1945 |
L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS
EUX-MÊMES (Marx) |
La Voix des Travailleurs
26 novembre 1945
Depuis qu'existe la production capitaliste, la bourgeoisie a toujours eu besoin d'un personnel spécial destiné à stimuler l'effort des ouvriers, à obtenir de la main d'oeuvre le maximum de rendement pour le minimum de dépenses. C'est cette partie du personnel que les ouvriers appellent la Chiourme (contremaîtres, chefs d'équipe, etc.). Ces gens là ne sont pas chargés d'éduquer les ouvriers dans un sens professionnel. Leur but est d'obtenir d'eux une "cadence".
Après 150 ans d'exploitation capitaliste, la classe bourgeoise trouve plus que jamais, parmi la classe ouvrière, des éléments ambitieux et sans scrupules qui, pour quelques centaines de francs de plus par mois, acceptent le rôle de gardes-chiourme dans les bagnes capitalistes modernes. Les capitalistes utilisent ces éléments contre la classe ouvrière en les flattant et en leur faisant croire qu'ils sont une "élite", que leur rôle est de commander. Leur condition matérielle, légèrement supérieure à celle de l'ouvrier spécialisé (ils gagnent plus et travaillent moins, mais sont comme lui soumis à la discipline bureaucratique de l'usine), ils la payent de l'abandon de toute dignité humaine.
Ne voyons-nous pas, en effet, chaque jour des contremaîtres traiter avec cynisme et "engueuler" des ouvriers et des ouvrières pour des futilités (se laver les mains avant l'heure, rester trop longtemps aux WC, causer pendant le travail, etc, etc.).
Il fut un temps où l'ouvrier pouvait élever son niveau social par son travail, son habileté, son intelligence. Dans le système bourgeois actuel, l'ouvrier consciencieux et honnête n'a d'autre perspective qu'un rôle d'exploité. Seul peut "s'élever" au rang d'agent de maîtrise l'ouvrier qui accepte de servir servilement ses maîtres capitalistes, et de troquer sa condition misérable d'exploité contre le rôle peu enviable de garde-chiourme.
Six années de guerre ont déprimé bon nombre d'ouvriers qui n'ont plus ni la volonté, ni la force de réagir contre les méthodes policières de la chiourme. Les femmes surtout, que la guerre a jetées dans la production sont un élément très souple, parce qu'elles n'ont pas l'expérience des luttes ouvrières.
A côté des laquais de la bourgeoisie vient s'ajouter une autre catégorie d'ouvriers qui agit en faveur du patronat. Sous prétexte que maintenant nous avons la liberté (sic), que les ouvriers ont un rôle à jouer dans les affaires de la nation, sous prétexte de défense nationale, sous prétexte de reconstruction (pour une prochaine destruction), les responsables syndicaux de bon nombre d'entreprises, et particulièrement des entreprises "nationalisées", jouent eux-aussi le rôle de gardes-chiourme.
Comme ils ne peuvent pas augmenter la production en améliorant la technique, puisqu'ils ne disposent d'aucun des leviers de commande, ils le font en stimulant toujours davantage l'effort des ouvriers qui est déjà à son maximum et organisent le sabotage systématique de toute action directe des ouvriers tendant à leur émancipation (localisation et avortement de tout mouvement, invitation à faire des heures supplémentaires et à abandonner les congés, etc.). Ils utilisent toute l'énergie des ouvriers à l'accroissement de la production et s'en remettent au bon vouloir de L'ETAT BOURGEOIS pour la satisfaction des revendications ouvrières.
Ceci tient à ce que les ouvriers lorsqu'ils se sont donné des responsables, considèrent leur tâche terminée et ne participent pas eux-mêmes à TOUTE L'ACTIVITE de leur organisation. Certains chefs trahissent consciemment, d'autres trahissent en se laissant compromettre. Ce n'est que dans la mesure où les ouvriers seront capables, PAR LEUR ACTIVITE PROPRE de contrôler leurs responsables, qu'ils pourront aspirer à s'émanciper de l'esclavage du salariat.
