1931 |
Une étude écrite par Rakovsky alors en déportation et principal dirigeant de l'Opposition de gauche demeuré en U.R.S.S. |
Problèmes de l’économie de l’U.R.S.S.
L'accumulation et ses sources.
L'édification de base.
Vers la fin de l'année dernière, quand la nécessité de l'industrialisation devint évidente, même pour des aveugles, le centrisme, enfin convaincu avec un immense retard de son importance, se jeta brusquement dans le sens des rythmes forcés, espérant combler les vides créés par la politique précédente par des coups rapides : les plans élaborés, qui dépassaient de loin les indices du plan quinquennal, furent vraiment grandioses. La somme globale des investissements de capitaux dans la production devait atteindre cette année 3 milliards 423 millions de roubles, plus 117 millions provenant d'un prélèvement de 4 % sur l'édification de base des autres domaines, c'est‑à‑dire 3 540 000 000 de roubles, contre 1 600 000 000 de roubles de l'année dernière et contre les prévisions du plan quinquennal qui étaient de 2 331 000 000. Ensuite ces chiffres ont été augmentés jusqu'à 3 583 000 000, et enfin, en vertu de la décision du V.S.N.K. du 12 avril 1930, cette somme a été poussée jusqu'à 3 923 000 000 de roubles. Où prendrait‑on cette somme fabuleuse ? En ce qui concerne la somme initiale, 6/7 de cette somme, c'est‑à‑dire, 2 980 000 000 devaient être couverts par les ressources propres de la production (amortissement 550 000 000 et bénéfices 2 430 000 000). Le reste devait être couvert par le prélèvement indiqué plus haut de 4 % sur d'autres branches du secteur socialisé, et par le financement budgétaire et le crédit bancaire. Dans le plan industriel‑financier, 221 000 000 sont restés en général sans contrepartie. Si de la somme globale d'investissement (selon les chiffres de contrôle) de 3 450 000 000 on déduit l'amortissement (550 000 000), qui ne représente pas d'investissements nouveaux, on obtient une somme globale d'investissements nouveaux de 2 990 000 000 de roubles, dont 2 430 000 000 devaient être couverts par les bénéfices de la production elle-même.
Pour comprendre ce que signifie une telle somme de bénéfices, il faut tenir compte de ce que les bénéfices de cette année devaient dépasser les bénéfices de l'année précédente de plus de 22 fois, et donner un bénéfice supplémentaire de 1 200 à 1 300 millions de roubles. La part de bénéfice dans le prix de la production devait augmenter de 11,6 % l'année dernière, à 12,1 % cette année. De quelle source devait provenir cette augmentation énorme absolue et relative, des bénéfices ? Nullement de l'élargissement. Comme l'indiquent les chiffres de contrôle, l'augmentation qui devait se produire sur ce terrain est engloutie :
Etant donné le volume de la production projeté, chaque pour cent de réduction du prix de revient devait correspondre à peu près à 130 millions de roubles. La réduction totale devait correspondre à la somme de 1 400 millions de roubles, c'est‑à‑dire à une somme qui dépasse l'augmentation des bénéfices envisagée. Une autre partie de cette réduction du prix de revient consiste en une augmentation prévue par le plan, du rendement par ouvrier, de 25 %, contre 15‑16 % obtenus dans les années 1928‑1929. La question de savoir quelle pourrait être l'origine de cette réduction du prix de revient et de cette augmentation du rendement, ainsi que la question de savoir ce qui a été obtenu en réalité, sera traitée plus loin.
