por réclamer un salaire basé sur le rendement. Certains ouvriers pensent qu'on a plus de chances en revendiquant séparément. C'est donner crédit a ce que racontent les bonzes syndicaux quand ils prétendent que la tactique consiste à " grignoter " le patronat et qu'une action de grande envergure ferait le jeu de la réaction. En fait, depuis que nous avons renoncé à employer l'arme de la grève, c'est nos salaires qui ont été grignoté par le patronat, nous obligeant à augmenter la cadence et la durée du travail.

Beaucoup d'entre nous pensent que seule la grève générale pourrait nous donner entièrement satisfaction. Cela est juste. Mais qui peut la déclencher puisque ceux qui sont à la tête du syndicat sont contre ? Pour le moment, toutes nos actions devront se faire à l'encontre des responsables. Dans ces conditions, la grève générale ne peut être envisagée que comme l'aboutissement d'une série de mouvements à la base. La CGT a mis en avant le minimum vital, mais elle n'a envisagé aucune action pour le faire aboutir. Or, nous savons ce que peuvent donner les discussions de nos dirigeants avec les représentants des patrons et du gouvernement. Les 7.000 frs. revendiqués sont nettement insuffisants. Néanmoins, ils représentent une augmentation de 10 frs. de l'heure dont nous pouvons faire le point de départ de notre lutte. Au lieu de rechercher des combines individuelles pour augmenter notre salaire, en réclamant soit une révision des chronométrages, soit le passage dans une catégorie supérieure ou une prime, il faut unifier nos revendications autour du minimum vital, c'est-à-dire, pour l'immédiat, 10 frs. de l'heure.

Ainsi, nos mouvements perdront leur caractère isolé. Ayant un but d'ordre général, nous pourrons beaucoup plus facilement faire appel à la solidarité des ouvriers des autres secteurs et même des autres usines. Nos dirigeants discutent sur le minimum vital, à nous de l'exiger par l'ACTION.


CANTINE

La cantine de la RNUR passe pour la meilleure de la RP. En fait, si la direction nous sert des repas très modestes pour 25%, c'est qu'elle nous achète notre force de travail 3 fois moins cher qu'en 1938. Mais sur la cantine comme ailleurs, on nous " grignote ". Lors des 22,5% on a augmenté la cantine de 25%. La baisse de 5%, elle, n'a pas été appliquée. Bien plus, on a supprimé le vin un jour par semaine, on a baissé la ration de 25 à 20 centilitres, et maintenant il arrive fréquemment qu'on nous serve un repas sans viande ni charcuterie.


PETITION

DANS LE SECTEUR ZOLA – Les délégués ont refusé la pétition en se justifiant ainsi : " Vous n'aviez qu'à le dire l'autre fois, si vous n'étiez pas contents. Les comptes sont faits. De quoi est-ce qu'on aura l'air ? "

DANS LE SECTEUR COLLAS – Les responsables ont refusé de donner suite à la pétition au sujet de la prime en invoquant la discipline syndicale. Pour eux, la discipline syndicale consiste à étouffer une pétition signée de plus d'un millier d'ouvriers sous prétexte qu'elle n'a pas été soumise à une assemblée de 40 syndiqués.

Drôle de démocratie !


M. PLAISANCE N'A PAS LA LOI

A la réunion du 13/2 au secteur Collas, le délégué fait son rapport, à la suite duquel plusieurs ouvriers interviennent. Brusquement coupant la parole à un ouvrier, Plaisance intervient dans le débat. Des ouvriers protestent, mais Plaisance en tapant de poing sur la table s'écrie : "Il apparaît qu'on veut empêcher la CGT de parler (la CGT c'est donc lui)  il apparaît qu'ici on fait de la démagogie". A ce mot de démagogie, un ouvrier se lève en disant : "On a compris, la séance est levée". Et  il sort, suivi de la majorité, laissant Plaisance s'expliquer devant 13 auditeurs dont une bonne partie désapprouve ses méthodes. En quittant la salle les ouvriers ont. voulu montrer qu'ils n'entendaient pas se laisser traiter en petits garçons.

Chez Citroën (Grenelle) également les ouvriers ont montré leur volonté de ne plus se rendre aux raisons des responsables en menaçant de renverser la voiture de Hénaff qui dû s'en aller sans avoir pu se faire entendre.

"Dans certains secteurs où les ouvriers travaillaient surtout à la main (montage par exemple), ils peuvent se faire jusqu'à 52 frs. de l'heure", dit le délégué de Collas en AS. "Mais dans notre secteur qui est surtout mécanique l'ouvrier a beau en mettre un coup, la machine refuse de dépasser une certaine cadence".
Pour faire 52 frs. de l'heure, un O.S. doit augmenter sa production de 1/3. Heureusement que les machines sont là pour les rappeler à la raison. Sinon, les délégués n'hésiteraient pas à nous faire faire deux journées dans une.


MANŒUVRE DE DIVERSION

La CGT a fait circuler une liste de pétition pour ''réclamer le charbon de la Rhur". La grosse majorité des ouvriers a signé cette pétition sans y réfléchir. Avoir du charbon de la Rhur, pourquoi pas ? Mais comment se fait-il que nous n'ayons pas fait le rapprochement entre le fait que les délégués ne font pas leur travail pour tout ce qui concerne nos revendications d'usine vis à vis de la direction patronale, et s'occupent à faire des pétitions pour le charbon de la Rhur ? Ne serait-ce pas pour nous donner le change ?

Le charbon ne dépend pas de nos pétitions, et si nous avions le charbon de la Rhur, qu'aurions-nous de plus ? Lefaucheux nous dira : "Il faut rallonger les journées de travail, et augmenter le rendement". Autrement dit, augmenter ses bénéfices et non nos salaires. Alors que nous avons appris à nous méfier de nos dirigeants syndicaux sur les questions nous touchant de près, pourquoi leur faire confiance sur des questions sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle ?


CAMARADE, FAIS CIRCULER CE BULLETIN.


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