1931 |
Brochure rééditée dans les "Ecrits" de Trotsky, tome III, Supplément à la revue "4ème Internationale", 1959 |
Contre le national-communisme
(les leçons du plébiscite "rouge")
" Front unique ", mais avec qui ?
Quel était le but politique poursuivi par le tournant de la direction du P.C. ? Plus on lit les documents officiels et les discours des dirigeants, et moins on en comprend le sens. Le gouvernement de Prusse, nous dit-on, fraye le chemin au fascisme. C'est tout à fait exact. Le gouvernement du Reich de Brüning, ajoutent les chefs du P.C. allemand, ne fait en réalité que fasciser la république et il a déjà accompli dans ce domaine un grand travail. Tout à fait juste, répondons-nous à cela. Or, sans Braun en Prusse, Brüning ne peut pas se maintenir dans le Reich ! nous disent les staliniens. Cela aussi est juste, répondons-nous. Jusqu'à ce point, nous sommes entièrement d'accord. Mais quelles conclusions politiques faut-il en tirer ? Nous n'avons aucune raison de soutenir le gouvernement de Braun, de prendre une ombre de responsabilité pour lui devant les masses, ou d'affaiblir d'un ïota notre lutte politique contre le gouvernement Brüning et son agence prussienne. Mais, nous avons d'autant moins de raisons d'aider les fascistes à remplacer le gouvernement Brüning-Braun. Car, si nous accusons à juste titre la social-démocratie d'avoir préparé le chemin au fascisme, notre tâche ne doit nullement consister à raccourcir ce chemin au fascisme.
La lettre du Comité central du Parti communiste allemand du 27 juillet adressée à toutes les cellules révèle d'une façon particulièrement cruelle l'inconsistance de la direction parce qu'elle est le produit d'un examen collectif de la question. L'essentiel de cette lettre, la confusion et les contradictions mises à part, se réduit à cette idée qu'en somme il n'y a aucune différence entre la social-démocratie et les fascistes, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune différence entre l'ennemi qui trompe les ouvriers et les trahit en exploitant leur longanimité, et l'ennemi qui veut tout simplement les égorger. Voyant toute l'ineptie d'une telle identification, les auteurs de la lettre-circulaire opèrent brusquement un tournant et présentent le référendum rouge comme "une application décisive de la politique du front unique par en bas (!) envers les ouvriers sociaux-démocrates, les ouvriers chrétiens et sans-parti ". Aucune tête prolétarienne ne pourra jamais comprendre pourquoi la participation au plébiscite aux côtés des fascistes contre les sociaux-démocrates et le parti du centre doit être considéré comme une politique de front unique envers les ouvriers sociaux-démocrates et chrétiens. II s'agit, de toute évidence, de ces ouvriers sociaux-démocrates qui, en se détachant de leur parti, ont pris part au référendum. Combien sont-ils ? Par politique de front unique on doit, en tout cas, comprendre une action commune, non pas avec les ouvriers qui ont quitté la social-démocratie, mais avec ceux qui restent dans ses rangs. Malheureusement, ils sont encore très nombreux.