Selon les données existantes, la réduction du prix de revient pour les 8 mois écoulés ne représente que 6,4 % (7,1 % du groupe "A", et 5,8 % du groupe "B"), contre 11,5 % prévus par le plan, c'est‑à‑dire un peu plus de 50 %, (Pour l'Industrialisation, 18‑7‑30). Le rendement par ouvrier a augmenté pour une période de 6 mois, par rapport aux premiers 6 mois de l'année écoulée, de 18 % (des données plus récentes n'existent pas). Les mesures absolues de la réalisation du plan selon ces indices et leur confrontation posent devant nous une série de questions :
Il suffit de poser la première question pour y donner la réponse. Le calcul du changement du prix de revient n'a de sens que si l'on compare des produits de première qualité. Mais si la réduction du prix de revient est accompagnée de l'avilissement de la qualité, la résolution de la question de savoir si le prix de revient a baissé n'est possible que sur la base de la comparaison entre le prix de revient et le degré d'avilissement de la qualité. Si, par exemple, une paire de caoutchoucs se porte maintenant 11 mois au lieu de 12 dans l'année, nous avons alors une baisse de qualité de 1/12, ou de près de 8 %. Si le prix de revient baissait formellement aussi de 8 %, alors, on n'aurait en fait aucune réduction du prix de revient. Or, qui peut encore douter que le coefficient de l'avilissement de la qualité, si un tel coefficient peut être calculé, serait à peine moindre que le pourcentage équivalent de la réduction du prix de revient ? Cela signifie que le chiffre de réduction du prix de revient est encore beaucoup plus fictif que le chiffre de I'augmentation des indices de quantité. N'y‑a‑t‑il donc eu aucune réduction du prix de revient ? Du point de vue de l'économie nationale, non. Ici, nous avons vu de plus grands paradoxes, ou plutôt vu de plus grandes absurdités découlant des méthodes centristes d'industrialisation : tous les facteurs qui agissent dans le sens de la réduction du prix de revient, et en premier lieu l'augmentation de l'intensité du travail sont "acquis" et pourtant, en dernier lieu, ils n’ont entraîné aucune réduction du prix de revient du point de vue de l'économie nationale.
On peut bien aligner toutes sortes de chiffres, mais cela ne donne pas la quantité des valeurs réelles. Un rail est un rail, et si par exemple son prix de revient formel est réduit de quelques pour cent, cela ne signifie pas que l'économie a gagné d'autant. Le fait que l'aspect extérieur du rail est exactement le même que celui du rail d'avant-guerre ne trompera personne et ne changera rien au fait que notre rail d'aujourd'hui ne tiendra même pas cinq ans, tandis que le rail d'avant-guerre servait 40 ans. Or, cela ne se produit pas seulement pour les rails. Des corps de bâtiment d'usine entiers sont construits avec des matériaux de construction défectueux et sont équipés de machines faites d'un métal défectueux. Et ce qui parait être aujourd'hui une réduction du prix de revient, deviendra demain (et devient déjà aujourd'hui), une perte énorme pour l'économie nationale. Tout cela ne peut pas ne pas faire penser qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans les méthodes de réduction du prix de revient.
Dans les Chiffres de Contrôle, on a donné une esquisse approximative pour montrer d'où proviendraient les réductions du prix de revient. L'article de Bouretzky (Sur le front du Plan, n° 9‑10), nous fournit une indication sur la source de la réduction formelle du prix de revient. Le tableau qu'il fournit donne la réponse suivante à la question de ces sources :
Prévisions du plan |
Chiffres obtenus pour le 1° trimestre. |
|
1‑ Au compte des méthodes techniques d'utilisation des matières premières |
2,6 | 1,9 |
2‑ Au compte de la main-d’œuvre, travail industriel et salaires |
3,7 | 1,6 |
3‑ Au compte de l'augmentation du volume de la production |
3,2 | 2,3 |
4‑ Au compte des prix |
||
a) des matières premières industrielles et matériaux |
1,2 | 0,8 |
b) des matières premières agricoles |
0,3 | 0,4 |
11,0 | 7,0 |
Un simple coup d’œil sur ce tableau montre qu'il y a quelque chose de défectueux dans ce calcul. Admettons que dans les articles 1, 3, et 4, le calcul soit parfaitement juste, et examinons l'article 2. Il apparaît que tant au compte des salaires qu'au compte de l'augmentation du rendement, qui est le résultat, et de l'augmentation de l'intensité et de l'accroissement de la productivité du travail, dans le sens marxiste du mot, on n'a obtenu une réduction du prix de revient que dans la proportion de 1,6 %. En d'autres termes, on a obtenu un gain d'à peu près 200 millions de roubles. Mais nous savons qu'au cours du premier semestre, 3 % du plan des salaires nominaux n'ont pas été réalisés, ce qui donne déjà un "gain" d'à peu près également 200 millions de roubles. Certains auteurs indiquaient ouvertement ce gain comme l'unique résultat positif du premier semestre.
