1950 |
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9 février 1950
Après la démission des ministres socialistes
Le refus de Bidault d'accepter le misérable compromis demandé par ses ministres socialistes au sujet de la nouvelle prime de 3.000 frs. et d'éviter ainsi leur démission, est une preuve décisive que les grands capitalistes entendent poursuivre jusqu'au bout leur offensive contre la classe ouvrière. Alors que toutes les organisations syndicales exigent 3.000 frs. par mois et pour tous, en attendant le vote des conventions collectives, et que le voeu voté par la majorité des députés sur proposition des socialistes prévoyait son attribution à tous les salaires inférieurs à 17.000 frs. avec une prime dégressive entre 17.000 et 20.000 frs., les "socialistes" avaient accepté de réduire l'attribution de la prime aux salariés gagnant au maximum 15.000 francs.
Mais même cela Bidault l'a refusé. Il est contraint par le mécontentement général et la pression ouvrière de "faire quelque chose" ; mais en fixant à 14.000 frs. le salaire maximum donnant droit aux 3.000 frs., en excluant les fonctionnaires, et en permettant aux patrons d'étaler le paiement de la prime sur trois mois, il lui a donné un caractère d'aumône, de miette jetée aux plus misérables des salariés, de façon qu'en aucun cas elle ne puisse être invoquée pour une augmentation ultérieure générale des salaires.
Et c'est cela que Moch et Cie ont prétendu être inacceptable pour eux qui "n'ont cessé de mener la bataille pour la revalorisation du pouvoir d'achat de tous les travailleurs". C'est cela qui aurait déterminé leur démission.
Par cette affirmation, les dirigeants socialistes veulent faire oublier aux travailleurs qu'ils avaient accepté de bonne grâce au mois de novembre que la prime de 3.000 fr. soit accordée seulement aux salariés gagnant moins de 12.OOO francs par mois !
Les travailleurs étaient-ils plus riches à l'époque que maintenant ? Ce fait réduit à néant l'explication des socialistes démissionnaires. D'autre part, les chefs socialistes ne prétendent-ils pas être entièrement d'accord avec la politique de Bidault et ne continuent-ils pas à soutenir cette politique ? Or, n'est-ce pas cette politique réactionnaire de guerre coloniale, de préparation à la troisième guerre mondiale, de sauvegarde des intérêts capitalistes (que M. Moch a si bien défendue en étouffant les grèves par la force), qui abaisse constamment le pouvoir d'achat des travailleurs ? Comment lutter contre l'effet si l'on soutient la cause ?
C'est donc plutôt cette phrase de R. Verdier dans Le Populaire du 6-2 qui explique la véritable raison de la démission des ministres socialistes : les socialistes, dit-il, "se refusent à s'associer à une politique économique et sociale qui, en décourageant la classe ouvrière, risque précisément de faire le jeu du P.C." N'est-ce pas là l'aveu que la démission des ministres socialistes a été provoquée par le mécontentement grandissant des travailleurs socialistes et par la crainte que ceux-ci ne s'orientent vers le parti stalinien – de même que celui-ci, en mai 1947, a dû démissionner pour ne pas être dépassé, pour les mêmes raisons, par les trotskystes ?
Il y a quelques mois, les leaders socialistes et leurs confrères de F.O. s'étaient imaginé que leur geste en faveur de la grève générale du 25 novembre suffirait à contraindre les capitalistes aux marchandages et petites concessions qui les feraient apparaître comme des défenseurs réalistes et fidèles des revendications ouvrières et comme n'hésitant pas, quand la situation l'exige, devant des moyens de lutte énergiques. Le malheur des dirigeants socialistes, c'est que la situation actuelle ne se prête pas au double jeu symbolique. Le 25 novembre ne pouvait pas suffire à faire capituler la bourgeoisie, il était seulement le premier pas dans la lutte ; or, les concessions que la bourgeoisie entend faire aujourd'hui pour conserver les services du parti socialiste, dans le but de diviser la classe ouvrière, ne suffisent plus à calmer tant soit peu le mouvement revendicatif et à sauver l'influence de ce parti. Voilà pourquoi, en fin de compte, les chefs socialistes ont dû se résigner à une manoeuvre de plus grande envergure, en retirant leurs ministres.
Mais les travailleurs socialistes ne l'entendent pas du tout de cette oreille. Ce n'est pas cela qu'ils attendent de leurs dirigeants, une manoeuvre qui trompera les ouvriers et fera le jeu de la réaction. Les travailleurs socialistes veulent que leurs dirigeants rompent avec la politique de Bidault, qu'ils cessent de soutenir un tel gouvernement, qu'ils ouvrent la lutte pour un véritable programme socialiste, dirigé contre les capitalistes, car seul un tel programme peut sauver le pays de la dictature totalitaire et de la guerre, et seul, par conséquent, peut donner satisfaction aux revendications ouvrières.
