1947

PRIX : 3 francs – 10 JUILLET 1947
L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
La Voix des Travailleurs Renault


La Voix des Travailleurs Renault nº 13

Barta

10 juillet 1947


Format MS Word/RTF Format Acrobat/PDF Téléchargement fichier zip (compressé)
Cliquer sur le format de contenu désiré

LES CONSPIRATEURS ET LEURS COMPLICES

Quand les grévistes luttent pour arracher leur morceau de pain à la rapacité patronale, les calomnies peuvent déferler sur eux à flots. Il se trouvera peu de voix officielles pour les défendre ou les justifier.

Par contre, que le ministre de l'Intérieur – étiquette "socialiste" oblige ! – soulève un coin du voile qui couvre le complot que les possédants, en liaison avec le corps des officiers et la haute bureaucratie, préparent contre les travailleurs, alors c'est un concert de protestations. C'est avec furie que du sein du gouvernement lui-même s'élèvent les cris !

Car l'arrestation de quelques comparses ayant mis à découvert avant tout la caste des officiers, celle-ci ne se contente pas de protester, de pousser des cris d'indignation, de crier à l'exagération, de ridiculiser une chose qui est sérieuse, pour lui ôter son importance. De Lattre de Tassigny, au nom des généraux, écrit au ministre de la Guerre, Coste-Floret, pour que celui-ci exige du ministre de l'Intérieur, Depreux, une mise au point officielle. Il ne s'agit ni plus ni moins que de demander au ministre de l'Intérieur, qui couvrait et couvre encore le complot véritable par son silence sur les véritables chefs, qu'il aille jusqu'au bout et couvre officiellement les factieux par un démenti. "J'ai obtenu qu'un communiqué officiel remette les choses au point", jubile dans sa lettre M. Coste-Floret.

Cependant, aucun "démenti" sur "l'honneur de l'armée" ne pourra tromper les travailleurs quant au rôle de la caste des officiers. Ils ont vu en 1939-1940 la caste militaire mener une véritable bataille contre les travailleurs, les traquant et les emprisonnant, désorganisant la vie économique ; car, dans la guerre, celle-ci défendait avant tout les privilèges de sa classe et ne menait la guerre à l'extérieur que dans la mesure où elle était victorieuse sur le peuple à l'intérieur, et que ses privilèges étaient bien assurés.

Les travailleurs ont vu Pétain, "vainqueur républicain du militarisme prussien", entouré de tout le corps des officiers, se changer en Pétait "l'Etat, c'est moi". Ils ont vu De Gaulle et Giraud, de "l'Action Française" (avant 1939), se changer en 1940 en défenseurs de la "démocratie", et ils voient aujourd'hui de quelle démocratie il s'agissait !

Quels que soient les démentis et quelle que soit la démagogie de ceux qui utilisent les complots pour se faire de la réclame électorale, les travailleurs restent vigilants. Ils savent que si on arrête quelques comparses, dans un complot dont l'étendue et la gravité étaient pourtant parfaitement connus depuis longtemps, c'est pour mieux masquer l'offensive contre la classe ouvrière et le fait que l'appareil policier est une arme exclusivement dirigée contre le peuple pour protéger les coffres-forts des capitalistes. Ils savent que, contre les attaques fascistes, ils ne peuvent pas s'en remettre au gouvernement QUI EST LUI-MEME UN CENTRE DE CONSPIRATION CONTRE LE NIVEAU DE VIE ET LA LIBERTE DES MASSES.

Les travailleurs ont appris comment combattre le fascisme : par l'action directe, comme le 12 février 1934. La grève générale, arme décisive contre le patronat, est aussi décisive contre les bandes armées du capital.

