1933 |
Discours prononcé en anglais, le 11 septembre 1933, à la salle Wagram de Paris, au cours d’un meeting antifasciste. Tiré de «Hitlerism : the Aryan rule in Germany » [Hitlérisme : le régime aryen en Allemagne], collection d'articles écrits à Paris en 1933. Traduction MIA. |
L’incendie du Reichstag
Saumyendra Nath Tagore
Camarades, nous sommes réunis ici aujourd'hui à un moment ultime de l'histoire de l'humanité. Jamais auparavant dans l'histoire la race humaine n'a été aussi profondément divisée en deux groupes opposés qu'à notre époque. Les forces invincibles du progrès sont à l'œuvre et, en même temps, des forces réactionnaires les plus brutales et les plus sombres jamais connues dans l'histoire de l'humanité grondent de tous côtés comme des bêtes sauvages. La réaction est contagieuse et ses hurlements se font entendre partout dans le monde. Mais cette réaction n'a aucune possibilité de se maintenir sinon par la terreur et la provocation. Les tendances économiques du monde vont contre la réaction. Par conséquent, elle ne doit dépendre pour son existence que de la terreur et de la provocation. Nulle part le caractère purement et simplement terroriste et provocateur de la réaction n'a été aussi clair que dans l'Allemagne hitlérienne. La dictature fasciste d'Hitler assure son existence par la terreur et uniquement par la terreur. L'incendie du Reichstag a été organisé par le morphinomane Goering et cette bête dégénérée de Goebbels, uniquement dans un but de provocation organisée. La «découverte» par Goering des avions dispersant de la littérature communiste au-dessus de Berlin n'était rien d'autre qu'un complot, une grossière provocation mise au point par ce criminel.
J'ai été arrêté sous la fausse accusation grotesque d'avoir projeté de tuer Hitler. La police allemande qui connaissait toutes mes activités à Berlin savait très bien que mon credo politique excluait absolument le terrorisme individuel. Mais la raison de mon arrestation était la même que dans le cas de l'incendie du Reichstag ou du raid aérien au-dessus de Berlin. Son but était la provocation. Les journaux nazis, en annonçant la nouvelle de mon arrestation, en ont clairement trahi le caractère provocateur. Ils m'ont décrit comme une personne de constitution herculéenne et ont dit que de nombreux matériaux suspects avaient été trouvés dans la voiture avec laquelle je voyageais, alors qu'en réalité rien n'a été trouvé, car il n'y avait absolument rien a trouver. Ces longues séries de provocations fabriquées par les nazis n’ont qu’un objectif. L'hitlérisme a déjà aggravé les conditions de vie des masses allemandes et sous le régime fasciste celles-ci vont certainement continuer à s'aggraver. Plus le régime fasciste échouera à donner du pain aux millions de travailleurs affamés, plus il échouera à résoudre le problème du chômage, plus il recourra à la provocation. Il tentera de dissimuler son absence totale de programme économique et son échec complet dans la résolution de la crise économique par des plans de provocation incessants.
En Allemagne, l'antisémitisme des nazis a deux objectifs à remplir. L'un consiste à détourner la lutte de classe de la classe ouvrière vers les impasses de la lutte raciale ; le second est de dissimuler l'échec du régime nazi en rendant les Juifs responsables de la misère économique des masses allemandes. Dans le monde ce cannibalisme racial antisémite des nazis doit être condamné et dénoncé par chaque individu civilisé.
Les chefs criminels nazis protestent violemment à propos de la propagande répandue sur leur atrocités dans les pays étrangers, mais les victimes de la terreur nazie, avec lesquelles j'ai vécu en prison, m'ont montré des marques de coups sur leurs corps et m'ont rapporté des récits révoltants de brutalités infligées par les nazis. Ce que j'ai vu et ce que j'ai entendu dépasse tous les récits des brutalités que nous connaissons par les journaux.
Camarades, laissez-moi vous avertir de ne pas vous faire d'illusion sur les gouvernements impérialistes. Si vous pensez que ces gouvernements feront vraiment quelque chose pour mettre fin au brutal régime nazi en Allemagne, vous vous trompez complètement. Ils ne feront rien. La presse bourgeoise du monde entier est déjà devenue indifférente à la terreur nazie en Allemagne. N'attendez rien d'eux. Le temps des longs discours est révolu. Le temps de l'action est venu, le temps de l'action révolutionnaire. Souvenez-vous, camarades, que longue est la chaîne qui lie nos camarades en Allemagne, elle nous lie aussi, nous qui sommes dans tous les pays du monde, et les cellules des prison dans lesquelles ils couchent en Allemagne existent également, de manière cachée, autour de nous. Souvenons-nous tous de cela et poursuivons la lutte jusqu'à ce que nous ayons brisé la réaction non seulement en Allemagne mais aussi dans le monde entier.