1945

L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES (Marx)
Nº 2 – Bulletin inter-usines de l'opposition syndicale
BULLETIN INTERIEUR


La Voix des Travailleurs

Barta

6 novembre 1945


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En poursuivant NOTRE BUT

La Voix des Travailleurs s'est donné pour but de remettre au premier plan la défense des conditions de vie des travailleurs et de rappeler à ce rôle les Syndicats ouvriers ; car malgré une technique de plus en plus puissante qui rend l'homme maître de la nature, les conditions d'existence des travailleurs au lieu de progresser, se trouvent ramenées à des dizaines d'années en arrière.

Les dirigeants syndicaux passent entièrement sous silence tout ce qui concerne les conditions de travail qui sont actuellement celles des plus sombres jours de l'exploitation capitaliste : un des aspects en est le manque total d'hygiène et de sécurité.

Les questions d'hygiène et de sécurité ont pourtant une grande importance, car d'elles dépendent la vie et la santé des ouvriers. Elles ont du reste toujours occupé une grande place dans la lutte syndicale.

Et quoique en régime capitaliste il ne sera jamais mis à la disposition des ouvriers des conditions de travail telles que leur fournirait un régime où l'exploitation de l'homme par l'homme serait abolie, les ouvriers étaient néanmoins arrivés à imposer au patronat certaines mesures de protection. A la faveur des années de guerre et actuellement du mot d'ordre produire, la condition prolétarienne s'est considérablement aggravée. Le patron s'estime en droit d'exploiter les ouvriers comme s'il s'agissait de bêtes de somme. Sa tendance est toujours "d'économiser" aux dépens de la main d'oeuvre. Ne pas acheter des dispositifs de sécurité ou ne pas les faire fonctionner, ne pas entretenir ou refaire les bâtiments vétustes, ne pas donner un éclairage suffisant, ne pas fournir des masques ou des vêtements de travail protecteurs, autant d'économies réalisées aux dépens de la santé et de la vie des ouvriers.

Le nombre des accidents de travail s'accroît. Même là où des dispositifs de sécurité existent, les ouvriers sont empêchés de s'en servir en raison de la cadence du travail qui leur est imposée. Les ouvrières travaillent dans les mêmes conditions et leur situation est d'autant plus pénible.

Il y a des dizaines de milliers d'ouvriers pour lesquels ne pas avoir de lait, c'est la maladie à plus ou moins brève échéance : c'est le cas des ouvriers des fonderies, des sableries, des produits chimiques, des imprimeries, etc. Personne ne songe pourtant à imposer la fourniture de lait à ces catégories d'ouvriers. Des journaux ont bien souvent décrit les scandales du lait qui va au marché noir, des boîtes de lait condensé qui ont le même sort. Mais aucun moyen n'est envisagé pour mettre à la disposition des ouvriers qui font des travaux malsains le lait qui leur est indispensable.

Pour lutter contre ces abus, il faut commencer par les révéler et les dénoncer. Il faut briser la barrière de silence qui entoure actuellement les abominables conditions de travail de la classe ouvrière.

Nous demandons aux ouvriers de nous signaler de partout ces conditions. La Voix des Travailleurs les exposera et mènera campagne contre les abus capitalistes qui compromettent la santé des ouvriers et abrègent leur vie.


A l'usine Citroën de Clichy, des ouvriers tombent de fatigue sur leurs machines. A la sablière, les broyeurs à sable travaillent constamment dans un nuage de poussière et ont à endurer la chaleur des cubilots voisins. Dans l'espace de quelques années, 8 ouvriers sont morts de maladie à cet endroit.

Chez Renault, malgré des demandes réitérées, les ouvriers travaillant au magnésium n'ont pas d'aspirateurs. Un ouvrier, père de 16 enfants, réfugié d'Amiens, recouvert de magnésium va affûter un outil. Une étincelle de la meule enflamme l'ouvrier qui succombe à ses blessures.


Après les élections...

"Déjà les feuilles du soir ont donné la composition d'équipes ministérielles possibles, et le débat est ouvert dans les éditoriaux du matin sur les combinaisons gouvernementales possibles".