Les ouvriers ne manquent ni d'énergie ni d'enthousiasme, car dans tous les mouvements de lutte, les prolétaires ont montré qu'ils étaient capables de se battre avec courage. Mais ils ont le tort d'avoir peur des responsabilités. Le Prolétariat est la seule classe qui puisse s'émanciper et en même temps émanciper le reste de la société. Le devoir de chaque prolétaire est donc de prendre une part de la respon-sabilité collective de SA classe. Ce n'est qu'en prenant une part active à la vie de leurs organisations que les ouvriers pourront contrôler effectivement leurs dirigeants.
Pour lutter avec efficacité contre l'arrogance de la chiourme patronale et contre la complicité des responsables syndicaux, il faut démasquer leurs agissements. Que les ouvriers nous signalent les méthodes de répression patronale et la carence de leurs "responsables". La Voix des Travailleurs les dévoilera et aidera à trouver les moyens de lutter contre de tels procédés.
sur les Comités Mixtes
"Moi je n'y prendrai pas part, car nous sommes roulés d'avance, notre rôle est "purement social", donc incompatible avec la production". Et le camarade explique que si la représentation ouvrière doit vraiment apporter des améliorations, c'est-à-dire diminution de l'exploitation, réformes sociales dans l'entreprise en faveur des ouvriers, critique des méthodes de travail, etc... nous serons dans l'obligation de dépasser nos droits, et à ce moment-là nous nous heurterons à la direction qui est toujours seule maîtresse de l'entreprise.
Donc notre rôle est sans aucune autorité, et nous devenons complices volontaires de l'écrasement de notre classe. Après cela un ouvrier lui pose la question suivante : "Alors, si tu étais en U.R.S.S., tu ne prendrais pas part aux élections d'entreprise ?"
Le camarade lui répond : "La question ne se pose pas en régime où les capitalistes ont été expropriés sans rachat par la classe ouvrière, il n'y a pas lieu de voter pour un comité mixte. Si les ouvriers et techniciens votent, c'est pour un comité exécutif d'entreprise qui a droit de contrôle sur tous les livres de compte, sur la marche de l'entreprise, sur les achats ; qui règle les salaires d'après les bénéfices. En un mot, tout ce qui, ici, en régime capitaliste, est hors de notre contrôle et réservé au Conseil d'administration et aux banques. D'ailleurs, cela a un nom, cela s'appelle le "Comité d'usine". Il continue en expliquant que la raison d'être du régime capitaliste, c'est de produire pour réaliser des bénéfices. Donc le patronat par différents moyens cherche toujours le maximum d'exploitation de la classe ouvrière, sans se soucier du sort des travailleurs, ni de leur degré d'épuisement. Et que toute réforme en faveur des ouvriers est une atteinte à ses "privilèges sacrés".
Ce camarade ouvrier avait raison, les Comités mixtes, agréés par un gouvernement capitaliste, sont un moyen des exploiteurs, banquiers et autres, de camoufler leur véritable autorité et de détourner les ouvriers de la véritable lutte qu'ils doivent mener pour être les seuls maîtres dans l'entreprise.
D'ailleurs, pour se rendre compte que le rôle des comités est sans aucune autorité, il n'y a qu'à se référer aux déclarations d'un représentant du haut capital, Ducret, du cabinet du ministre, qui le 23 juin 1945, à Toulouse, déplorant l'ingérence dans le domaine de l'autorité déclarait : "Nous touchons ici à la plus grave erreur. La pratique a démontré que l'ingérence de certains comités mixtes à la production, dans le domaine de l'autorité était le principal défaut à corriger. D'ailleurs la législation l'a très bien senti en ne permettant pas qu'une seule décision soit imposée à l'autorité supérieure." (le capitaliste ou le conseil d'administration). "C'est le directeur, et lui seul qui dirige l'entreprise".
Dans cette déclaration nous pouvons voir que l'ouvrier avait raison en disant que prendre part au comité mixte c'était se faire indirectement le complice volontaire de l'écrasement de notre classe.
Il faudrait que dans la classe ouvrière il en existât beaucoup de semblables, beaucoup d'ouvriers qui raisonnent simplement, et sans parti pris d'avance, les problèmes de notre lutte. Ainsi, il serait moins facile à nos exploiteurs et à leurs agents réformistes, de mener l'humanité dans le mensonge et vers la ruine.