L'intensité du travail intervient dans la réduction du prix de revient pour un peu plus de 1 %. En d'autres termes, au compte de l'augmentation de l'intensité du travail on obtient un gain de 130 à 150 millions par an, et par conséquent, pour un semestre, la moitié (65 à 75 millions). Une série de questions surgît naturellement. Cela valait-il la peine de déclencher une campagne d'agitation aussi effrénée, de proclamer l'émulation et le "travail de choc" comme les bases essentielles de l'industrialisation, pour quelque 75 ou 150, ou même 200 million avec un budget de 13 milliards, et 4 milliards d'investissements dans la production ? Cela valait‑il la peine, pour cette somme relativement insignifiante, de s'engager dans un conflit très aigu avec la classe ouvrière ? Et une autre question : est‑il possible que toute cette chasse déchaînée contre la classe ouvrière qu'on appelle la lutte pour le plan industriel‑financier, toute cette monstrueuse pression sur la classe ouvrière, ces mesures draconiennes contre elle, aient donné des résultats aussi insignifiants ? La réponse à toutes ces questions sera différente suivant le point de vue auquel on se placera. Si on se place au point de vue de l'économie nationale, alors comme nous l'avons vu plus haut, on n'a même pas ce résultat insignifiant.
Mais si on se place au point de vue de l'ouvrier, on voit qu'on a tiré beaucoup plus que cela n'apparaît d'après les chiffres officiels C'est en cela que consiste cette ineptie purement économique à laquelle aboutit toute l'industrialisation centriste. Comment tout cela se produit‑il ? Malheureusement, il est impossible d'illustrer ce paradoxe par des chiffres. Mais l'exemple hypothétique suivant peut donner une vue générale des choses. Dans le chiffre global du prix de revient on donne le solde prévu, c'est‑à‑dire la différence entre les facteurs d'accroissement (avilissement de la qualité, pertes provenant des jours de fermetures, etc.) et les facteurs de réduction. Imaginons que toutes les pertes provenant des facteurs indiqués de l’accroissement du prix de revient équivalent à 6 % par rapport à la valeur de toute la production. Admettons ensuite que, en fin de compte, le prix de revient ait baissé également de 6 %. Cela signifie que les facteurs destinés à réduire le prix de revient doivent donner 12 %, c'est‑à‑dire : couvrir les 6 % de pertes et donner encore 6 % de réduction du prix de revient. Si l'on admet que pour le compte de tous les facteurs, à part la main d’œuvre, on obtient, comme cela s'est produit durant le premier semestre, une réduction de 4,4 %, alors, en réalité, pour le compte de la main-d’œuvre, on a obtenu une réduction, non de 1,6 %, mais de 7,6%. Je le répète, il s'agit d'un exemple hypothétique, mais il donne la possibilité d'expliquer la situation réelle des choses. Si cette explication est juste (en trouver une autre est impossible, d'autant plus qu'elle est justifiée par des faits), cela signifie qu'au compte de l'augmentation de l'intensité du travail, on obtient un gain considérable, mais que ce gain est couvert dans sa partie la plus importante, sinon entièrement, par les pertes dans d'autres domaines, en dehors de la main d'œuvre.
