1868-94 |
«Dans tous ces écrits, je ne me qualifie jamais de
social-démocrate, mais de communiste. Pour Marx, comme pour
moi, il est absolument impossible d'employer une expression aussi
élastique pour désigner notre conception propre. » Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec. |
La social-démocratie allemande
Violence et question paysanne
« C'est justement parce que tout marche si brillamment en Allemagne et qu'un petit nombre d'années de développement intérieur sans trouble avec les événements qui s'ensuivront inévitablement devraient nous faire avancer bien davantage encore - c'est justement pour cela que je ne souhaite pas précisément une guerre mondiale - mars l'histoire se fiche bien de tout cela ! Elle poursuit son chemin, et nous devrons la prendre comme elle viendra » (Engels à A. Bebel, 13-14-09-1886).
La publication de lIntroduction originale et complète d'Engels revêt une importance d'autant plus grande qu'en raison de la perfide tactique de la direction du parti social-démocrate, certains communistes eux-mêmes en étaient venus à croire que lIntroduction d'Engels représentait une retraite, tactique du moins, du marxisme révolutionnaire [1].
Évoquons à ce propos le fait suivant : Rosa Luxemburg elle-même a exprimé cette opinion dans le discours programmatique qu'elle a tenu au congrès de fondation du Parti communiste d'Allemagne, le 31 décembre 1918. Après avoir mentionné la fameuse Introduction d'Engels, elle déclara : « Je ne veux pas dire par là qu'Engels à cause de cet écrit s'est rendu complice de tout le cours de l'évolution ultérieure en Allemagne, je dis simplement : c'est là un document rédigé de manière classique pour la conception qui était vivante dans la social-démocratie allemande ou plutôt qui l'a tuée. » A la décharge d'Engels, Rosa Luxemburg cita le fait suivant : « Il faut dire à l'honneur de nos deux grands maîtres, et notamment d'Engels, qui est mort bien plus tard et défendit l'honneur et les conceptions de Marx, qu'il a écrit, comme on le sait, cette Introduction sous la pression directe de la fraction parlementaire sociale-démocrate de l'époque » (cf. le compte rendu du congrès de fondation du PC d'Allemagne). Même si dans la suite de son discours, Rosa Luxembourg a toujours souligné que Marx et Engels n'avaient « jamais dévié au plan des principes » du terrain sur lequel ils se tenaient depuis 1848, cela ne change rien au fait que Rosa Luxembourg elle-même pensait qu'Engels avait opéré un glissement - ce qui laisse à penser que le plein contenu de l'Introduction lui avait été caché, à elle aussi.
En revanche, on est véritablement étonné de retrouver dans une publication récente des éditions du Parti communiste un article de Beer intitulé Krieg und Internationale (Verlag für Literatur und Politik, pp. 48-50) la légende créée par Bernstein, selon laquelle Engels se serait évertué à « réviser, cest-à-dire à liquider la tactique de Marx ». Même s'il ne connaissait pas les, passages éliminés de l'Introduction dEngels, dont Riazanov nous donne ici pour la première fois la liste, il était bien connu que Bernstein avait publié l'Introduction d'Engels de manière tronquée et mutilée. Même sans démonstration « philosophique » de la falsification, il était clair que lIntroduction d'Engels ne visait pas à « liquider la tactique de Marx », mais traitait simplement - comme l'écrivait Rosa Luxemburg - de « la question de la lutte quotidienne de l'époque, et non de la question de la conquête finale du pouvoir politique, ni de l'attitude du prolétariat vis-à-vis de l'État capitaliste lorsqu'il s'empare du pouvoir : il parlait simplement de son attitude dans le cadre de l'État capitaliste de l'époque - ce qui ressort clairement de chaque ligne de l'Introduction ». (Cf. Rosa Luxemburg, Réforme sociale ou révolution, Leipzig, Vulkan - Verlag 1919, p. 46).
On connaît les chaudes discussions soulevées par la fameuse Introduction d'Engels aux « Luttes de classes en France, 1848-1850 » de Marx. Dans son ouvrage Les Prémisses du Socialisme, E. Bernstein a tenté de faire de cette Introduction l'héritage politique d'Engels, dans lequel l'un des fondateurs de « la doctrine la plus révolutionnaire qu'ait vue le XIX° siècle » a renié son passé révolutionnaire et a transmis en message à ses disciples d'éviter par tous les moyens l'erreur commise par Marx et lui.