C'est en ces termes que Le Peuple (27/10) commente les résultats des élections. Le jeu des combines parlementaires a repris. Comment les travailleurs pourraient-ils s'orienter ? Comme nous l'écrit une camarade : "Quelque parti que ce soit, ils prétendent tous faire appliquer le programme du C.N.R. Je crois plutôt que tous sont d'accord pour ne pas faire grand'chose".

Jusqu'à maintenant les partis ouvriers tentaient de justifier leur "sagesse" en répétant qu'ils étaient trop faibles, isolés. Il va falloir trouver un nouveau prétexte. Plus de 5.000.000 de voix au P.C.F., plus de 4.500.000 voix à la S.F.I.O. : qu'est-ce qu'il leur faut de plus pour agir ? Il est peu probable qu'ils en recueillent davantage.

La méfiance de beaucoup de travailleurs vis-à-vis de nos "grands chefs" ne trouve à s'exprimer que par l'attente. "On va bien voir... On verra ce qu'ils vont faire..."

Les partis victorieux aux élections ont crié très fort. Mais jusqu'à présent, ils n'ont fait que du travail de coulisse parlementaire (que Le Peuple du 3/11 justifie : "Il en faut cependant, ne serait-ce que pour se défendre contre les surprises"...) Jusqu'à quand allons-nous attendre ? Dans 7 mois on aura une nou-velle consultation électorale, mais la situation des travailleurs et l'économie du pays ne peuvent pas attendre 7 mois et ne se règlent pas par bulletin de vote. Pendant qu'on prépare des comédies électorales, la réaction s'organise et les bandes fascistes s'arment.

Un docker anglais répondait à un journaliste lui rappelant que le gouvernement travailliste était son gouvernement : "C'est possible, mais il faut lui rafraîchir la mémoire". Il nous faut, nous aussi, penser à rafraîchir la mémoire de nos "représentants". Attendre se fait à nos dépens, en facilitant éventuellement l'entente des P.S., P.C.F. et M.R.P. sur le dos des travailleurs.

Bien entendu, une telle entente ne saurait être ni complète ni solide. Les réformistes, pour défendre leur propre position vis-à-vis de la réaction, seront amenés à se poser, en paroles, en défenseurs de la classe ouvrière.

Mais "il y en a marre des manoeuvres", nous disait un camarade métallurgiste. C'est le sentiment profond de beaucoup de travailleurs. De manoeuvres en manoeuvres, ce sont eux, finalement qui ont toujours été manoeuvrés.

Aussi, à leurs paroles, soyons prêts à opposer l'action ouvrière décidée, comme en juin 36.

LUCIEN


IL NE FAUT PAS MELER LE VRAI ET LE FAUX, citoyen Beaumont !

Les ouvriers, notamment ceux de chez Citroën, connaissent bien l'énergie que déploie le citoyen Beaumont quand il s'agit de pourchasser ceux qui luttent contre l'orientation actuelle de la direction de la C.G.T., orientation qui déshonore les Syndicats auprès des travailleurs. C'est ainsi par exemple qu'il a fait renvoyer par le patron, sous de mauvais prétextes, deux jeunes ouvriers de Citroën-Levallois qui, après avoir déployé une certaine activité pour la suppression des heures supplémentaires, l'amélioration des salaires et des conditions de travail dans l'usine, s'étaient ralliés à notre Opposition.

Le travail de l'Opposition continuant néanmoins, le citoyen Beaumont continue sa campagne contre elle.

Dans un meeting électoral, dans lequel il a joué le rôle honteux d'interdire (coups de poings à l'appui) aux ouvriers de plusieurs tendances de s'exprimer, il a cru pouvoir discréditer l'Opposition en affirmant : "Enfin l'Opposition Lutte de Classes chez Citroën ose se réclamer de la IVème Internationale".

Que pour défendre le niveau de vie des travailleurs il faille être internationaliste, il n'y a pas de meilleure preuve que l'action nationaliste que mène en ce moment le citoyen Beaumont. Lui, qui nous appelle à "produire" sous prétexte que l'économie française puisse battre la concurrence américaine et anglaise au moment où les ouvriers américains et anglais luttent avec acharnement pour se défendre contre leurs patrons, agit en fait comme un très bon agent de M. Boulanger du trust Citroën. Nous qui appelons à cette solidarité internationale entre travailleurs (solidarité qui ne trouve son sens que dans une lutte effective commune) avons agi pour les ouvriers de chez Citroën, contre M. Boulanger !

