L'article « Contre le boycottage » fut publié fin juillet 1907 dans la brochure Sur le boycottage de la Troisième Douma, tirée dans une imprimerie social-démocrate clandestine de Pétersbourg. La couverture portait de fausses indications : « Moscou, 1907. Imprimerie Gorizontov. 40, rue Tverskaïa. » En septembre 1907, la brochure fut saisie. |
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Contre le boycottage
La plus grande expérience de notre révolution en matière de boycottage a certainement été le boycottage de la Douma de Boulyguine [d]. Il a été du reste couronné du succès le plus complet et le plus immédiat. C'est pourquoi notre première tâche doit être l'étude des circonstances historiques du boycottage de la Douma de Boulyguine.
A l'examen de cette question deux circonstances se placent d'emblée au premier plan. En premier lieu, le boycottage de la Douma de Boulyguine fut une lutte contre l'aiguillage (soit-elle temporaire) de notre révolution sur la voie d'une constitution monarchique. En second lieu, ce boycottage s'est produit dans le climat d'un élan révolutionnaire très ample, général, puissant et rapide.
Attardons-nous sur la première circonstance. Le boycottage n'est pas une lutte dans le cadre d'une institution donnée mais contre l'apparition ou, plus largement, la réalisation de ladite institution. C'est pourquoi celui qui, comme Plekhanov et bien d'autres mencheviks, a lutté contre le boycottage par des considérations générales sur la nécessité pour un marxiste d'utiliser les institutions représentatives, n'a fait montre en cela que d'un doctrinarisme ridicule. A raisonner ainsi, on n'a fait qu'éluder une question de nature litigieuse en ressassant des vérités indiscutables. Il est indiscutable qu'un marxiste se doit d'utiliser les institutions représentatives. Doit-on conclure de là à l'impossibilité pour un marxiste, en des circonstances déterminées, de vouloir favoriser la lutte contre l'introduction d'une institution et non pas à partir de celle-ci ? Non, car ce raisonnement général ne se rapporte qu'aux cas où il n'y a pas de place pour la lutte contre la naissance d'une telle institution. Là est le litige en ce qui concerne le boycottage : y a-t-il place pour la lutte contre la naissance même de telles institutions ? Plekhanov et Cie par leurs arguments contre le boycottage, ont montré qu'ils ne comprenaient pas comment devait se poser le problème.
Continuons. Si le boycottage n'est pas une lutte dans le cadre d'une institution donnée mais contre son introduction, le boycottage de la Douma de Boulyguine fut en outre une lutte contre la mise en application de tout un système d'institutions de type monarcho-constitutionnel. L'année 1905 a montré avec évidence que la possibilité d'une lutte directe des masses par des grèves générales (la vague de grèves après le 9 janvier [e]) et des mutineries (le « Potemkine [f] »), existe. La lutte révolutionnaire directe des masses est par conséquent un fait qui a existé. D'un autre côté, la loi du 6 août qui tentait d'orienter le mouvement révolutionnaire (dans le sens le plus immédiat et étroit du terme) dans la voie d'une constitution monarchique, est également un fait. Objectivement, la lutte entre l'une et l'autre voie était inévitable : celle de la lutte révolutionnaire directe des masses et celle de la constitution monarchique. Il fallait opérer le choix de la voie que la révolution allait emprunter dans son développement; or, ce choix allait dépendre non pas de la volonté de tels ou tels groupements, mais de la force des classes révolutionnaires et contre-révolutionnaires. Cette force, on ne pouvait la mesurer et l'éprouver que dans la lutte. Le mot d'ordre de boycottage de la Douma de Boulyguine fut justement un mot d'ordre de lutte pour la voie révolutionnaire directe et contre la voie monarcho-constitutionnelle. Sur la dernière voie la lutte était évidemment possible, et non seulement possible mais inévitable. Avec une constitution monarchique, il est