Mais l'expérience récente prouve que la classe ouvrière, qui a fait de 1934 à 1939 trois grèves générales (février 1934, juin 1936, novembre 1938) en est détournée par les manœuvres de politiciens, pour qui la "lutte contre le fascisme" n'est qu'un slogan de réclame électorale, un moyen de justifier leur collaboration ministérielle au gouvernement bourgeois. La conscience nette du danger, la volonté d'action de la classe ouvrière, jointes à l'activité des éléments véritablement au service des travailleurs, sauront déjouer les manœuvres et briser dans l'œuf toute tentative militaro-fasciste.

LA VOIX DES TRAVAILLEURS

 

En attendant la rentrée des souscriptions pour lesquelles nous avons lancé un appel dans le dernier numéro, nous sortons, cette fois-ci, le journal sous format réduit. Par suite de la fermeture de l'usine, le numéro 14 de La Voix ne paraîtra qu'après les vacances, c'est-à-dire le jeudi 7 août. 

 

AVEC LES TRAVAILLEURS DE CHEZ CITRŒN !

Par suite de l'intransigeance patronale, la grève des 18.000 ouvriers des usines Citroën en est à sa troisième semaine.

Le trust Citroën-Michelin, qui fabrique des autos pour l'exportation, retire chaque jour, du travail pénible et mal payé des ouvriers, des centaines de millions de bénéfices. L'arrêt du travail lui occasionne donc, chaque jour, des pertes considérables. Mais, malgré cela, il préfère tenir bon plutôt que de donner satisfaction aux revendications ouvrières qui sont pourtant minimes par rapport à ses bénéfices.

Cela prouve que ce qui est en jeu pour lui, ce n'est pas la somme d'argent destinée à couvrir une augmentation de salaires. L'arrêt du travail lui occasionne plus de pertes que s'il consentait à donner satisfaction aux ouvriers. Nous avons l'exemple de notre propre grève : M. Lefaucheux déplorait la perte de 500 millions alors que, s'il avait accordé les 10 francs, cette somme aurait couvert notre augmentation pendant huit mois pour tout le monde. De même, dans la grève des cheminots, l'intransigeance gouvernementale a causé une perte journalière de 5 milliards, alors que l'augmentation du salaire se chiffrait, pour toute l'année, à 8 milliards.

Si le patronat consent à perdre des milliards plutôt qu'à capituler devant les ouvriers, cela prouve qu'il sait subordonner ses intérêts immédiats à ses intérêts permanents de patron.

Ce que veut M. Boulanger, c'est ne pas capituler devant les ouvriers. Car donner satisfaction aux ouvriers, ce n'est pas tant accorder une somme d'argent que reconnaître une victoire sur lui-même. Ainsi notre grève, indépendamment de l'augmentation de salaire que nous avons obtenue, a considérablement renforcé la position des ouvriers vis-à-vis du patron dans l'usine. Les mille brimades quotidiennes, la surveillance tracassière de la maîtrise, les manœuvres patronales, etc... sont mises en échec par les ouvriers, depuis leur victoire. En reprenant confiance en eux-mêmes, ils ont reconquis leur liberté de mouvement et c'est là un danger permanent suspendu sur la tête du patron.

En ne voulant pas capituler, M. Boulanger pense avant tout à l'avenir : la sauvegarde de sa libre exploitation patronale est de toute évidence plus importante qu'une perte d'argent.

A la conscience de classe des Boulanger, Lefaucheux et autres, les ouvriers doivent opposer une conscience de classe au moins égale. Car, ce qui est valable pour les capitalistes, l'est encore bien plus pour les ouvriers. Du moment que le patronat sait subordonner ses intérêts immédiats à ses intérêts essentiels de classe, la même conduite s'impose aux ouvriers s'ils veulent pouvoir tenir tête au patronat.

En tenant bon, quoi qu'il lui en coûte, pour briser les ouvriers de chez Citroën, M. Boulanger travaille pour tous les patrons et contre tous les ouvriers. Car de même que la pression de notre grève a suffi pour faire relever la tête à tout le mouvement ouvrier, une défaite des ouvriers de chez Citroën mettrait en péril toutes les améliorations que nous avons conquises. De même, donc, que l'attitude de Boulanger rejoint les intérêts de classe des capitalistes, ce serait une erreur de classe de la part des ouvriers de chez Renault et d'ailleurs, de croire que la lutte des ouvriers de chez Citroën ne les concerne pas.