Mais affirmer que l'Opposition se réclame de la IVème Internationale (nous ne voyons d'ailleurs pas ce qu'il y aurait d'osé là-dedans), c'est être devenu bête comme un lecteur du journal des trusts Le Pays.

En effet, seule la C.G.T. peut se réclamer d'une Internationale syndicale, et celle-ci à son tour d'une Internationale politique. Comme par exemple la C.G.T.U. , avant que fût réalisée l'union syndicale; dans la C.G.T. actuelle, se réclamait de l'Internationale syndicale rouge et celle-ci de la IIIe Internationale. Notre groupe d'opposition ne peut se réclamer que de la C.G.T., quelle que soit l'appartenance politique de ses membres. Libres d'exprimer toutes leurs idées au sujet de l'action ouvrière, ils sont liés dans l'action par la discipline syndicale, c'est-à-dire par les décisions prises à la majorité par les syndiqués, que ce soit sur le plan local, régional ou national.

C'est pourquoi, l'Opposition groupe tous les ouvriers qui veulent lutter contre l'exploitation patronale sans imposer aucune discipline que celle de tous les travailleurs syndiqués, dans leurs syndicats. C'est pourquoi elle agit efficacement, unissant les ouvriers au lieu de les diviser, renforçant la C.G.T. que la direction actuelle compromet irrémédiablement auprès des travailleurs.

Si c'est en mêlant le vrai et le faux que vous espérez détourner les travailleurs de l'Opposition, détrompez-vous, citoyen Beaumont. Si vous voulez un bon "tuyau" le voici : changez entièrement d'attitude. Défendez les ouvriers contre les patrons au lieu de défendre les patrons contre les revendications ouvrières et vous n'entendrez plus parler de l'Opposition syndicale Lutte de Classes !

Nous serons à vos côtés pour vous soutenir.

MATHIEU


ECHOS


-Chez Thomson, un ouvrier dit à propos de l'augmentation du prix du timbre : "Je donnerais bien 50 frs à une organisation qui nous défendrait réellement, mais ça me fait mal au coeur de payer des cotisations à un syndicat qui se moque de nous".


-Chez Gnome et Rhône, un ouvrier répond à un bonze qui prétendait qu'il fallait l'unité pour agir : "Mais nous l'avons, l'unité, nous sommes 5.000.000 dans la C.G.T. En 1936, lorsque nous avons commencé les grèves, nous étions seulement 800.000 syndiqués".


-Chez Citroën, à Clichy, le responsable syndical prétend qu'on ne peut pas supprimer le boni, qu'il faut produire. Un ouvrier répond : "Produire, c'est en dehors de la question, on n'a jamais refusé de produire, mais ce qu'il faut, c'est supprimer le boni".


-Plusieurs entreprises, notamment Citroën, prétextent les limitations de courant pour pratiquer des manoeuvres en vue de saboter le repos du samedi et les 40 heures.


-A une réunion intersyndicale à Issy-les-Moulineaux, le 17 octobre, le président de séance signale qu'on ne doit pas présenter de point de vue politique, "d'ailleurs la contradiction n'est pas admise". Dans les assemblées générales d'usine, on admet la contradiction parce qu'on sait que les ouvriers fatigués d'une dure et longue journée sont pratiquement incapables de défendre sérieusement leur point de vue. Mais lorsque les ouvriers ont eu un peu de temps pour se reposer c'est plus prudent de ne pas admettre la contradiction.


-La direction de Citroën-Michelin pratique des "mutations" afin de diviser les ouvriers et de diminuer leur salaire.

-A Clichy, plusieurs débrayages ont eu lieu, une fois 20, une autre fois 50 ouvriers sont montés à la direction pour protester contre la diminution du boni.


-Chez Chémico, à Suresnes, un manoeuvre gagne 15 fr de l'heure ; les ouvrières travaillant à domicile font de 8 à 9 frs de l'heure.


