1893 |
Les oeuvres complètes de Rosa Luxemburg en allemand s’ouvrent sur son Rapport au 3e congrès de l’Internationale socialiste. |
Alors que nous commençons la publication de "Sprawa Robotnicza" ("La cause ouvrière"), nous aimerions commencer par expliquer à nos lecteurs le but de ce journal. Nous estimons également nécessaire d’attirer l’attention sur le lien étroit, direct entre notre journal et le mouvement social-démocrate qui s’est développé dans notre pays au cours des 4 dernières années.
Notre social-démocratie a été la première à mettre en pratique les principes du socialisme scientifique. En même temps, elle a constamment tenu compte des conditions économiques et politiques de notre pays.
Le slogan de la social-démocratie internationale : La libération des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, a été appliqué à chaque instant de la lutte. Cela a complètement changé la physionomie de notre mouvement ouvrier. La création d’une conscience parmi les masses ouvrières a été placée au premier plan. Parallèlement à la lutte pour limiter l’exploitation et gagner la liberté politique, des efforts ont été faits pour expliquer aux masses les buts ultimes du mouvement ouvrier (la nécessité historique d’un bouleversement socialiste).
Alors qu’auparavant l’activité principale, et souvent le mouvement tout entier, se limitait au développement d’individus et de cercles séparés, détachés des masses, maintenant le centre de tous les efforts est dirigé vers le développement de la conscience de classe parmi les masses ouvrières.
En conséquence, une vaste agitation s’est développée parmi les travailleurs sur la base des intérêts quotidiens du prolétariat ; agitation en faveur de l’augmentation des salaires, de la réduction de la journée de travail, etc. Des fonds de résistance ont été créés, des organisations professionnelles, le nombre de grèves a augmenté. En un mot, la lutte économique a éclaté tout azimut.
Avec le temps, cette lutte a dû prendre un caractère politique, le slogan de l’agitation étant devenu celui des intérêts communs à tous les travailleurs polonais. C’est ce qui s’est passé lors des manifestations du 1er mai, lorsque le slogan des 8 heures de travail et de la liberté politique a attiré des milliers de nos prolétaires...
Après 4 ans, le mouvement social-démocrate a réussi à s’enraciner profondément dans la classe ouvrière polonaise. La conscience des intérêts, la conviction qu’il faut lutter pour limiter l’exploitation, la nécessité des organisations ouvrières, ont pénétré les larges masses. Pendant la fête du 1er mai, des milliers de travailleurs ont été animés par une seule pensée, enflammés par un seul sentiment et unis sous la bannière internationale du prolétariat,
Les quatre dernières années ont montré à quel point la classe ouvrière polonaise est capable d’embrasser les idées de la social-démocratie et de devenir une puissance sociale de premier plan. Mais le développement de notre mouvement ouvrier a créé de nouveaux besoins en rapport avec son nouvel état.
L’un de ces besoins, le plus important, est la formation - en liaison avec l’agitation de masse - d'une intelligentsia ouvrière. Face au vaste mouvement ouvrier d’aujourd’hui, cette intelligentsia doit constituer l’avant-garde des masses laborieuses et être leur guide à chaque instant de la lutte.
En outre, il est de la plus haute importance qu’à travers les tâches et les objectifs des différents groupes ouvriers, des luttes quotidiennes, les tâches générales de notre mouvement ouvrier soient mises en avant, étendant ainsi la sphère de l’agitation politique.
Le but de notre publication est de satisfaire, au moins en partie, les besoins ci-dessus. C’est pourquoi nous désignons notre périodique pour les couches de la classe ouvrière qui se situent au-dessus des autres sur le plan intellectuel et qui sont capables de répondre aux tâches de l’intelligentsia ouvrière.
Tout ce que nous avons dit ci-dessus sur notre mouvement social-démocrate définit également le caractère et la direction de notre organe - en tant qu’expression de ce mouvement.
Quant au contenu du document, il comprendra :
1. une critique du capitalisme et la définition et l’éclairage des tâches générales du mouvement ouvrier international,
2. une critique de toutes les principales manifestations de la vie sociale, dans la mesure où elles concernent la classe ouvrière, et des faits actuels, principalement du pays et aussi de la Russie ; une formulation des tâches spéciales de notre mouvement ouvrier : la nécessité de gagner la liberté politique et l’essence des prochaines réformes économiques que les travailleurs doivent exiger afin de limiter l’exploitation ; une explication de la solidarité des intérêts du prolétariat polonais et russe dans la lutte contre l’absolutisme.
3. des nouvelles de l’histoire et de l’état actuel des affaires et des [actes] plus importants du mouvement ouvrier à l’étranger,
En réalisant de notre mieux le programme ci-dessus, nous espérons satisfaire au moins en partie les besoins de notre mouvement et, par le biais de "Sprawa Robotnicza", donner à nos agitateurs une arme littéraire, indispensable dans une large activité social-démocrate.