plausible d'envisager là continuation de la révolution et la préparation d'un nouvel élan révolutionnaire; avec une constitution monarchique, la lutte de la social-démocratie révolutionnaire est non seulement possible mais obligatoire; telle vérité première qu' Axelrod et Plekhanov se sont employés à prouver avec tant de zèle et si mal à propos en 1905, reste vraie. Mais tel n'était pas le problème que posait alors l'histoire : Axelrod ou Plekhanov ont raisonné « en dehors du sujet », ou, en d'autres termes, ils ont remplacé le problème historique que les forces en lutte avaient à résoudre par un problème tiré de la dernière édition d'un manuel social-démocrate allemand. La lutte pour le choix de la voie à suivre dans l'avenir immédiat était historiquement inévitable. Est-ce que ce sera l'ancien pouvoir qui convoquera la première institution représentative en Russie et de ce fait mettra la révolution sur la voie monarcho-constitutionnelle pour un certain temps (peut-être très court ou, qui sait, relativement long), ou bien est-ce le peuple qui balaiera ou, au pis aller, ébranlera l'ancien pouvoir par un assaut direct, lui ôtera la possibilité d'engager la révolution sur une voie monarcho-constitutionnelle et assurera (toujours pour un temps plus ou moins long) la voie de la lutte révolutionnaire directe des masses ? Voilà la question qu'Axelrod et Plékhanov n'ont pas vue en leur temps et qui s'est posée à l'automne 1905 aux masses révolutionnaires de Russie. La propagande faite par la social-démocratie pour un boycottage actif était une manière de poser le problème, une manière consciente de le poser pour le parti du prolétariat, c'était le mot d'ordre de la lutte pour le choix de la voie à suivre dans la lutte.
Les propagandistes du boycottage actif, les bolcheviks, ont compris de façon correcte la question posée objectivement par l'histoire. La lutte d'octobre-décembre 1905 [g] fut effectivement une lutte pour le choix de la voie à suivre dans la lutte. Le succès y fut versatile: le peuple révolutionnaire a eu d'abord le dessus, il a arraché à l'ancien pouvoir la possibilité de mettre sans délai la révolution sur les rails de la monarchie constitutionnelle et créé en remplacement des institutions représentatives de type libéral policier, des institutions représentatives de type purement révolutionnaire, les Soviets des députés ouvriers, etc. Cette période fut celle du maximum de liberté, du maximum d'initiative des masses, de l'envergure et de la vigueur maximales du mouvement ouvrier sur un terrain débarrassé par l'assaut du peuple, des institutions monarcho-constitutionnelles, des lois et des combines, durant l'« interrègne », quand l'ancien pouvoir était déjà impuissant et que le nouveau pouvoir révolutionnaire du peuple (Soviets des députés ouvriers, paysans et soldats, etc.) n'était pas encore assez fort pour remplacer pleinement l'ancien pouvoir. La lutte de décembre a résolu la question dans un autre sens: l'ancien pouvoir a gagné, en refoulant la poussée du peuple, en maintenant sa position. Mais, il va de soi, il n'y avait pas lieu alors de considérer cette victoire comme définitive. L'insurrection de décembre 1905 a eu son prolongement dans toute une série de grèves, d'insurrections isolées et partielles pendant l'été 1906. Le mot d'ordre de boycottage de la Douma de Witte [h] fut celui de la lutte pour centraliser et généraliser ces insurrections.
Ainsi la première conclusion à tirer de l'examen de l'expérience de la révolution russe dans le boycottage de la Douma de Boulyguine est que le dessous véritable du boycottage était la lutte, mise à l'ordre du jour par l'histoire, pour la voie de développement à suivre dans l'immédiat, la lutte pour savoir si ce serait l'ancien pouvoir ou le nouveau pouvoir du peuple, créé par lui, qui convoquerait la première assemblée représentative en Russie, pour savoir si l'on suivrait une voie révolutionnaire directe ou bien celle (pour un certain temps) de la monarchie constitutionnelle.