-Dans les services publics. Après plusieurs mois d'attente, l'augmentation prévue de 1.000 frs par mois pour les travailleurs ayant un salaire mensuel de 3.200 frs était déjà devenue insuffisante, du fait de la hausse constante du coût de la vie. Après une première entrevue avec le chef du gouvernement, la C.G.T. annonçait un relèvement de 4.000 fr. par mois : l'augmentation n'était donc plus que de 800 fr., mais après le Conseil des ministres du vendredi 2 novembre, il est décidé qu'une indemnité de "vie chère" de 2.400 à 4.800 frs par an suivant les localités serait allouée (pour Paris 4.800) cela représente donc une augmentation de 400 fr par mois. Si l'on juge les difficultés créées par le gouvernement pour un si mince résultat, en comparaison avec les augmentations des hauts fonctionnaires réalisées sans aucune difficulté, l'on se rend compte qui ce gouvernement d'affameurs défend. A ces mesures, nous, petits fonctionnaires, devons répondre par une action directe, mettre la C.G.T. au pied du mur et obliger les responsables syndicaux à expliquer par quels moyens (ayant maintenant épuisé toutes les possibilités de parlottes) ils comptent réaliser nos revendications très minimes pourtant, d'employés des services publics.


-Gnome et Rhône (S.N.E.C.M.A.) Les cadres (à partir de contremaître) viennent de toucher 20.000 fr. à valoir sur les réajustements de salaire (d'après les accords Parodi , l'augmentation des mensuels devant suivre l'augmentation des ouvriers horaires) et la direction vient d'allouer royalement 1.500 fr. aux petits employés, dont certains au salaire de 3.900 fr. par mois. Sans commentaire !


-Au meeting du Vel-d'hiv de l'aviation, Tillon avait fait la promesse que 60% des bénéfices commerciaux seraient répartis pour les oeuvres sociales et 20% pour le personnel. Nous devons en A.G. exiger du syndicat l'ouverture des livres de compte de la S.N.E.C.M.A., non en présence de quelques représentants syndicaux, mais devant une délégation ouvrière élue. (Nos cabinets et lavabos étant d'une saleté repoussante, pourquoi ne pas prendre un peu des 40% pour leur entretien ?).


-Depuis la "nationalisation de chez Gnome et Rhône;, un vélo (sans pneu) est vendu 12.000 francs. Le bénéfice de la vente des vélos est soi-disant pour les frais généraux de l'usine (les frais généraux forment souvent l'assiette au beurre de la direction), et il faut aider à les renflouer par la vente des vélos qui sont ainsi devenus inaccessibles aux ouvriers.


-Arena (Montreuil). La section syndicale est zéro, jamais de réunion, aussi le patron Halftermayer, qui s'est bien enrichi pendant la durée de la guerre, et qui n'a aucune difficulté avec la "libération", a-t-il toute possibilité pour les brimades qu'il impose aux ouvriers, par exemple sous prétexte de manque de travail, de renvoyer avant l'heure les ouvriers. Le même cas s'était produit chez Delaunay-Belleville, mais au lieu d'accepter, les ouvriers sont montés à la direction et ont exigé le paiement intégral de leur journée, la direction aussitôt a bien trouvé le moyen de les occuper jusqu'à l'heure habituelle.

Camarades de chez Arena, envoyez à La Voix vos revendications et formez devant l'incapacité de la C.G.T., en vous appuyant sur l'opposition Lutte de Classes, votre noyau d'opposition syndicale.


BATIMENT

L'annonce de la décision ministérielle de réquisition de la main d'oeuvre du bâtiment, y compris pour les travaux en Allemagne provoque le mécontentement des ouvriers ; comme d'autre part le gouvernement a engagé des pourparlers pour l'immigration de la main d'oeuvre italienne en France, les travailleurs voient avec raison dans ces mesures des manoeuvres dirigées contre eux pour permettre aux patrons d'expatrier les meilleurs éléments et d'utiliser une main d'oeuvre inorganisée venue d'Italie.

Si cette manoeuvre se réalisait, nous saurons par notre solidarité et par notre action organiser les travailleurs italiens et opposer au patronat un front de classe.

A bas la réquisition de la main d'oeuvre !