POURQUOI LE S.D.R. RECLAME-T-IL L'ECHELLE MOBILE ?

par Pierre BOIS.

Les ouvriers pâtissent de l'inflation, en ce sens que la valeur du salaire qu'ils touchent diminue toujours par rapport au coût de la vie.

Mais les profits des gros capitalistes, malgré l'inflation, ne diminuent pas comme le salaire de l'ouvrier. Au contraire, ils augmentent toujours. Comment font-ils, eux, pour ne pas se ressentir de l'inflation, alors que la population pauvre voit son pouvoir d'achat décroître ?

C'est que le patronat, qui se refuse de rajuster les salaires, rajuste continuellement ses transactions commerciales, ses revenus, ses capitaux, à la valeur de la monnaie. L'échelle mobile, qu'il se refuse à appliquer aux salaires, il l'applique au capital. Ainsi, M. Lefaucheux qui prétendait que le déficit l'empêchait d'augmenter nos salaires, a payé "sans discuter", au moment même où la propagande officielle parlait de baisse, 30% d'augmentation aux magnats de la sidérurgie !

Dans chaque transaction, bancaire ou industrielle, entre capitalistes, une clause spécifie que les prix donnés sont sujets à modification suivant les oscillations de la valeur du franc. Cette échelle mobile permet aux capitalistes de majorer constamment leurs prix, avec ou sans hausse des salaires. Ainsi, non seulement ils ne pâtissent pas de l'inflation, mais ils en profitent, car la majoration continuelle des prix leur permet la plus large spéculation.

L'échelle mobile des capitalistes ne porte pas seulement sur les prix, mais également sur tout ce qu'ils possèdent. Ainsi, lorsque des ouvriers de notre usine ont demandé les raisons de l'augmentation de la cantine, la direction l'a justifiée par l'augmentation des frais généraux. Dans ces frais généraux est comprise la location de la cantine ; car, leur a-t-on expliqué, les biens de la Régie (immeubles, machines, outillage, etc.) ont été revalorisés. A la suite de cette revalorisation, la location des cantines serait passée de 40.000 francs à 152.000. Qu'est-ce cela, sinon l'échelle mobile du capital ?

La seule marchandise à laquelle les capitalistes refusent d'appliquer l'échelle mobile, c'est la force de travail de l'ouvrier. En payant aux ouvriers un salaire déprécié, les patrons volent en réalité une partie du salaire qu'ils leur doivent. Chaque dépréciation nouvelle de leur salaire représente pour les ouvriers une perte de substance que les capitalistes voudraient leur faire accepter sous prétexte qu'il y a l'inflation. Mais c'est justement cette dépréciation du salaire de l'ouvrier qui, en plus de la spéculation, leur permet, à eux, de profiter de l'inflation.

Les ouvriers ne veulent pas être les seuls à supporter les conséquences de l'inflation. Ils revendiquent, prélevé sur les profits capitalistes, un salaire qui leur permette de vivre et qui, à l'heure actuelle, peut seul leur être garanti par l'échelle mobile des salaires ; c'est-à-dire le calcul du salaire sur l'indice des prix.


LA BONNE MANIERE

Beaucoup d'ouvriers font cette réflexion à nos camarades du S.D.R. : "On vous rejoindra dans votre syndicat quand vous serez reconnus". Voici comment leur répond le bulletin du Département 88 : "Aux camarades qui nous posent la question : les patrons vous prendront-ils en considération ? nous répondons : la C.G.T. a été de longues années avant d'être reconnue mais, quoique non reconnue, elle luttait. Et c'est au travers de ces luttes que l'organisation syndicale s'est peu à peu créée."

