1919 |
Un ouvrage qui servira de manuel de base aux militants communistes durant les années de formation des sections de l'Internationale Communiste. |
L'ABC du communisme
Le communisme et la dictature du prolétariat
Le prolétariat réalise sa dictature par la conquête du pouvoir politique. Mais quest-ce que la conquête du pouvoir ? Beaucoup de gens croient quil est aussi simple darracher le pouvoir à la bourgeoisie que de faire passer une balle dune poche dans une autre.
Cette manière de voir est tout à fait fausse, et avec un peu de réflexion, nous verrons où se trouve lerreur.
LEtat est une organisation. LEtat bourgeois est une organisation bourgeoise dans laquelle des rôles déterminés sont affectés aux hommes : des généraux, pris parmi les riches, sont à la tête de larmée, des ministres, riches également, à la tête de ladministration, etc. Lorsque le prolétariat lutte pour le pouvoir, contre qui lutte-t-il ? Avant tout, contre cette organisation bourgeoise. Mais sil lutte contre elle, sa tâche est de lui porter des coups, de la détruire. Et comme la force principale de lEtat consiste dans son armée, il faut avant tout, pour vaincre la bourgeoisie, miner et détruire larmée bourgeoise. Les communistes allemands ne peuvent renverser Scheidemann et Noske sans détruire au préalable leur garde blanche. Tant que larmée de ladversaire reste intacte, la révolution ne peut vaincre; si la révolution est victorieuse, larmée de la bourgeoisie se décompose et seffrite. Cest pourquoi, par exemple, la victoire sur le tsarisme nétait quune destruction partielle de lEtat tsariste, une décomposition partielle de larmée; seule la victoire de la révolution dOctobre acheva la destruction de lappareil dEtat du Gouvernement provisoire et la dissolution de larmée de Kerensky.
Ainsi, la révolution détruit le pouvoir ancien et crée un pouvoir nouveau. Il est évident que dans ce nouveau pouvoir entrent certains éléments essentiels de lancien, mais ils y trouvent une autre utilisation. La conquête du pouvoir dEtat nest donc pas la conquête de lancienne organisation, mais la création dune organisation nouvelle : lorganisation de la classe qui a vaincu dans la lutte.
Cette question a une valeur pratique énorme. On reproche, par exemple, aux bolcheviks allemands (comme autrefois aux bolcheviks russes) de décomposer larmée et de favoriser lindiscipline, la désobéissance aux généraux, etc. Cette accusation paraissait et paraît encore grave à beaucoup de gens. Et pourtant elle na rien de si effrayant. Une armée qui marche contre les ouvriers sur lordre de généraux et de bourgeois, qui sont pourtant nos compatriotes, cette armée, il faut la détruire, sinon la révolution est morte. Nous navons rien à craindre de cette destruction de larmée bourgeoise, et cest un mérite pour un révolutionnaire de détruire lappareil dEtat de la bourgeoisie. Là où la discipline bourgeoise nest pas rompue, la bourgeoisie est invincible. On ne peut désirer la soumettre et, en même temps, craindre de lui faire du mal.