Kautsky s'est aussitôt élevé, en protestant énergiquement contre une telle falsification des paroles d'Engels. Kautsky admit alors que le véritable texte d'Engels présentait certaines différences par rapport à la version publiée. Si les conceptions révolutionnaires d'Engels n'apparaissent pas avec autant de clarté et de fermeté dans l'Introduction, disent-ils, « la faute en est non chez lui, mais chez les amis allemands qui le pressèrent de supprimer la conclusion parce qu'elle était trop révolutionnaire; Ils pensaient que l'Introduction était de toute façon suffisamment nette. Or, comme la suite l'a montré, ce n'est aucunement le cas ». Sur quoi Kautsky fit la proposition suivante à Bernstein :
« Bernstein possède les manuscrits posthumes de notre maître. S'il s'y trouve également le manuscrit de l'Introduction avec la conclusion éliminée, alors je le mets en demeure de publier cette conclusion qu'Engels n'a écartée que pour des considérations extérieures et non intérieures. Elle démontrera clairement combien peu Bernstein peut en appeler à Engels pour soutenir son point de vue ! » (Cf. Kautsky, Bernstein und die Dialektik, in: Die Neue Zeit. XVII 2, pp. 46-47).
Bernstein n'a pas réagi à cette mise en demeure, non certes parce qu'il ne pouvait trouver l'original de lIntroduction ! Il n'en continua pas moins à répéter obstinément dans toutes les rééditions ultérieures de son ouvrage, comme dans ses articles, qu'il ne faisait rien d'autre que d'exécuter fidèlement le testament d'Engels.
Il ne restait donc plus rien d'autre à faire que d'en référer au témoignage d'Engels lui-même. Il en ressort que, de son vivant même, celui-ci avait protesté avec la plus grande énergie contre l'interprétation révisionniste de son Introduction.
Ainsi Lafargue publia le passage suivant de la lettre qu'Engels lui avait adressée le 3 avril 1895 :
« Liebknecht vient de me jouer un joli tour. Il a pris de mon Introduction aux articles de Marx sur les Luttes de classes en France de 1848-1850 tout ce qui a pu lui servir pour soutenir la tactique, à tout prix paisible et antiviolente, qu'il lui plaît de prêcher depuis quelque temps, surtout en ce moment où on prépare des lois coercitives à Berlin [2]. Mais cette tactique, je ne la prêche que pour l'Allemagne d'aujourd'hui, et encore sous bonne réserve Pour la France, la Belgique, l'Italie, l'Autriche, cette tactique ne saurait être suivie dans son ensemble, et pour l'Allemagne elle pourra devenir inapplicable demain. »
Une autre preuve qu'Engels n'était pas très édifié par l'emploi que l'on avait fait de son Introduction, nous la trouvons dans l'article de Kautsky qu'il reproduisit plus tard dans son ouvrage sur la Voie au pouvoir [3].
Kautsky avait demandé à Engels l'autorisation de publier son Introduction dans la Neue Zeit, encore avant sa publication à part. Engels lui répondit qu'il acceptait cette proposition « avec plaisir » et soulignait : « Mon texte a quelque peu souffert en raison du projet de loi contre la sédition, nos amis berlinois ayant manifesté leurs alarmes et leurs craintes, dont j'ai été bien obligé de tenir compte dans les circonstances données. »
Le projet de loi de la nouvelle loi anti-socialiste - ce que l'on appelle le projet anti-séditieux - fut présenté au Reichstag le 5 décembre 1894 et fut renvoyé, le 14 janvier 1895 à une Commission qui en délibéra le 25 avril. la situation était extrêmement sérieuse - ce qui seul explique qu'Engels ait donné son accord à une édulcoration de certaines de ses formulations.
« Mais - écrit Kautsky - lorsque le Vorwärts, dans l'intention certes d'influencer favorablement les décisions de la Commission délibérative, publia un choix d'extraits de lIntroduction susceptible d'éveiller l'impression que, recherchaient les futurs révisionnistes, alors Engels laissa exploser sa colère. Il écrivit à Kautsky dans une lettre du 1er avril :
« A mon grand étonnement, je vois aujourd'hui que l'on a publié sans m'en avertir dans le Vorwärts des extraits de mon Introduction et qu'on les a combinés de telle façon que j'apparais comme un adorateur pacifiste de la légalité à tout prix. Je souhaite d'autant plus vivement que lIntroduction paraisse sans coupures dans la Neue Zeit, afin que cette impression ignominieuse soit effacée. Je ferai part avec la plus grande fermeté de mon sentiment à Liebknecht [4] et aussi à ceux qui, quels qu'ils soient, qui lui ont fourni l'occasion de déformer l'expression de ma pensée. »
Or voici que trente ans se sont écoulés et lIntroduction aux Luttes de classes en France est toujours publiée, en dépit de la révolution de novembre 1918, dans sa version tronquée. Qui, plus est, dans son « édition nouvelle, améliorée et élargie » de ses « Prémisses du socialisme » (Stuttgart, Dietz 1920, p. 49-59), Bernstein continue de répéter, sans rien y changer, ses mensonges sur le changement de conception d'Engels.