Or, cela signifie que l'augmentation de l'intensification du travail est l'unique domaine où le plan a été réalisé et dépassé. Mais cette augmentation a été engloutie dans les autres branches et aucune diminution du prix de revient n'a été obtenue, ce qui éclaire aussi bien la politique d'industrialisation du centrisme que sa politique ouvrière. Il est caractéristique que lorsque l'on tente réellement d'analyser à fond les causes de l'inéxécution du plan de diminution du prix de revient, on explique justement le problème quant au fond : mais dès qu'il s'agit de passer au domaine des "généralisations'' et conclusions pratiques, il s'avère que seul l'ouvrier, qu'on stigmatise et qu'on couvre d'opprobe, est responsable.
En tout cas, si l'on fait une analyse concrète de l'inéxécution du plan, on n'a pas le droit de rejeter la faute sur l’ouvrier, car c'est lui seul qui subit les risques que fait courir le caractère technique primitif de l'augmentation de l'intensification du travail. Si, dans cette situation, il lui est impossible de veiller à la qualité, ce n'est pas du tout de sa faute : ou le niveau quantitatif, ou la qualité, on ne peut physiquement réaliser l'une et l'autre. Mais dès qu'il s'agit de conclure, on démontre que le responsable est principalement l'ouvrier.
Dans l'Oural, on rassemble les femmes des ouvriers pour "faire honte" à leurs maris qui n'ont pas exécuté la norme prévue. Sous les cris de barines (seigneurs), on décore de balais et de pelles l'entrée de la mine en signe de mépris envers les "feignants", et même on les menace de représailles empruntées à "Lysistrata". Pour remercier les ouvriers épuisés, les bureaucrates de l'appareil (apparatchiki) en arrivent à un persiflage et une moquerie éhontés. Et dans les articles on tire comme conclusion fondamentale d'ordre général que "l’industrie doit, en accord avec les syndicats, passer activement à la révision des normes de travail". (Pour l'Industrialisation, 28 avril).
Voilà où est le salut. Aussi, les syndicats répondent à l'appel. Le Troud imprime en caractère d'affiches ce mot d'ordre : "L'une des bases les plus importantes de l'industrialisation est l'augmentation du travail". Les chiffres de contrôle promirent que ''grâce au réarmement énergique, à l'augmentation du capital de base et à l'accroissement de sa qualité avec un équipement nouveau plus approprié, l'augmentation du travail productif en 1929‑30 ne sera basique pour une part infinie sur l'augmentation de l'intensification du travail". (Chiffres de Contrôle, p. 293).
Quiconque affirmait que l'intensification du travail est la caractéristique fondamentale de la pression exigée, était traité de "trotskiste". Mais dès qu'il s'agit de politique pratique, alors l'une des ressources de l'industrialisation est l'augmentation de la norme du travail. Il n'entre pas dans le plan de cette étude d'étudier le problème de la situation matérielle de la classe ouvrière (cela nécessite un article particulier), mais j'estime nécessaire d'indiquer à ce propos que l'une des méthodes de la pression exercée dans le sens de l'intensification du travail est la retenue et la diminution des salaires. Pour l'Industrialisation propose ouvertement d'utiliser dans l'avenir, comme une arme de pression, la retenue sur les salaires. "Le plan du salaire nominal - écrit ce journal ‑ sera exécuté entièrement, mais les circonstances qui font que nous avons encore quelques réserves dans ce domaine, nous donnent la possibilité de lier la réalisation de ses directives avec l'amélioration des modes de productivité du travail". Jugeant la situation dans son ensemble, le centrisme se prépare à s'engager dans la même voie : mais pour exécuter le plan annuel de diminution du prix de revient, le quatrième trimestre doit donner une diminution non pas de 11 %, mais de 20 % avec les intérêts. Mais cette voie se trouve exclue. Comme je me suis appliqué à le démontrer, l'intensité du travail a atteint pour le niveau technique actuel sa limite physique extrême : la meilleure démonstration en est dans la qualité de la production. Si étrange que cela puisse paraître, l'affaiblissement de la discipline du travail et l'augmentation nécessaire et urgente du nombre des ouvriers au‑delà des prévisions du plan, témoignent également du même fait. Dans les explications officielles, tous les problèmes sont posés la tête en bas : ce n'est pas parce que le plan de la diminution du prix de revient n'est pas exécuté que les déficits augmentent, que la discipline du travail se relâche, que le nombre des ouvriers s'est accru au‑delà du plan, mais, au contraire, c'est parce que les déficits augmentent, parce que la discipline du travail s’affaiblit, que l'on a été contraint d'augmenter le nombre des travailleurs et que l'ouvrier nest pas en état de supporter physiquement la charge qui est au‑dessus de ses forces.