"Une des plus grandes grèves que les Etats-Unis aient connues est en cours à Detroit et dans les grands centres industriels de l'Union. Obéissant au mot d'ordre donné par le Syndicat de l'Automobile, plus de 300 000 ouvriers ont débrayé dans les usines de la General Motors.
Le fond du conflit porte sur une augmentation de salaires de 30%. Le Syndicat soutient que la société peut supporter cette augmentation sans modifier ses prix (en raison des bénéfices de guerre, N.R.). Et pour la première fois on a vu un syndicat américain demander que les livres de compte lui soient communiqués ; en même temps il réclamait une commission d'arbitrage dont la décision serait obligatoire pour les parties.
Ces deux propositions ayant été repoussées comme mettant en cause le principe même de l'autorité du chef d'entreprise, la grève fut votée".
(Le Monde, 25-11-45)
Le gouvernement emploie les travailleurs indochinois en France à fabriquer les munitions pour les Leclerc-de Hauteclocque en Indochine. Le 5 novembre, la 43e Compagnie de travailleurs à Marseille est désignée pour ce travail, dans la fonderie nationale Artifex ; consciente de l'usage de ce matériel, elle refuse le travail.
L'administration (Direction des T.I.) fit plus que de mettre les grévistes au chômage : elle leur supprima leur allocation (10 fr. par jour). Les travailleurs demandèrent alors l'intervention de la C.G.T., mais les "chefs ouvriers" se dérobèrent, sous prétexte que le refus de travail n'était pas fondé et qu'il s'agissait d'une grève politique ; donc la C.G.T. ne pouvait rien faire (ils ne sont pour la politique que quand il s'agit de discussions et de manoeuvres).
Les grévistes s'adressèrent alors au reste de la Compagnie qui se solidarisa avec eux en refusant le travail intérieur (bureaux, ravitaillement, corvées, etc...).
Et malgré le lâchage des bureaucrates, ils furent victorieux : ils ont obtenu, grâce à leur union dans la lutte, leurs 10 francs de chômage, et ils ne produisent pas la poudre destinée à tuer leurs parents !
Après la grève générale (30 octobre) des travailleurs et militaires indochinois en France pour protester contre la poursuite de la guerre en Indochine, il devint clair que beaucoup de travailleurs français étaient prêts à leur accorder leur appui, comme les travailleurs australiens ont su, par des actes, prouver leur solidarité au peuple indonésien.
Ainsi, à Marseille, des centaines d'ouvriers français travaillent à réparer les croiseurs Marin et Savorgnan de Brazza destinés à l'Indochine. Même en l'absence de directives, ils ont montré leur solidarité avec le peuple indochinois en faisant traîner le travail le plus longtemps possible.
Bien plus, à La Ciotat, les dockers français ont exprimé directement aux travailleurs indochinois leur volonté de se solidariser avec eux par la grève. "Tout est prêt" -ont-ils dit- "et il ne manque qu'un ordre émanant de la C.G.T.".
Qu'attend la C.G.T. ? Que les Hénaff et Frachon cessent les phrases hypocrites et passent à l'action ! Les bureaucrates offrent de bonnes paroles et ont peur : "Nous sommes de coeur avec le peuple indochinois, mais nous ne pourrions pas aller au delà..."
Au delà de quoi donc, sinon de la collaboration avec la bourgeoisie ?
Chez Citroën (Clichy)
– De nombreux ouvriers et ouvrières ont refusé de prendre leur timbre syndical et ont engueulé le vendeur de la V.O. et le collecteur : "Il n'y a plus rien dans ton canard ; ça va déjà mieux, relevons nos manches ; on en a marre de cela". Voilà où mène l'incurie syndicale.
Chez Citroën (Levallois)
– Les pièces détachées étaient un des rares coins où subsistait le boni collectif. La Direction voulant établir le boni individuel, les ouvriers ont "débrayé" pendant 2 heures.
La conclusion des délégués a été la suivante : "Tout le monde est au boni individuel, il n'y a pas de raison pour que vous n'y soyez pas".
Les ouvriers ont essuyé une défaite de plus, mais qu'importe. Le même délégué a déclaré à la Conférence des Usines Citroën, le 15 septembre : "Production, 50 heures par semaine, effort constant des ouvriers. Tous les ouvriers sont d'accord pour la continuation des 48 heures. Nous avons expulsé de la C.E. des "Hitléro-Anarcho-Troskystes".