Ainsi donc, il n'a pas encore réussi à retrouver le manuscrit d'Engels. Par bonheur, je l'ai découvert parmi les papiers que Bernstein a transmis il y a quelques jours aux Archives de la social-démocratie allemande. Je suis donc enfin en mesure de citer tous les passages éliminés sous la pression de la direction du parti social démocrate allemand en 1895.
La comparaison entre le texte original et le texte publié montre que Kautsky lui-même s'est trompé lorsqu'il pensait que la fin uniquement avait souffert. En réalité, la plume du censeur a pesamment sévi, notamment dans les cinq dernières pages de lIntroduction.
Prenons maintenant l'édition de 1911 qui est encore accessible aujourd'hui et qui est pourvue d'une présentation de Bebel qui - soit dit en passant - élude complètement la question concernant les altérations apportées à lIntroduction d'Engels et comparons ce texte avec l'original. Nous constatons qu'abstraction faite de quelques différences négligeables de style, il n'y a pas de différences appréciables dans les dix-huit premières pages. Cependant il en va autrement à partir de la dix-huitième.
Afin de ne pas reproduire toute lIntroduction, nous citerons ici, par paragraphe, les passages modifiés par rapport à l'original, et nous nous bornerons à mettre en italique les passages éliminés :
Page 18 de l'édition allemande, nous lisons :
« Même à l'époque classique des combats de rue, la barricade avait donc un effet plus moral que matériel. C'était un moyen d'ébranler la fermeté de la troupe. Tenait-elle jusqu'à ce que celle-ci flanche, alors la victoire était acquise; sinon on était battu. Tel est le point principal qu'il faut avoir à l'esprit lorsqu'on examine les chances de futurs combats de rue. » [Cf. aussi Éditions Sociales. 1948, pp. 32-33].
Il ne s'agit donc pas d'une renonciation aux combats de rue, ni même aux barricades, mais uniquement d'un examen plus rigoureux des chances de ceux-ci.
Après qu'Engels ait démontré par la suite que les conditions du combat de rue s'étaient considérablement modifiées depuis 1849 tant pour le peuple que pour l'armée, il conclut ce paragraphe par les mots suivants dans le texte publié (p. 19 de l'édition allemande de 1911) :
« Et enfin les quartiers édifiés depuis 1848 dans les grandes villes ont des rues longues, droites et larges - comme s'ils étaient construits en fonction de l'effet des nouveaux canons et des nouveaux fusils. Il serait insensé le révolutionnaire qui choisirait directement les nouveaux quartiers ouvriers du nord et de l'est de Berlin pour un combat de barricades. »
Cependant le journaliste précautionneux barrèrent la conclusion de ce paragraphe :
« Cela signifie-t-il qu'à l'avenir le combat de rue ne jouera plus aucun rôle ? Pas du tout. Cela vaut dire seulement que les conditions depuis 1848 sont, devenues beaucoup moins favorables pour les combattants civils, et beaucoup plus favorables pour l'armée [5]. À l'avenir un combat de rues ne peut donc être victorieux que si cet état d'infériorité est compensé par d'autres facteurs. Aussi, l'entreprendra-t-on plus rarement au début d'une grande révolution qu'au cours du développement de celle-ci, et il faudra le soutenir avec des forces plus grandes. Mais alors celles-ci, comme dans toute la grande révolution française, le 4 septembre et le 31 octobre 1870 à Paris, préfèreront « sans doute l'attaque ouverte à la tactique passive de la barricade. » [Cf. ibid. p. 34].