Ainsi, nous arrivons aux conclusions suivantes en ce qui concerne les résultats de l'exécution du plan de diminution du prix de revient et de ses sources :
Toutes les situations énumérées ci‑dessous, qui concernent l'industrie elle-même, ainsi que toute une série d'autres situations que l'on trouve à la périphérie de l'industrie ne pouvaient pas ne pas avoir de répercussion sur la marche des travaux d'édification de base.
Avant tout, le niveau du prix de revient crée (même si nous acceptons les chiffres formels de son abaissement comme exacts) une rupture dans le plan financier. Si l'on estime que chaque pourcentage d'abaissement devait donner près de 150 millions de roubles, l'inéxécution de 5 % du plan d'abaissement équivaut à un déficit de l'ordre de 690 millions pour l'année. En tout cas, nous avons déjà, pour les huit mois dont nous possédons les données, un déficit réel de l'ordre de 1140 millions. Si l'on compte que le plan général d'accroissement de la production ne sera pas réalisé dans une certaine proportion, alors la somme totale pour l'année s'élève en gros à 700 millions de roubles (à la condition, évidemment, que le prix de revient reste au niveau atteint). Mais ce déficit n'est pas le seul. Comme on l'a déjà indiqué, 117 millions de roubles devaient être acquis par un transfert de 4 % des travaux de base au profit d'autres branches. Mais comme la situation des autres branches n'est pas meilleure, il est fort douteux que l'industrie en reçoive quelque chose. En outre, comme nous l'avons déjà aussi indiqué, il y a dans le plan financier de l'industrie 221 millions de roubles qui rie sont pas balancés. Enfin, on ignore d'où doivent surgir les 340 millions que le Conseil des Commissaires du peuple a assignés complémentairement par son décret du 2 mai.
Il est difficile de supposer que l'on puisse trouver des ressources pour couvrir l'une quelconque de ces sommes. Cependant, même si l'on suppose qu'on réussisse à obtenir les de défalcation (117 millions), ce qui permettrait de couvrir la somme non balancée (221 millions) et même si l'on suppose qu'on puisse parvenir à un notable abaissement du prix de revient, il n'en reste pas moins dans ce cas un déficit de l'ordre de 800-900 millions. Où peut‑on les trouver ? Au sein de l'industrie, ils peuvent être couverts, soit au compte de l'inexécution du plan du plan du salaire nominal, soit au compte d'un renforcement de la mobilisation des ressources internes de l'industrie. En ce qui concerne la première de ces ressources, certaines tentatives sont faites sans aucun doute pour l’utiliser en huit mois, le salaire nominal a augmenté de 3,4% par rapport à la moyenne mensuelle de l'année dernière, et de 8,1 % par rapport aux huit mois de l'année dernière, au lieu des 9 % prévus par le plan : or, chaque pourcentage d'inexécution donne, pour le prolétariat des villes seulement, une somme de l'ordre de 50 à 60 millions de roubles. Mais les ressources que l'on pourrait trouver de cette façon se trouveront englouties par une augmentation du nombre d'ouvriers employés dépassant les prévisions du plan.
