1921 |
Source : Le bulletin communiste, numéro 32 (deuxième année), 4 août 1921. La deuxième conférence internationale des femmes communistes s'est tenue à Moscou du 9 au 14 juin 1921, immédiatement avant le troisième congrès de l'Internationale Communiste. |
Appel aux travailleuses de tous les pays
Juin 1921
Sœurs ! Les 82 déléguées qui, venant de vingt-huit pays différents, jusque de l'Asie extrême-orientale, se sont rassemblées en juin 1921 à la 2e Conférence Internationale des Femmes communistes, vous envoient un salut cordial. Nous avons vu de nos propres yeux la République ouvrière et paysanne russe. Nous avons vu comment on y vit. Nous avons conçu toute la difficulté de la lutte révolutionnaire que le peuple travailleur de la Russie Soviétiste doit livrer pour la défense de sa liberté et de sa vie. Notre admiration est sans bornes devant la somme gigantesque de travail édificateur fourni par lui. Ce travail accorde une attention particulière, entre autres objets, au bien-être de la mère et de l'enfant.
Nous avons vu dans les bois qui entourent Moscou les somptueuses villas des riches transformées maintenant en crèches d'enfants dans lesquelles les enfants des travailleurs, heureux et bien portants, vaquent en toute confiance à leurs jeux et à leurs études. Nous avons visité des dispensaires, des maisons pour les mères, des maisons de repos et de convalescence pour les ouvriers, des maisons d'éducation et d'autres établissements institués dans les palais de ci-devant nobles et dans les demeures luxueuses de la riche bourgeoisie qui exploitait les travailleurs jusqu'au jour où les prolétaires eurent saisi le pouvoir dans leurs mains. Nous avons assisté aux séances des conseils dans lesquels les femmes et les hommes sont à voix égales et prennent une part identique au gouvernement du pays. Et ce ne sont là que quelques-unes des réalisations que la révolution prolétarienne a apportées en Russie aux travailleuses.
Ouvrières, nos sœurs ! Dans les pays capitalistes, nous continuons à être opprimées par la bourgeoisie. Nous ne mangeons pas à notre faim, cependant que les patrons s'engraissent de notre travail. Nos salaires et nos gages nous sont diminués pour que leur profit à eux puisse augmenter. Nous vivons entassées dans des taudis lamentables, tandis qu'ils habitent de vastes et belles maisons. Nos maris et nos fils sont astreints à se battre contre leurs frères étrangers pour que les capitalistes puissent empocher un surplus de bénéfices : on les oblige à fusiller leurs parents, quand cela est nécessaire, pour défendre le coffre-fort et la domination des capitalistes. Nous tremblons chaque jour devant la menace du chômage qui signifierait pour nous et pour nos enfants la mort par la famine. Et toutes ces souffrances ne mènent à rien. Aucune lumière n'apparaît pour nous au firmament de l'avenir. Et il en sera pour nos enfants comme il en a été pour nous. A cela, un seul remède : il faut que nous suivions l'exemple de nos frères et de nos sœurs russes, en secouant le joug de nos oppresseurs et de nos exploiteurs, en faisant la révolution sociale.
Nous devons marcher sur les traces du prolétariat russe. Naturellement, leur travail d'édification en vue du régime nouveau est encore chaussé, si l'on peut dire, de souliers d'enfants ; mais cela ne l'empêche pas d'avancer. Il est vrai aussi que nous avons vu chez eux des nécessiteux et des affamés. Comment pourrait-il en être autrement après sept ans de guerre, après le blocus dont la Russie Soviétiste a été la victime de la part des Etats capitalistes, après la ruine économique laissée en héritage par le tsarisme et le capitalisme. Les souffrances des prolétaires russes cesseront d'autant plus vite que les exploités et les opprimés des pays capitalistes en auront fini avec leurs maîtres et leurs bourreaux. Malgré toutes leurs épreuves, les prolétaires russes tiennent fermement pour la révolution et pour le régime soviétiste. Sous l'ancien régime, ils souffraient la famine, ils étaient réduits au rôle d'esclaves. Maintenant, ils sont libres et ils le sentent bien. Jamais, jamais plus ils ne retourneront courber leurs cous sous le joug d'antan. Ils souffrent, parce que leur souffrance est le prix de leur liberté. Ils crient aux exploités et aux opprimés du monde entier : suivez nous ! Luttez ! Vous aussi vous devez être libres !!!