Ces phrases d'Engels sont une véritable prophétie de l'expérience de là révolution d'Octobre ! Évoquons ici qu'Engels avait écrit dès 1854 dans l'un de ses articles rédigés pour la New York - Tribune sur l'insurrection espagnole de cette année :
« Deuxièmement, nous avions le spectacle d'une bataille de barricades victorieuse. Partout où depuis Juin 1848 on a édifié les barricades, elles se sont avérées jusqu'ici comme inefficaces. Des barricades, la forme de résistance de la population d'une grande ville contre la troupe, semblaient dénuées de toute efficacité. Cette idée pessimiste est réfutée. Nous avons vu de nouveau des barricades victorieuses, inattaquables. La malédiction est levée ! »
Les passages entre crochets manquent dans un paragraphe de la page 20 : « Dans les pays latins aussi on comprend de plus en plus qu'il faut réviser l'ancienne tactique. [Partout, le déclenchement sans préparation de l'attaque passe au second plan] partout on a imité l'exemple allemand de l'utilisation du droit de vote, de la conquête de tous les postes qui nous sont accessibles [sauf si les gouvernements nous provoquent ouvertement à la lutte] .» [Ibid, p. 35.]
Page 21, Engels avait lui-même ajouté le passage suivant sur les épreuves :
« Dès aujourd'hui nous pouvons compter sur deux millions et quart d'électeurs. Si cela continue de la sorte, nous conquerrons d'ici la fin du siècle la plus grande partie des couches moyennes de la société, petits bourgeois ainsi que petits paysans, et nous grandirons jusqu'à devenir la puissance décisive du pays, devant laquelle il faudra que s'inclinent toutes les autres puissances, qu'elles le veuillent ou non. »
Engels poursuivait par la phrase suivante, dont nous mettons en italiques les mots éliminés :
« Maintenir sans cesse cet accroissement, jusqu'à ce que de lui-même il devienne plus fort que le système gouvernemental au pouvoir, en ne laissant pas perdre dans des combats d'avant-garde ce groupe de choc qui se renforce journellement, mais en le gardant intact jusqu'au jour décisif - telle est notre tâche principale. » [Ibid., p. 361.
Dans la même page, là où Engels parle de la possibilité de représailles sanglantes de la part des classes dominantes, la remarque suivante est rayée de la dernière phrase :
« Rayer à coups de fusil de la surface du globe un parti qui se compte par millions, tous les fusils à magasin d'Europe et d'Amérique n'y suffisent pas. Mais le développement normal serait paralysé, le groupe de choc ne serait peut-être pas disponible au moment critique [Engels avait pourtant accepté à la demande des sociaux-démocrates de substituer décisif à cet adjectif N. de R.], la décision [le combat décisif chez Engels] serait retardée, prolongée et s'accompagnerait de sacrifices plus lourds. »
Même si l'on admet qu'Engels lui-même ait « accepté » les modifications mentionnées ci-dessus, l'élimination du passage suivant de la page 22 est indubitablement l'uvre de la censure du parti.
Après avoir invité les réactionnaires prussiens à « siffler », il poursuit :
« Mais n'oubliez pas que l'Empire allemand, comme tous les petits États et, en général, tous les États modernes, est le produit d'un pacte, d'abord entre les princes, ensuite des princes avec le peuple. Si l'une des parties brise le pacte, tout le pacte tombe - et alors l'autre partie n'est plus liée non plus, comme Bismarck nous a si bien donné l'exemple en 1866. Si donc vous brisez la Constitution impériale, la social-démocratie est libre, libre de faire ce qu'elle veut à votre égard. Mais ce qu'elle fera ensuite, elle se gardera bien de vous le dire aujourd'hui. » [Ibid., p. 37].
Même une tournure aussi ésopéenne semble trop violente au Comité central du parti !
Nous voyons par là qu'Engels avait toutes les raisons d'être indigné lorsqu'on se référait à son Introduction aux « Luttes de classes en France » - cest-à-dire à l'ouvrage de Marx précisément, qui fournit la démonstration la plus éclatante de la nécessité de la dictature du prolétariat - pour tenter de le stigmatiser comme un « adorateur pacifique de la légalité à tout prix ». Le comble, c'est que ceux de ses amis qui ont truqué le jeu avec de fausses cartes se permettent la même accusation !
Notes
[1]
Nous reproduisons ci - après la présentation de
Riazanov au texte publié pour la première fois de
manière COMPLÈTE dans Unter dem Banner des
Marxismus, I, 1925. Cette introduction fut tronquée
et déformée par les dirigeants de la social-démocratie
allemande pour justifier leur politique réformiste et
opportuniste qui les conduisit à la trahison de 1914, à
l'heure de la crise décisive. Comme l'indique Riazanov, ce
texte incomplet permit de tromper même des marxistes
révolutionnaires - d'hier et d'aujourd'hui - d'autant qu'il
s'agit du dernier grand écrit d'Engels avant sa mort, celui
que l'on a souvent considéré comme une sorte de
testament politique - procédé stupide s'il en est pour
le marxisme, dont la vertu essentielle est précisément
la continuité et la cohérence de toutes les positions.
