1942

Document dactylographié Janvier 1942


Barta

4 janvier 1942


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EVOLUTION DE LA GUERRE...

L'évolution de la guerre, par l'entrée en conflit de l'Amérique et du Japon, a atteint maintenant le stade suprême où tous les peuples du globe sont devenus les victimes directes du carnage impérialiste.

Apprendre à distinguer, dans l'écheveau des conflits militaires actuels, le caractère progressif ou réactionnaire des belligérants en présence suivant les intérêts permanents de la révolution prolétarienne - voilà quelle est la tâche première qui incombe aux révolutionnaires marxistes. La guerre est générale, mais son caractère général n'est pas partout le même.

Le point de départ fondamental de la politique prolétarienne s'appuie sur la constatation vérifiée que c'est l'impérialisme (c'est-à-dire le capitalisme arrivé au stade des monopoles) qui est la cause principale de la chute du niveau économique et culturel dans les pays "avancés" et du maintien à un niveau sous-humain des peuples coloniaux et exploités. Débarrassés du capitalisme, les peuples des pays "avancés" verraient s'ouvrir devant eux de nouvelles et formidables possibilités économiques et culturelles. Débarrassés de l'exploitation de l'impérialisme étranger par la révolution prolétarienne, les pays coloniaux (Chine, etc.) verraient s'ouvrir pour la première fois devant eux la possibilité d'accéder à un niveau de vie et de culture supérieurs depuis longtemps atteint par les pays "avancés". Nous voyons en effet que cette tâche anti-impérialiste dans les pays coloniaux ne peut pas être menée à bien par la bourgeoisie nationale dont les chefs, Tchang-Kai-Chek en Chine, Gandhi aux Indes, craignent leur propre prolétariat plus qu'ils ne craignent l'impérialisme.

A cette discrimination entre pays impérialistes et coloniaux il faut ajouter l'URSS qui, en tant que pays où il existe une économie planifiée issue d'une révolution prolétarienne, constitue un facteur progressif qui fait obstacle à l'impérialisme.

Le double but des impérialistes rivaux (Etats-Unis, Angleterre, Allemagne, Italie, Japon, France) c'est de procéder à un nouveau repartage des colonies et, à travers les vicissitudes de la guerre de détruire l'économie planifiée de l'URSS (Hitler: "mon but n'est pas de prendre Léningrad, mais de détruire le centre industriel de Léningrad").

L'avance impérialiste vient une fois de plus nous fournir une preuve de son véritable caractère- la première conséquence des victoires japonaises a été la création d'une Banque au capital de 100.000.000 de yens pour "l'Exploitation du Sud".

La résistance de l'Armée Rouge fait actuellement échec aux premiers assauts de l'impérialisme (allemand) malgré des pertes déjà grandes. Mais le conflit, justement parce qu'il n'est pas une épreuve de forces entre deux seigneurs féodaux mais une lutte à la vie et à la mort entre des forces sociales opposées (impérialisme, économie planifiée, pays coloniaux) son issue est déterminée en dernier lieu et en dépit des événements militaires par la conscience révolutionnaire que les masses auront su acquérir et par leur capacité de lutte.

D'après l'analyse ci-dessus il découle qu'une attitude internationaliste dans le conflit actuel assigne des tâches différentes aux ouvriers des divers pays belligérants.

La lutte des ouvriers russes et chinois contre l'impérialisme allemand et japonais doit trouver non seulement la sympathie de tous les opprimés, mais encore elle pose pour les ouvriers des pays impérialistes "alliés" de l'URSS, de la Chine, la tâche immédiate de lutter pour qu'une aide de plus en plus grande en ravitaillement et en munitions leur soit fournie. Les Churchill et les Roosevelt n'ont en vue que l'utilisation de l'URSS, de la Chine, pour leurs buts impérialistes. Cette lutte ne peut être menée à bien qu'en complète indépendance et contre la politique des dirigeants anglais et américains.

Quelle doit être l'attitude des ouvriers anglais et américains vis-à-vis de la politique impérialiste de leurs dirigeants? Au récent débat de la Chambre des Communes, M. Eden déclarait : "Nous reculons en Malaisie par pénurie d'hommes." Cette phrase est une illustration du danger que la politique impérialiste fait courir au peuple anglais, politique qui a déjà été fatale au peuple français. "Pénurie d'hommes", cela signifie que les 500.000.000 d'habitants que compte l'empire anglais n'est pas une communauté libre, mais constitue pour les 450.000.000 d'esclaves coloniaux une prison, et les forces les meilleures du peuple anglais doivent se dépenser en gardes-chiourme. Ce n'est qu'en transformant cette communauté d'esclaves en communauté libre que le peuple anglais évitera une fin ignomineuse.

L'impérialisme américain qui ruine la nation pour s'assurer le contrôle de l'économie mondiale doit également rencontrer dans le prolétariat américain l'ennemi irréductible qui fera échec à ses plans.

Les ouvriers japonais, allemands, italiens, etc. trouveront leur salut d'une défaite écrasante et terrible pour eux en ouvrant la vole à la révolution socialiste.

La France, malgré l'occupation par l'impérialisme allemand de la plus grande partie du territoire, reste un pays impérialiste. La bourgeoisie française, si elle a perdu en 1940 la position dominante en Europe a, malgré la défaite, conservé l'essentiel de ses revenus, c'est-à-dire l'exploitation des pays coloniaux, notamment l'Algérie, le Maroc, etc. Toute sa politique a été dominée par le problème de conserver ses positions impérialistes, l'Empire, et c'est la tâche que se sont assignée les deux sauveurs de la bourgeoisie française, Pétain et de Gaulle. Le récent discours de Pétain ne laisse plus aucun doute à ce sujet. "La bourgeoisie pensant français" n'est que le désir de conserver une position indépendante entre les impérialistes rivaux.

L'absolue indépendance vis-à-vis de la bourgeoisie française décidera du sort du prolétariat français. Les illusions nationalistes, les fronts "communs" pour des objectifs "nationaux", toute tromperie de ce genre sera payée par l'avenir du mouvement prolétarien. Le prolétariat français ne trouvera son salut que dans une unité de front avec les autres prolétariats, principalement le prolétariat allemand. Abandonner la stratégie internationaliste en faveur d'une fraction bourgeoise quelle qu'elle soit, c'est se vouer soi-même et sa classe à la destruction.

Les marxistes révolutionnaires resteront fidèles au drapeau prolétarien de Liebknecht et de Lénine et travailleront avec une ardeur redoublée à la transformation socialiste du monde.

4 janvier 1942


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