Travailleuses de tous les pays ! Les ouvriers russes nous ont montré la voie qui mène au communisme libérateur. Nous ne devons pas rester plus longtemps en arrière ; nous aussi nous devons conquérir notre liberté. Et il n'y a qu'une seule voie qui mène à la liberté. Ce n'est pas la voie adoptée par les gens qui espèrent une reconstitution de la société bourgeoisie et entrent en rapports avec elle. Seules la révolution prolétarienne et la dictature du prolétariat peuvent mettre fin à un régime qui suce notre sang et qui nous subjugue. Nous ne devons pas avoir peur des sacrifices que la lutte pourra nous coûter. Ils sont en tout cas inférieurs à la somme de ceux que nous apportons chaque jour inutilement. Nos sacrifices à la révolution donneront le bonheur à nos pays et aux générations futures. Seule la lutte décidée et courageuse sous les plis du drapeau rouge révolutionnaire de l'Internationale Communiste peut accélérer la débâcle de l'ignoble domination de la classe bourgeoisie ; seule cette lutte peut faire sonner l'heure de la délivrance, l'heure du triomphe des exploités et des opprimés de tous les pays.
Vive la lutte révolutionnaire de tous les producteurs exploités et opprimés du monde entier, la lutte révolutionnaire pour l'avènement de la dictature prolétarienne !
Vive la terre promise au prolétariat mondial : la Russie Soviétiste !
Vive la 3e Internationale, l'Internationale de la lutte et de l'action !
Le Secrétariat International Féminin : Clara Zetkin, Alexandra Kollontaï, Henriette Roland-Holst ; Hertha Sturm1, Allemagne ; Paulina Vinogradskaïa2, Russie ; Rita Maierotti3, Italie ; Lucie Colliard4, France ; Rosa Bloch5, Suisse ; Nora Smith, Angleterre ; Ruth Emmons, Amérique ; Hilde Wertheim, Autriche ; Anna Anna Křenová, Tchécoslovaquie ; Tcheritch, Hongrie ; Anna Maïmounkova6, Bulgarie ; Milkitch, Yougoslavie ; Anna Bodulescu7, Roumanie ; Gerda Linderot8, Suède ; Jeanette Olsen9, Norvège ; Kniskinen, Finlande ; Walda, Hollande ; Marie Reisser, Biélorussie ; Schillevka, Lituanie ; Janess, Estonie ; Nasarbekova, Arménie ; Tsulukidze, Géorgie ; Moussabekova, Azerbaïdjan ; Nam Mattchum, Corée ; Deevad Zade, Perse.
Notes
1 Pseudonyme d'Elena Stassova.
2 Paulina Semienovna Vinogradskaïa (1896-1979), bolchevik en mars 1917, secrétaire du comité militaire-révolutionnaire de Moscou durant les journées d'Octobre, puis travaille avec le soviet de Moscou. Ensuite à l'institut des professeurs rouges, et directrice de cabinet à l'Institut Marx et Engels. A écrit plusieurs ouvrages dont un Jenny Marx.
3 Rita Maierotti (1876-1960).
4 Lucie Parmelan dite Lucie Colliard (1877-1961), elle devint par la suite proche de l'opposition trotskyste, puis rentre au PSOP Marceau Pivert. Entre 1945 et 1958 au Parti Socialiste.
5 Rosa Bloch-Bollag (1880-1922).
6 Anna Maïmounkova (1878-1925).
7 Pseudonyme de Clara Moscu.
8 Gerda Linderot, née Rasmussen (1891-1957).
9 Jeanette Olsen (1873-1959), plus tard trotskyste.