Les prévisions de mobilisation des ressources internes de l'industrie que l'on pensait d'abord se monter à 600 millions à peu près, se trouvent même dépassées. On pourrait trouver là, semble‑t‑il, de quoi combler le fossé. Mais il apparaît que là non plus tout n'est pas pour le mieux. En réalité, cette mobilisation des ressources internes, de même que la diminution très appréciable du capital circulant de l'industrie et des trusts, entraînent un manque de capital circulant. L'industrie y porte remède en dirigeant les sommes qui lui sont attribuées pour l'édification de base, vers le capital circulant. En s'appuyant sur l'analyse des données d'un semestre, F. Miropochnikov (Pravda, 28 mai) arrive à conclure que, durant ce semestre, l'industrie s'est occupée "à ne pas utiliser les sommes qui lui étaient assignées selon leur destination en les orientant vers le capital circulant de l'entreprise, au lieu de les faire servir à l'édification de base". En tout cas, même si cette source peut fournir quelque chose, ce n'est nullement dans les proportions suffisantes pour combler le déficit considérable. Je m'arrêterai spécialement, en temps utile (voir le chapitre "Les finances et la circulation monétaire"), sur l'état de notre économie financière. Je me bornerai ici à indiquer qu'en huit mois le budget a déjà fourni à l'industrie 70,8 % des ressources qui lui sont assignées, alors que la réalisation du plan des constructions de base n'est que de 36 % des prévisions. Comme nous le verrons, c'est l'existence de ce déficit (et toute une série d'autres) qui pousse les centristes à se servir de la planche à billets dans d'assez grandes proportions.
Il semble que, dans la situation présente, il n'y ait aucune difficulté dans l'édification de base, et que, d'une façon générale, tout va pour le mieux du côté des finances. Par nature, la situation ne peut être autre chez nous. Dans un pays capitaliste, ??? peuvent disposer de ressources matérielles, tandis qu'un autre groupe qui en manque ne peut en acquérir, par manque d'argent. C'est pourquoi le manque de valeurs réelles apparaît sous la forme de difficultés financières. Chez nous, au contraire, où le propriétaire de toutes les ressources matérielles se trouve être l'Etat et où il en est l'unique répartiteur, l'absence de moyens réels surgit immédiatement comme telle, et n'apparaît pas sous forme de difficultés financières C'est pourquoi, ce qui, dans le plan financier apparaît comme un déséquilibre financier n'est en réalité que l'expression de l'insuffisance en ressources réelles, en valeurs réelles, en valeurs matérielles.
Les données générales de la réalisation, en huit mois des travaux d'édification de base offrent le tableau suivant. L'évaluation de la réalisation du plan est de 36 %. De plus, les disproportions qui caractérisent les réalisations de l'année dernière surgissent plus brutalement encore cette année. Pour une réalisation de 17,2 % du plan du groupe "B", on a seulement une réalisation de 31,3 % du groupe "A". D'un autre coté, le plan général des constructions nouvelles n'est réalise en tout que pour 34,4 % et celui de ltindustrie lourde pour 27 %.
Mais il faut encore déduire de ces chiffres ce qui est nécessaire pour combler les lacunes de l'année dernière, et ensuite, ce qui est plus important, il ne faut absolument pas perdre de vue que cette année plus encore que l'année dernière, l'évaluation du plan. ne nous apprend rien sur sa réalisation matérielle. Les chiffres de la réalisation du plan ne disent absolument rien sur ce qui a été fait.
On ne peut exactement estimer l'ampleur de ce déficit à l'aide des données actuelles. Nous possédons pour toute une série de constructions la preuve du gaspillage énorme des ressources en travaux inutiles, du prix colossal des constructions qui dépasse de beaucoup les indications du plan au moment même où l'on projetait, dans le plan, une réduction générale du prix de revient de 14 % et pour les constructions nouvelles de 18 %.
Nous ne possédons de chiffres que pour le prix d'un des éléments les plus importants de la construction : les matériaux de construction. D'après le plan le prix de revient devait en être abaissé de 13 %. En fait, il l'est de 3,9 %. Ainsi nous avons pour cet important élément de la construction, un enchérissement de 10 %, par rapport au plan, si l'on ne prend pas en considération la qualité de la production. Mais si l'on tient compte encore de celle-ci, alors le pourcentage de l'enchérissement sera bien plus élevé.