Il y a, liée à ceci, une question qui émerge souvent dans les publications et constamment dans les débats sur le sujet qui nous occupe, c'est la question de la simplicité, de la clarté et de la « rectitude » du mot d'ordre de boycottage ainsi que celle d'une évolution unilinéaire ou en zigzags. Le renversement ou, au pis aller, l'affaiblissement et la réduction à l'impuissance de l'ancien pouvoir, la création immédiate de nouveaux organes du pouvoir, c'est certainement la voie la plus droite, la plus avantageuse pour le peuple mais qui demande la force la plus grande. Avec une supériorité de force écrasante, on peut vaincre par une attaque directe menée de front. Avec des forces insuffisantes, il peut être nécessaire d'emprunter les chemins détournés, d'avoir des temporisations, des zigzags, des reculs, etc., etc. La voie de la monarchie constitutionnelle, bien sûr, n'exclut absolument pas la révolution, dont elle prépare et développe aussi les éléments de façon indirecte, mais c'est là une voie plus longue et plus tortueuse.
Dans toute la littérature menchevique, en particulier celle de l'année 1905 (jusqu'en octobre), on trouve à tout bout de champ l'accusation de « conduite unilinéaire » faite contre les bolcheviks, des sermons à leur adresse au sujet de la nécessité de compter avec la voie zigzagante empruntée par l'histoire. Ce trait de la littérature menchevique est un exemple de la ratiocination faite pour condure que les chevaux mangent de l'avoine et que la Volga se jette dans la mer Caspienne, où les rabâchages de ce qui ne prête pas à discussion masquent ce qui est discutable. Que l'histoire avance ordinairement par zigzags, et qu'un marxiste doit savoir tenir compte des détours de l'histoire les plus enchevêtrés et les plus fantasques, c'est indiscutable. Mais cette rumination indiscutable ne concerne absolument pas la question de savoir ce que doit faire le marxiste lorsque cette même histoire demande aux forces en lutte de résoudre le problème du choix de la voie directe ou de la voie en zigzags. Lorsque cela arrive, se tenir quitte par des raisonnements sur la tortuosité habituelle de l'histoire, est exactement se transformer en « homme sous cloche de verre [i] » et se plonger dans la méditation de cette vérité que les chevaux mangent de l'avoine. Et les périodes révolutionnaires sont par excellence celles où justement c'est l'affrontement des forces sociales en lutte dans des intervalles de temps relativement courts qui résout le problème du choix par le pays, pour un temps relativement très long, de la voie directe ou en zigzags. La nécessité de tenir compte de cette dernière voie ne décharge nullement le marxiste de la tâche de savoir expliquer aux masses, aux moments décisifs de l'histoire, qu'il faut accorder la préférence à la voie directe, de savoir aider les masses dans leur lutte pour choisir la voie directe, de savoir donner les mots d'ordre d'une telle lutte et ainsi de suite. Et seuls les philistins incurables et les pédants complètement obtus pourraient, à l'issue de combats historiques décisifs, qui avaient nécessité une voie détournée, ricaner de ceux qui jusqu'au bout avaient lutté pour la vole directe. Cela ressemblerait aux ricanements des historiens-gendarmes allemands dans le genre de Treitschke devant les mots d'ordre et l'intransigeance révolutionnaires de Marx en 1848.
L'attitude du marxisme en ce qui concerne la voie tortueuse de l'histoire est semblable, au fond, à son attitude vis-à-vis des compromis. Chaque zigzag de l'histoire est un compromis, un compromis entre l'ancien, qui n'est plus assez fort pour nier complètement le nouveau, et le nouveau pas encore assez fort pour renverser l'ancien. Le marxisme ne renonce pas d'avance aux compromis; le marxisme considère leur usage indispensable; mais ceci n'exclut nullement que le marxisme, en qualité de force vive et agissante de l'histoire, lutte vigoureusement contre les compromis. Celui qui n'est pas capable d'assimiler cette prétendue contradiction, ne connaît pas l' a b c du marxisme.
Engels a exprimé une fois, d'une manière extrêmement claire et concise, l'attitude du marxisme devant les compromis, notamment dans l'article sur le manifeste des blanquistes de la Commune en fuite (1874) [2] où ils écrivaient qu'ils ne toléraient aucun compromis. Engels s'amusa de ce manifeste. Il ne s'agit pas, dit-il, de renoncer à faire usage des compromis auxquels nous condamnent les circonstances (ou auxquels les circonstances nous obligent: je m'excuse auprès du lecteur de devoir citer de mémoire, n'ayant pas la possibilité de consulter le texte). Il s'agit de prendre clairement conscience des véritables buts révolutionnaires du prolétariat et de savoir les poursuivre à travers toutes les circonstances, tous les zigzags et compromis [j].