A bas les nouvelles déportations d'ouvriers d'un pays à l'autre !

DIXIE


LA GREVE DES DOCKERS

-En Angleterre, la direction de la grève des dockers "...est passée aux mains de Comités de grève non officiels. Les syndicats officiels... semblent avoir perdu toute influence et autorité sur leurs membres. Ils auront beaucoup de mal pour reconquérir leur influence". (The Economist, 27-10-45)


POUR L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES

Les salaires des ouvriers ont subi depuis un an une augmentation "provisoire" de 5 francs ; puis un rajustement au mois de mars dernier. Mais en même temps le gouvernement avait pris la précaution d'autoriser les industriels à majorer les prix. Ainsi, lorsque l'augmentation des salaires est entrée en vigueur, les prix avaient subi une hausse telle que non seulement l'augmentation accordée était nulle, mais encore l'écart entre les salaires et les prix s'était agrandi.

Pour faire accepter aux ouvriers cette situation, le gouvernement avait promis la stabilisation du coût de la vie. La C.G.T. aussi, tout en protestant contre le fait qu'on n'ait pas tenu compte de ses revendica-tions, préconisait comme chose essentielle la stabilisation des prix. Aux ouvriers qui revendiquaient l'échelle mobile des salaires, les dirigeants syndicaux expliquaient que ce qu'il fallait ce n'était pas l'échelle mobile des salaires mais empêcher le coût de la vie de monter, ce que "la C.G.T. forte de ses 5 millions d'adhérents saurait imposer au gouvernement".

Cependant seul un gouvernement ouvrier disposant de moyens effectifs de contrôle sur la production aurait pu réaliser le blocage des prix. Or, comme les ouvriers ne disposent actuellement d'aucun moyen de contrôle sur la production, même dans les usines "nationalisées", les prix n'ont cessé de s'accroître et ni M. Parodi, ni la C.G.T. n'ont été en mesure d'arrêter ou même de freiner la hausse des prix.

Bien plus, le gouvernement et le patronat osent prétendre que la hausse des prix est causée par les augmentations de salaires, et d'après eux, c'est donc les salaires qu'il faudrait "stabiliser", c'est-à-dire bloquer.

Ce qu'on peut répondre à ces messieurs, c'est que depuis le mois de mars, les salaires sont stabilisés, mais les prix n'ont pas pour cela cessé de monter. Le Peuple nous donne le barème officiel suivant des augmentations : pain 53%, pommes de terre 72%, pâtes 41%, vin 80%, électricité 74%, charbon 35%.

A cet état de choses, il n'y a qu'une explication : c'est que les hausses de prix ont été provoquées non par l'augmentation des salaires (puisqu'ils ont été bloqués), mais par les dépenses excessives de l'Etat et par les bénéfices des capitalistes. (D'après L'Humanité, le courant électrique qui revient au maximum à 0 fr 65 et 1 fr le kw est revendu par la C.P.D.E. à 5 fr 35). Les demandes d'augmentation de salaire ne peuvent donc pas être la cause de l'augmentation des prix, mais sont seulement leur conséquence.

Dans ces conditions, l'échelle mobile est une revendication entièrement justifiée et indispensable, car elle tend à obliger les capitalistes à restreindre leurs bénéfices et aussi à obliger le gouvernement à ne pas rejeter tous ses faux-frais sur le dos des masses laborieuses au moyen du blocage des salaires. Les ouvriers revendiquent l'échelle mobile des salaires comme une garantie de leurs moyens d'existence. Si la bourgeoisie qui dirige la production est en mesure de stabiliser les prix, alors l'échelle mobile ne jouera pas et les salaires eux-aussi seront stabilisés. Qui donc a intérêt à craindre l'échelle mobile ? Seuls les capitalistes !

VAUQUELIN


QUESTION DE MANIERE

La direction de la S.N.E.C.M.A. (Gnome-Kellermann) avise les travailleurs par un bref communiqué que trois absences entraîneront automatiquement le renvoi.

Les responsables syndicaux "rassurent" ceux-ci en déclarant qu'il ne s'agit que "d'absences injustifiées" et déplorent le ton brutal de l'avis.