Une petite anecdote à propos des
faussaires : un vieux juge, plein de sordides expériences de
sa profession d'hypocrite, se plaisait à dire à ses
collègues avocats : votre client doit mentir et nier, même
si la couleuvre lui sort encore de la bouche - cela fait toujours un
effet sur les jurés. Combien d'Hymalaya de mensonges pèsent
sur les consciences prolétariennes !
[2]
La politique anti-socialiste de Guillaume Il ne fut qu'une parodie
de celle de Bismarck (il n'en avait pas le pouvoir, ni même ne
passa aux actes), mais la menace réussit, là où
Bismarck ne réussit pas : dépouiller durablement la
social-démocratie allemande de son caractère
révolutionnaire, malgré les conseils d'Engels.
Le 26 octobre 1894, le chancelier Leo von
Caprivi fut remercié, parce qu'il n'était pas d'accord
avec l'Empereur sur les méthodes à prévoir pour
réprimer la social-démocratie. Le prince zu Hohenlohe
- Schdlingsfürst lui succéda.
Le 6 décembre 1894, le nouveau
gouvernement déposa au Reichstag le projet de loi contre la
subversion (Umsturzvorlage), appelé officiellement projet de
loi relatif aux modifications et compléments de la
législation pénale, du code pénal militaire et
de la loi sur la presse. D'après cette loi, des tendances
subversives, même sans commencement de réalisation,
étaient punissables de bagne. De prétendues attaques
contre la religion, la monarchie, le mariage, la famille ou la
propriété pouvaient entraîner des peines de
prison allant jusqu'à deux ans. L'Empereur, grâce à
l'extension de la loi à la religion, les bonnes murs,
etc. (chères aux catholiques militants de l'anticommunisme)
parvint à rallier à son projet une bonne partie des
députés du Centre. Entre la première discussion
de la loi au Reichstag, en décembre 1894 et en janvier 1895,
et la seconde discussion en mai 1895, la Commission sous l'impulsion
décisive du Centre - Victor Rintelen et Peter Spahn - élargit
la loi par une autre qui protégeait la morale et la religion.
Les derniers écrits d'Engels furent
rédigés sous la menace de ce projet de loi qui resta
longtemps en discussion, la majorité des partis bourgeois ne
pouvant se résoudre finalement à le voter : le 11 mai
1895, le Reichstag rejeta définitivement le projet de loi en
seconde lecture.
[3]
Ce livre est généralement considéré
comme le dernier qui fut marxiste orthodoxe de Kautsky. Il a été
traduit en français et publié aux Éditions
Anthropos.
Riazanov fait allusion à l'article,
inclus dans la Voie au pouvoir et intitulé Quelques
remarques sur Marx et Engels, qui avait été
publié d'abord dans la Neue Zeit, XXVII, vol.
1, 2 octobre 1908.
[4] Les éditeurs de l'Institut Marx-Engels, etc. de Moscou déclarent qu'on ne dispose pas de la correspondance, de Liebknecht de toute cette période, où il a joué précisément un rôle de tout premier plan (Marx-Engels Werke 37, note no 196, p. 569).
[5]
Aux yeux du marxiste, la question de la violence ne saurait donc se
limiter dans la société capitaliste - qui s'organise
de plus en plus - à des actes de violence spontanés :
« La violence est militaire dans ses aspects les plus
exacerbés, les plus systématiques, les plus concentrés
et les plus rebutants - lorsque les États bourgeois entre eux
se font la guerre sur le dos du prolétariat; lorsque les
ouvriers se heurtent aux forces de la police organisées et à
la troupe, lorsque le prolétariat, à son tour, s'érige
en classe dominante en forgeant l'État de la dictature, et
organise alors militairement ses forces pour lutter contre l'ennemi
intérieur aussi bien qu'extérieur, qui s'appuie sur
les États militaires contre-révolutionnaires. Il faut
concevoir d'emblée la violence dans un sens assez large pour
englober aussi bien les actions individuelles de représailles
que l'organisation de l'armée rouge. » (Cf. Le Fil
du Temps n° 10 sur Le Marxisme et la question
militaire, p. 5.)
Faire de Marx-Engels des pacifistes
signifie mettre sous le boisseau toute leur uvre et
particulièrement leurs textes militaires qui forment un
bon quart de leurs écrits, cf. Marx-Engels, Écrits
militaires (Col. Théorie et Stratégie,
Éditions 1 de l'Herne, Paris, 1970, 661 p.), notamment
l'Introduction, pp. 7-14.