Ce n'est que de ce point de vue qu'on peut juger de la simplicité, de la rigueur et de la clarté du boycottage en tant que mot d'ordre faisant appel aux masses. Toutes les qualités de ce mot d'ordre que l'on a indiquées ne sont pas bonnes en elles-mêmes, mais seulement dans la mesure où, dans la situation objective à laquelle ce mot d'ordre s'applique, on trouve les conditions d'une lutte pour le choix d'une voie d'évolution directe ou détournée. A l'époque de la Douma de Boulyguine, ce mot d'ordre était le mot d'ordre correct du parti ouvrier, et le seul révolutionnaire, non parce qu'il était le plus simple, le plus droit et le plus clair, mais parce que les circonstances historiques ont alors posé devant le parti ouvrier le problème de sa participation à la lutte pour la voie révolutionnaire simple et directe contre la voie tortueuse de la constitution monarchique.
On se demandera en vertu de quels critères on a décidé qu'on était alors en présence de circonstances historiques particulières ? Quel est le principal indice de cette particularité de l'état de choses objectif qui a fait d'un mot d'ordre simple, droit et clair non une phrase, mais le seul mot d'ordre convenant à une lutte véritable ? C'est ce problème que nous allons maintenant aborder.
Notes de l'auteur
[2] Cet article est paru dans le recueil allemand Internationales aus dem « Volksstaat » (Sur les thèmes internationaux de l'« Etat du Peuple».- N.R.) Trad. russe : Articles du Volksstaat, éd. « Znania ».
Notes de l'éditeur
[d] La Douma de Boulyguine, « institution représentative » à pouvoir consultatif que le gouvernement du tsar promit de réunir en 1905. Le 6 (19) août 1905 étaient publiés un manifeste du tsar, une loi sur l'institution de la Douma d'Etat et un règlement des élections. La Douma fut appelée « Douma de Boulyguine » du nom du ministre de l'Intérieur que le tsar avait chargé de composer un projet d'assemblée. Le droit de vote pour les élections à cette Douma fut seulement accordé aux propriétaires fonciers, aux gros capitalistes et à un petit nombre de paysans propriétaires. Sur les 412 postes de députés prévus par la loi, les paysans n'avaient droit qu'à 51 postes en tout. La majorité de la population - ouvriers, paysans pauvres, ouvriers agricoles, intellectuels démocrates - était privée du droit de vote. Les élections étaient interdites aux femmes, au contingent, aux personnes poursuivant des études, aux personnes âgées de moins de vingt-cinq ans et à une série de nationalités opprimées de la Russie tsariste. La Douma d'Etat n'avait pas le droit de voter les lois, mais seulement de discuter certaines questions en qualité d'organe consultatif auprès du tsar. Lénine écrivit à propos de la Douma de Boulyguine que c'était « se bafouer de la manière la plus éhontée de la « représentation nationale » (Œuvres, Paris Moscou, t. 9, p. 199).
Les bolcheviks appelèrent les ouvriers et les paysans à bovcotter activement la Douma de Boulyguine et concentrèrent toute leur campagne d'agitation autour des mots d'ordre suivants : insurrection armée, armée révolutionnaire, gouvernement révolutionnaire provisoire. Les mencheviks considérèrent qu'il était possible de prendre part aux élections et prirent parti pour la collaboration avec la bourgeoisie libérale.
La campagne de boycottage fut utilisée par les bolchevik pour la mobilisation de toutes les forces révolutionnaires, la tenue de grèves politiques de masse et la préparation de l'insurrection armée. Les élections n'eurent pas lieu et 1e gouvernement ne pût convoquer l'assemblée. La Douma fut balayée par la montée de la révolution et la grève politique générale d'octobre 1905. Sur la question de la Douma de Boulyguine, voir les articles suivants de Lénine : « Le bazar constitutionnel », « Boycottage de la Douma de Boulyguine et insurrection », « Union du tsar avec le peuple et du peuple avec le tsar », « Á la remorque de la bourgeoisie monarchiste ou à la tête du prolétariat révolutionnaire et des paysans », etc. (Œuvres, Paris-Moscou, t. 8, pp. 353-357; t. 9, pp. 181-189, 195-204, 217-229.)
