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Ecrivain français. Certains de ses romans firent scandale,
notamment La Garçonne.
4 avril (...) J'ai lu hier le roman de Victor
Margueritte, " Le Compagnon ". Ecrivain tout à fait faible : dans
sa prose banale on ne sent en rien la grande école du roman
français. La tendance radicale est superficielle et sentimentale.
Ce radicalisme – à base de féminisme – n'avait peut-être pas
mauvaise allure à l'époque de Louis-Philippe. Aujourd'hui il
paraît on ne peut plus éventé. Quant à l'érotisme du roman, il a
un relent de procès-verbal de police.
5 avril
Tout de même, le roman de Margueritte jette une lumière sur les
rapports personnels et familiaux dans certains milieux, et non des
pires, de la bourgeoisie française. Le " héros " du roman est un
socialiste. L'auteur reproche à son héros son attitude "
bourgeoise " envers la femme, il serait plus juste de dire son
attitude de maître envers une esclave. La polémique ouverte dans
le Populaire, sur le point de savoir s'il faut ou non donner le
droit de vote aux femmes, montre effectivement que même dans les
rangs des socialistes règne cette ignoble attitude esclavagiste à
l'égard de la femme, qui imprègne la législation et les moeurs du
pays. Mais même les tendances libératrices de Margueritte ne vont
pas, en fait, au-delà du droit de la femme à avoir son propre
carnet de chèques. S'il y a, dans notre inculture russe, beaucoup
de barbarie, et même de zoologie, il y a aussi dans les vieilles
cultures bourgeoises d'effrayantes couches de petitesse d'esprit
pétrifiée, de cruauté cristallisée, de cynisme repoli... Quels
formidables bouleversements, quelles transformations, que
d'efforts il faudra encore pour que l'homme moyen, en tant
qu'individu, s'élève à un plus haut niveau !
Léon Trotsky, Journal
d'Exil, 1935
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