Un tel programme existe. Il est à la base même de la doctrine officielle du Parti socialiste : solidarité prolétarienne internationale, solidarité avec les peuples coloniaux en lutte pour leur émancipation, dénonciation des pactes de guerre, expropriation des capitalistes, prise du pouvoir par la classe ouvrière. Mais aux dirigeants socialistes ce programme ne sert que d'alibi. Les travailleurs socialistes et les travailleurs de toutes les tendances, par contre, veulent lutter pour la fin de la guerre au Viêt-nam, pour le rejet des crédits de guerre, pour l'expropriation des banques et des industries-clé, pour la dénonciation du Pacte Atlantique et du Pacte franco-soviétique et pour l'alliance avec les peuples coloniaux en lutte pour leur émancipation.
Dans les semaines qui viennent, les travailleurs socialistes doivent tout mettre en oeuvre pour empêcher leurs dirigeants de continuer hors du gouvernement la politique de trahison des intérêts de la classe ouvrière qu'ils ont menée jusque là dans le gouvernement.
A. MATHIEU
LES "DEBRAYAGES" :
Faut-il ou non débrayer le 9 février ? A quoi cela servira-t-il de débrayer encore 2 heures ? N'a-t-on pas déjà "averti" les barons de l'Automobile le 25 novembre, dans une grève de 24 heures ? Ce mouvement ne devait-il pas être le "dernier avertissement", le signal d'une lutte renforcée ? Voilà les questions que se posent de nombreux travailleurs de l'Automobile, qui en concluent qu'il ne faudrait peut-être pas suivre le mot d'ordre de la C.G.T.
Evidemment, comme nous le disions dans notre précédent numéro, l'attitude d'une centrale ouvrière honnête eût été, après la grève générale du 25 novembre 1949, de présenter aux travailleurs un programme revendicatif complet et de leur demander leur adhésion en vue d'une grève générale jusqu'à satisfaction de ces revendications. Le recul que représente le mot d'ordre de débrayage de deux heures, limité seulement à l'Automobile, s'explique par la volonté de la C.G.T. de masquer son incapacité de mener seule un véritable mouvement.
Mais faut-il pour cela renoncer à ce mouvement, même limité, même représentant un recul ? Quand F.O. a lancé son mot d'ordre de grève générale de 24 heures le 25 novembre, en attendions-nous des miracles ? Cependant, la majorité de la classe ouvrière n'a pas manqué de saisir cette occasion pour faire pression sur le patronat.
Pour ne pas adopter ce moyen de lutte, il faudrait qu'un meilleur moyen soit proposé par les autres centrales syndicales, ou que les travailleurs soient décidés à passer par-dessus la tête des centrales syndicales bureaucratisées et déclenchent eux-mêmes une lutte d'envergure, comme en juin 36 ou comme en mai 47. Est-ce le cas actuellement ? Non. D'un côté, les travailleurs ne sont pas prêts à répondre à un mot d'ordre passant par-dessus la tête des organisations syndicales. Et de l'autre côté, F.O. et la C.F.T.C. ne proposent même pas un débrayage. La C.F.T.C. a bien sorti, à la dernière minute, un plan qui vise soi-disant à la grève générale ; mais si elle avait réellement l'intention de lutter pour un tel plan, il est certain qu'elle l'aurait proposé depuis longtemps aux ouvriers, le lendemain du 25 novembre, et non pas à la dernière minute ; leur "plan" ne vise qu'à combattre le débrayage proposé par la C.G.T. Le mot d'ordre de la C.G.T. représente un recul, mais c'est tout de même un moyen de lutte, alors que les autres n'ont pas l'intention de faire davantage, sauf quand la situation les y obligera.
Est-ce que les capitalistes, eux, utilisent uniquement les grands moyens contre la classe ouvrière ? Ils mènent leur lutte contre la classe ouvrière tantôt par la répression policière et les lock-out, tantôt par des brimades, tantôt par des grands moyens, tantôt par des escarmouches. La classe ouvrière, en se défendant contre la bourgeoisie, doit, elle aussi, se battre par les moyens que lui offre la situation. Les travailleurs ont suivi le mot d'ordre de F.O., appuyé par la C.G.T., de grève de 24 heures, le 25 novembre. Si depuis, les dirigeants des différentes centrales, pour des raisons qu'ils ne peuvent pas avouer, n'ont pas été capables de s'entendre pour mener la classe ouvrière à la bataille, comme le désire la majorité des travailleurs, d'enrayer l'offensive des capitalistes et d'améliorer ainsi la situation des ouvriers, cela n'empêche pas que le lutte soit nécessaire. Si, au lieu de grève générale, nous ne pouvons faire qu'un débrayage, nous devons le faire, car cela vaut beaucoup mieux que rien.
Nous appelons donc les travailleurs de l'automobile à débrayer le 9 février à 16 heures, mais ils ne doivent pas perdre de vue que les dirigeants actuels de la classe ouvrière ne sont pas capables de les mener à la victoire, et qu'en même temps qu'il leur faut mener la lutte contre la bourgeoisie, il leur faut changer aussi de direction.
LA LUTTE
Fondé en octobre 1942
Rédaction et Administration : écrire à J. Ramboz
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