Chez Sochaux (Montbéliard), la direction affiche le soir un avis portant modification de l'horaire (due aux coupures d'électricité) en vigueur dès le lendemain. Les responsables syndicaux "s'étonnent" de n'avoir pas été prévenus à l'avance et déplorent le manque de tact de la direction.

Ici et là, le syndicat est traité comme quantité négligeable par la direction qui ne voit même pas l'utilité de le mettre au courant de ses décisions. Ici et là, nos "responsables" voient la brutalité non dans le procédé, mais dans le ton. Si les patrons voulaient y mettre les formes !...

Au fait, pourquoi ceux-ci se gêneraient-ils ?


LA NATIONALISATION CHEZ GNOME & RHONE (S.N.E.C.M.A.)

Alors que les ouvriers d'usinage à la fabrication constatent que les temps alloués sont sérieusement réduits pour un assez grand nombre de pièces, que les notes de service sont de plus en plus anti-ouvrières (cf. notre écho), que fait le syndicat ?

Son principal souci étant de faire marcher l'usine sans anicroches, de montrer que la "nationalisation" n'est pas un vain mot, le syndicat se conduit plus souvent en défenseur de la direction qu'en défenseur des ouvriers et le secrétaire général Delteil se plaint... que les ouvriers ne sont pas raisonnables.

Pendant que le syndicat gémit, que font les capitalistes ? Se désolent-ils aussi ? Le K nouveau (journal syndical de l'usine) nous apprend que les gros actionnaires de chez Gnome se sont groupés et qu'ils veulent passer les actions cotées 1.200 francs le jour de parution du décret à 4.000 ou 5.000 francs. Ce qui ferait passer le coût de la nationalisation de 500.000.000 de francs à 5 ou 6 milliards. L'opération est vraisemblable puisque les actions ne sont pas encore dans les caisses de l'Etat...

Pour "indemniser" ces Messieurs (que ce soit 500.000.000 ou 5 milliards), l'Etat, déjà endetté par des emprunts perpétuels, bons du Trésor, bons de libération, emprunte aux banques. Et les ouvriers, au lieu de travailler pour verser des dividendes aux actionnaires, travaillent pour payer les intérêts des banquiers.

Des "nationalisations" comme celles-là, les capitalistes ne les craignent pas.

Il n'y a que les démagogues, les pseudo-chefs ouvriers pour se leurrer de mots et faire semblant de croire à ces nationalisations-là.

Nous, ouvriers, nous voulons des faits, nous voulons des nationalisations sans indemnité ni rachat, la direction étant assurée par des Comités ouvriers élus par tous les travailleurs des usines Gnome & Rhône.

André


UNE PROVOCATION

Distribuant à la porte de la maison d'ascenseurs Roux-Combaluzier (rue Tiphaine) la circulaire de l'opposition syndicale, un jeune s'est vu traiter de" provocateur" par un délégué et menacé de "cassage de gueule". En effet la circulaire appelle les travailleurs à se serrer les coudes devant les menaces de débauchages des patrons...

Voilà comment l'abrutissement bureaucratique de certains "cadres" syndicaux intervient en faveur des patrons. Il n'est pas venu à l'idée du délégué en question de réfléchir deux minutes sur le contenu de la circulaire -s'il en était capable, il ne serait plus "dans la ligne"-. En lisant le tract, les travailleurs auront une idée par eux-mêmes, en voyant qui les défend et qui provoque.

De même, un diffuseur de La Voix des Travailleurs s'est vu avertir par un ouvrier devant le dépôt Otis (rue du Champ-de-l'Alouette), que "la C.G.T. l'avait repéré", et qu'il devrait cesser sa diffusion "n'étant pas de la corporation". N'a-t-on pas le droit, dans le syndicat, de n'être pas d'accord avec la ligne officielle de nos "grands chefs" ? Et pourquoi un travailleur, parce qu'il n'est pas de la corporation, devrait-il renoncer à son action en faveur de ses camarades ? Les patrons se sont toujours efforcés de nous diviser en nous disant que les affaires du copain d'à côté ne nous regardaient pas. A cela le syndicat répondait, et les travailleurs conscients continuent à répondre, que tout ce qui concerne la condition ouvrière est leur affaire, quelle que soit la "corporation".


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