Renault
– Comme au début de novembre, à Citroën-Clichy, des camarades nous signalent une vague de "mutations", le motif des capitalistes reste le même : diminuer les salaires des ouvriers par la division des équipes formées.
– Devant l'augmentation nouvelle du timbre syndical, des ouvriers dans certains services ont refusé de le prendre s'il ne restait pas à l'ancien prix. Le syndicat, devant l'action d'ensemble, a accepté "provisoirement" de délivrer le timbre au même prix.
– Dans plusieurs services, du boni d'équipe, des ouvriers viennent d'être classés au boni individuel. Cette méthode d'offensive contre les salaires est rendue possible par l'incurie du syndicat ; après les mutations, le sabotage des "temps", le patronat réalise le boni individuel ; une à une toutes les méthodes d'exploitation sont appliquées sous l'oeil indifférent de la bureaucratie syndicale qui ne connaît comme moyen de lutte que les discours et les délégations qui viennent platoniquement exposer au patron ou au ministre les malheurs de la classe ouvrière. Ouvriers, une défaite appelle une autre défaite, le patronat attaque position après position, si nous laissons nos bonzes syndicaux mener notre barque ainsi, nous sommes battus d'avance. Ce ne sera que par notre action concertée que nous pourrons refaire de la C.G.T. notre arme de combat et répondre coup pour coup.
– Le bruit court sérieusement que pendant les pannes d'électricité notre salaire ne sera payé qu'à 75%. Nous devons de suite avoir par la section syndicale des assurances pour l'intégrité d'un salaire qui est déjà bien maigre pour vivre.
Hispano (Bd Brune)
– Au cours de l'Assemblée générale pour l'exposé sur les nominations des délégués au Comité mixte à la production et d'entreprise, le bonze syndical a exposé qu'il fallait attendre le nouveau gouvernement pour les augmentations de salaires, mais que le syndicat n'était pas d'accord pour l'échelle mobile, que la solution, la classe ouvrière la trouverait dans la stabilisation des prix ; nous voudrions bien savoir alors, comment se fait-il que depuis des mois que les salaires sont bloqués (15 mars, date du dernier réajustement), les prix des marchandises ont monté sans cesse, et par quel moyen la C.G.T. envisage la stabilisation des prix. D'ailleurs, pourquoi la C.G.T. doit-elle renoncer à l'échelle mobile, si les prix sont stabilisés, l'échelle mobile ne rentrera pas en ligne ? Sur la nouvelle augmentation du timbre syndical, d'après le salaire horaire, un ouvrier a fait une réflexion pour rappeler qu'il faudrait peut-être se souvenir quand on parle du salaire horaire, de parler du salaire brut horaire.
Gnome et Rhône (S.N.E.C.M.A.)
– Depuis la sortie du K nouveau, journal syndical de la boîte, dans lequel doivent paraître les articles et requêtes d'ouvriers, systématiquement, tous les ouvriers ou employés qui ont eu l'initiative de faire un article "avancé" ou même d'exposer une injustice, se sont vu refuser la parution de ces articles. Le cas s'est présenté à nouveau pour un camarade qui avait voulu faire un article sur le mouchardage dans l'usine.
Ouvriers de chez Gnome qui, malgré la soi-disant "démocratie syndicale; ne pouvez faire entendre votre voix, écrivez à La Voix !
– Soi-disant pour contrôler les vols, un véritable réseau de police entoure les ouvriers, les deux principales vedettes de ce réseau se nomment Pigeon et Coqueret, aidés dans ce "glorieux" travail par 140 gardiens ; il est vrai que nous comprenons mieux le zèle de ces deux tristes personnages dont l'un est un ancien secrétaire syndical de secteur, quand nous saurons qu'ils ont pour ce travail un salaire équivalent à celui des chefs de service, et que leur "production" n'est pas trop pénible, sauf pour établir les nombreux rapports de police contre les ouvriers, ce qui les oblige à un travail assez fourni. D'ailleurs, plusieurs ouvriers par leurs soins ont été renvoyés pour des cas de "perruque". Un jour les ouvriers en auront assez... Pensez-y, Pigeon et Coqueret !
S.N.C.F.