On peut se faire une idée un peu générale de l'enchérissement des constructions en se basant sur le fait que le Collège Supérieur de l'Economie sociale évalue pour huit mois la réalisation du plan au quart de tous les travaux d'édification de base (Pour l'Industrialisation, 20 juillet). Si cette estimation est exacte, cela signifie que non seulement Il n'y eut aucune diminution du prix de revient, mais bien au contraire une augmentation : l'écart entre son évaluation et sa réalisation matérielle dépasse 25 %. Si ce rapport est exact, et si l'on tient compte que la plus forte augmentation du prix de revient a lieu dans les constructions nouvelles, cela signifie que le plan des nouvelles constructions n'est matériellement réalisé que dans la proportion de 20 % au maximum en huit mois, et dans une proportion moindre encore en ce qui concerne l'industrie lourde.
En quoi consiste la cause réelle de la non‑exécution de fait du plan des travaux d'édification de base ? Ces causes sont au fond les suivantes :
En un mot, une défectuosité quelconque ‑ grande ou petite ‑ dans une branche particulière de l'économie se répercute d'une façon décuplée sur les constructions. Le caractère de ces défectuosités est tel qu'on ne peut songer à les écarter rapidement dans le proche avenir. Il n'y a pas dans le pays, et il n'y aura pas, dans un avenir proche, les ressources réelles indispensables pour écarter ces difficultés. Et là moins qu'ailleurs il n'est possible de les faire surgir par une utilisation des forces ouvrières qui tient du brigandage. Le plan des constructions de base sera, dans une assez large mesure, rompu. Ainsi nous sommes ramenés au problème posé dès le début de l'examen des indices quantitatifs : l'unique base normale sur laquelle peut s'effectuer un accroissement ultérieur des indices quantitatifs ne sera pas créée dans le proche avenir. Et cela décide du sort ultérieur des indices quantitatifs.
Notes
[1] Dans son rapport au présidium du V.S.N.K.H., Kraval déclara ouvertement que "pendant les deux dernières années, l'augmentation des déchets dépasse la réduction du prix de revient". (Vie Economique, 22-5‑30).
[2] De toute évidence, si l'on juge d'après les données générales pour les 3 trimestres, les choses n'ont pas changé dans le 3° trimestre.
[3] Mot manquant dans le manuscrit ( N.R.)
[4] Je ne m'attarde pas en détail sur le caractère factice de la chose, car le camarade Trotsky y a consacré un article auquel je renvoie le lecteur. Ch. Rakovsky.
[5] Ayant déjà écrit cela, j'ai lu dans l'éditorial de Pour l'industrialisation : "Tous ces chiffres ne traduisent que l'exécution du plan des dépenses, et non, au fond, de celui des constructions. Dans les conditions où se poursuit actuellement l'édification ... la réalisation du plan des constructions et celle du plan des dépenses loin d'être identique". Ch. Rakovsky.
[6] Pour l'Industrialisation du 26 juillet nous informe de ce qui suit, au sujet du changement du prix de revient des matériaux de construction: "Les matériaux de construction coûtent, cette année, moins cher, mais ... les chantiers ne furent pas convenablement fournis par les transports et les sommes qu'on paya en surplus pour faire venir les matériaux, ont englouti en entier cette diminution". En ce qui concerne la diminution des prix de revient en général, le même article indique que "les directives du gouvernement pour abaisser le prix de revient de 18 %, ne sont pas exécutées''. L'éditorial de Pour l’industrialisation du 27 juillet déclare qu'on "est non seulement incertain au sujet de l'abaissement projeté du prix de revient des constructions, mais encore de la stabilisation". C'est ce que, selon l'opinion de l'éditorial, "indiquent avant tout sur la situation les données sur la réalisation dans le trimestre du plan des constructions de base". Ch. Rakovsky.