[e] Le 9 janvier 1905 (le « dimanche sanglant ») : ce jour-là, le 9 (22) janvier, le gouvernement fit tirer sur une foule pacifique d'ouvriers pétersbourgeois, qui se dirigeait vers le Palais d'Hiver pour remettre une pétition au tsar.
Ce massacre provoqua l'indignation de tous les travailleurs. Dans le pays tout entier commencèrent des grèves de protestation, avec comme mot d'ordre : « Á bas l'autocratie. » Les événements du 9 janvier marquèrent le début de la révolution de 1905-1907.
[f] Le « Potemkine » (« Prince Potemkine de Tauride »), cuirassé de la flotte russe de la mer Noire qui, entre le 14 et le 24 juin 1905, fut le théâtre d'un important soulèvement révolutionnaire. Ce soulèvement eut une importance politique exceptionnelle: pour la première fois, une action révolutionnaire de masse avait lieu dans l'armée et la flotte, pour la première fois, une unité militaire importante passait du côté de la révolution.
[g] Il est question de la grève politique générale d'octobre 1905 et de l'insurrection armée de décembre à Moscou, points culminants de la révolution de 1905-1907.
[h] La Douma de Witte : I° Douma d'État, convoquée le 27 avril (10 mai) 1906 en vertu du règlement élaboré par S. Witte, président du Conseil des ministres.
La grève générale d'octobre 1905 qui déferla sur tout le pays avait contraint le tsar à publier le 17 octobre un manifeste annonçant la convocation d'une Douma d'Etat nantie de fonctions législatives. Le gouvernement escomptait de la sorte scinder et affaiblir le mouvement révolutionnaire, puis engager le pays dans la voie de la monarchie constitutionnelle. Le 11 (24) décembre 1905, le gouvernement promulgua une loi portant élections à la Douma d'Etat. Les élections eurent lieu en février-mars 1906. Les bolcheviks déclenchèrent une campagne de boycottage de la Douma, ce qui eut pour effet de saper le prestige de la future assemblée et de faire baisser la foi que portait en elle une partie de la population. Il s'avéra cependant impossible de faire avorter les élections. L'échec du boycottage s'explique essentiellement par l'absence d'un élan révolutionnaire de masse qui eût pu empêcher la convocation de la Douma. L'action était rendue d'autant plus difficile que les mencheviks cherchaient à désorganiser le boycottage et que la paysannerie nourrissait de fortes illusions constitutionnelles. Lorsque l'assemblée se réunit, Lénine considéra opportun de l'utiliser pour mener l'agitation et la propagande révolutionnaires et pour la dénoncer comme étant une contrefaçon grossière de la représentation populaire.
Le nombre des députés se montait à 478, dont : cadets, 179; autonomistes, 63; octobristes, 16; sans-parti, 105; troudoviks, 97; social-démocrates, 18. Un tiers des voix appartenait donc 8 aux cadets.
La question n° 1 à la Douma était la question agraire. Deux programmes agraires essentiels furent déposés; le projet de loi des cadets signé par 42 députés et celui des troudoviks, connu sous la dénomination de « projet des 104 ». A l'encontre des troudoviks, les cadets tendaient à maintenir la grosse propriété terrienne, n'admettant l'aliénation contre rachat « à une estimation équitable » que pour des terres que les paysans travaillaient avec leurs propres instruments ou des terres cédées à bail.
La I° Douma d'Etat, malgré sa faiblesse et les demi-mesures qu'elle adopta, ne justifia pas les espoirs que le gouvernement avait placés en elle. Elle fût dissoute le 8 (21) juillet 1906.
[i] L'homme sous cloche de verre, héros d'un récit de Tchékhov qui porte ce titre. Type de petit bourgeois borné qui craint toute innovation et toute initiative.
[j] Voir F. Engels, « La littérature politique des émigrés » (K. Marx et F. Engels, Œuvres, 2° ed. russe, t. 18).