– Au cours d'une discussion entre cheminots (en gare de Troyes dans l'Aube), entendu la réflexion suivante par des anciens. "D'accord pour une action pour nos salaires, mais à condition que la C.G.T. aille jusqu'au bout. Ceux qui ont connu la grève de 1920 s'en souviennent, et savent comment par la suite, la grève s'est retournée contre ceux qui étaient près de la retraite". Le syndicat, par sa politique de reculades, décourage les ouvriers, à eux de lutter et de rénover les bureaucrates réformistes !
Dans les cantines d'usines
– Les ouvriers de chez Gnome n'aiment pas beaucoup que, pour le prix du verre de vin, on leur serve un verre de cidre, surtout quand il est mauvais. Ni qu'on les provoque en leur proposant des alcools à des prix "astronomiques". Ceux de chez Hispano également n'ont pas des salaires qui leur permettent de s'offrir du fromage, que la cantine propose à 45 fr les 100 grammes. – Chez Renault, certaines cuisines étant dans les mêmes pièces que les réfectoires, des ouvriers signalent qu'ils mangent entourés de buée, et que les gouttes du plafond tombent dans leurs assiettes. De plus la cantine est mauvaise, mais le prix en est de 20 fr., comme dans d'autres usines où là, pour le même prix, la cantine est potable.
Accidents de travail
– Chez Arena à Montreuil, sur une presse à découpage, une ouvrière a eu deux doigts coupés. Ce service n'est pas au boni, mais comme le rendement est exigé, les ouvriers, pour gagner du temps, sont obligés de ne pas respecter la sécurité nécessaire. – Chez Renault, certains ouvriers travaillent sur de vieilles "bécanes" et pour mettre leurs pièces, ils peuvent facilement se tailler les doigts. Surtout que le froid qui règne dans les halls d'atelier leur engourdit les mains. Ouvriers, aidez La Voix dans sa campagne contre la barrière de silence qui entoure nos abominables conditions de travail, en signalant tous les cas dont vous êtes témoins !
Chez Thomson,
le mécontentement est grand parmi les ouvriers, car la Section syndicale qui n'a pas réuni d'Assemblée générale depuis plusieurs mois, a désigné elle-même les délégués pour le Congrès extraordinaire des Métaux.
Aréna (Montreuil)
– L'incurie de la section syndicale permet à l'exploiteur Halftermayer de payer ses manoeuvres à un salaire horaire moyen de 25 francs.
Prime d'ancienneté
– A la dernière Assemblée générale chez Hispano, il a été question (très vaguement) de la prime d'ancienneté. Il ne faut pas que les ouvriers se laissent rouler comme le cas s'est présenté au mois de juin à la Thomson, où la direction n'a accordé la prime qu'aux seuls salariés ayant 3 ou 6 ans dans la catégorie. Beaucoup d'ouvriers ayant changé de service sans changer de salaire dans les années de guerre se sont trouvés lésés. Camarades de chez Hispano, n'attendez pas pour exiger des explications de vos responsables syndicaux !
A la Radiotechnique (Suresnes)
– Dans une seule journée, trois ouvrières se sont évanouies sur la chaîne ; le "temps" étant trop court, les ouvrières sont obligées de se crever pour suivre la chaîne.
Pour un marteau volé, la direction a fait procéder à une fouille générale des ouvrières.
Vols dans l'usine
– Camarades ouvriers, dans plusieurs usines, il est question du vol d'outillage personnel ou de l'usine, ou de vol de matière première. Pour beaucoup d'ouvriers, cela s'appelle se débrouiller, en réalité cela est faux et aucun ouvrier n'améliorera sa situation par le vol d'un outil, ni même ne se dépannera. Pour améliorer sa condition, un ouvrier conscient doit lutter avec ses camarades de l'usine sur le plan des revendications de salaires. Si le patronat, par des salaires de famine, oblige les ouvriers à voler, les ouvriers ne doivent pas faire son jeu et permettre ainsi de démoraliser la classe ouvrière. Quant au vol d'ouvrier à ouvrier, cela est un manque de conscience de classe, que le patronat souvent encourage pour diviser la classe ouvrière.
CHEZ ALSTHOM
La section syndicale de l'usine de St-Autun avait pris l'initiative de faire apposer une plaque dans l'usine à la mémoire des ouvriers assassinés pendant l'occupation. La section syndicale de Lecourbe a posé le problème d'une façon beaucoup plus juste en renouvelant à la direction la revendication d'une aide pécuniaire aux familles de fusillés. Ils attendent toujours. La section syndicale n'est pas hostile à l'apposition de la plaque, à condition que le libellé en soit ainsi conçu : "Aux victimes du capitalisme international".
Bravo ! Camarades de l'Alsthom
Au sujet de l'article paru dans le numéro précédent de La Voix, un camarade nous écrit la lettre suivante :
"L'article signé André, sur le mensonge de la "nationalisation", est très bien mais il me semble qu'il aurait été utile de faire ressortir la part de complicité que les gros actionnaires ont eue pour que la boîte soit déclarée en état d'être "nationalisée". Si la nationalisation avait été pour eux une défaite, ils auraient fait leur possible pour qu'elle n'eût pas lieu, mais ce fut le contraire qui se passa. Ils préparèrent le terrain en sabotant les commandes qui leur arrivaient, les ouvriers de chez Gnome le savent par la voix de leur syndicat, en particulier pour l'affaire des side-cars. Lorsque la commande a été faite, il n'y avait pas de tôle ; lorsque les responsables syndicaux eurent trouvé la tôle quelque part dans un coin de l'usine, la commande était annulée ; le syndicat s'occupait d'avoir à nouveau la commande, mais par les soins de la direction, il se trouva qu'elle était égarée dans les tiroirs du siège social. Enfin, le secrétaire général Delteil démontra la mauvaise volonté de la direction. Si j'ai pensé à exposer cela, c'est pour permettre à certains ouvriers et techniciens, qui se font des illusions sur les différentes "nationalisations" qui ont eu lieu depuis plus d'un an, de se rendre compte que souvent les gros actionnaires d'entreprises ont intérêt à se camoufler derrière l'Etat, et tout en restant les véritables profiteurs de l'exploitation capitaliste, dérouter les salariés dans leur lutte et les mettre face à l'Etat pour leurs revendications. Pour eux les bénéfices tombent comme avant, ou bien le rachat leur est payé à bon compte, et du dehors par leur relations financières et industrielles, ils ont de plus la possibilité de saboter. Et permettre ainsi par la suite de racheter à bon compte en "prouvant" l'incapacité pour la bonne marche d'une affaire, d'une gestion autre que celle d'un patron "de droit divin". |
La "nationalisation" par un gouvernement capitaliste est une nationalisation des pertes, dont indirectement le contribuable, c'est-à-dire surtout le travailleur, fait les frais. Ne soyons pas les dupes du mot nationalisation, pour nous un seul mot d'ordre, "expropriation" sans indemnité ni rachat, sous contrôle de comités ouvriers élus par les travailleurs.
La S.N.C.A.C. (Société Nationale de Construction Aéronautique du Centre) possède des usines à Bourges, Châteauroux, Fourchambault, etc. A l'usine de Bourges, on construit des avions de transport (8 places) dont le coût s'élève à 3 fois celui d'une forteresse volante. Et malgré le travail intensif des personnels ouvrier et technique, la production qui était de 15 à 20 par mois sous l'occupation atteint maintenant 2 ou 3.
Cette chute de la production s'explique parfaitement, quand on sait qu'à l'usine de Fourchambault par exemple, où une partie de l'avion est fabriquée, on perce un trou de 6 mm pour recevoir un boulon de 7 mm. Résultat : les ouvriers doivent, à la lime, mettre le trou à la cote, et cela depuis des mois, malgré les observations réitérées des ouvriers et des techniciens.
A quoi vise ce sabotage ? L'usine de Bourges, qui avait reçu des Allemands, à la veille de l'arrivée des Américains, un crédit de 100 millions de francs, n'a rien fait pour s'organiser techniquement.
Aujourd'hui, ces 100 millions sont largement dépensés et le prochain bilan sera catastrophique. La solution envisagée pour le début 1946, est le licenciement de 70% du personnel technique et de 30% du personnel ouvrier. Ce qui signifie pratiquement liquider l'entreprise et permettre aux capitalistes de la racheter à bon compte.
Seule, la confiscation des grandes entreprises sous le contrôle ouvrier peut arracher des mains des trusts le sort des travailleurs.
Un Technicien