"Quand il s'agit de discuter pour produire, le patron est toujours d'accord. Mais, dès qu'il s'agit de la question beefsteak, le patron ne cède pas à la suite de discussions, mais sous la pression des ouvriers.

"Voilà les conditions dans lesquelles on sera reconnu."

L'action qu'a menée le S.D.R. contre les retards dans la paye, le jeudi 3 juillet, l'a bien prouvé. Alors que les délégués cégétistes parlementaient depuis 3 jours avec la direction et n'avaient obtenu autre chose qu'un acompte de 500 fr. à retenir sur la paye des vacances, comment ont agi les camarades du S.D.R. ? Après une courte discussion avec les représentants de la direction et une réunion générale des ouvriers, ils décidèrent qu'une grosse partie des ouvriers se rendraient en cortège au bureau des pointeaux chercher la paye. Le résultat fut un acompte de 4.000 fr. le jour même et le restant de la paye le lendemain.

La pression des ouvriers a obligé le patron non seulement à discuter avec les délégués mandatés par les ouvriers, mais à donner satisfaction à leurs revendications.


Voici, à ce sujet, la conversation édifiante entre les délégués du S.D.R. et M. Duten :

Vendredi 4 juillet, M. Duten fit appeler à son bureau les trois signataires de la revendication du paiement des "heures perdues" pour aller chercher la paie.

– C'est vous qui avez signé cette revendication ?

– Oui.

– Pas d'accord. C'est ridicule. A ce qu'on m'a dit, vous êtes montés à 50 au bureau pour réclamer votre paie.

– Nous n'étions pas 50, mais plusieurs centaines.

– C'est encore pis ! Vous auriez pu envoyer une délégation de 3 ou 4 ouvriers...

– Nous avons tenté cette démarche, ça n'a rien donné.

– Pourquoi n'avez-vous pas fait intervenir vos délégués ?

– Nos délégués nous sont imposés, nous ne les reconnaissons pas.

– Alors, il fallait envoyer une délégation des vôtres.

– On nous a fait savoir à la direction que, bien que reconnaissant le bien-fondé de notre revendication concernant les délégués, on ne pouvait nous recevoir officiellement en tant que représentants. On nous a précisé que la direction ne pouvait pas recevoir des représentants non accrédités par les lois en vigueur... alors, ce sont les ouvriers qui se sont dérangés.

– Si tout le monde en prend à son aise, il n'y a plus moyen de travailler !

– C'est plus grave, il n'y a plus moyen de vivre ! Chaque jour apporte une nouvelle charge à l'ouvrier : un jour ce sont les décrets Schuman, un autre jour c'est l'augmentation de la cantine, ensuite c'est la paye qui n'arrive pas.

– Pour le plan Schuman, adressez-vous au gouvernement ; pour la cantine au Comité d'entreprise ; quant à la paye, nous ne sommes pas responsables si les pointeaux ont fait grève.

– En effet, il y a une belle division du travail ! Jamais personne n'est responsable, mais l'ouvrier est toujours victime. Les ouvriers en ont assez de supporter sans cesse des sacrifices et des brimades. Ils ont des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et un cerveau pour penser. Ils sont décidés à ne plus se laisser faire.

– J'en ai vu de plus durs que vous, depuis 11 ans que je suis dans ce bureau. Nous avons toujours réussi à arranger les choses.

– Vous pouvez être fiers de votre esprit conciliateur, car l'aboutissement de tous ces "arrangements", c'est la situation actuelle : 10 heures de travail par jour pour un salaire de famine.

– Vous ferez ce que vous voudrez, je vous ai dit ma position...

– Nous conservons la nôtre. Et nous vous prions de communiquer à la direction que nous ne garantissons rien quant à la réaction des ouvriers si les heures perdues ne sont pas payées. Mais, ce que nous garantissons, c'est que si un nouvel incident nous oblige à agir à nouveau, nous ne cesserons l'action qu'après l'obtention complète de nos revendications.

H. DURIEUX


SIMPLE DEMAGOGIE !

L'Humanité, par des titres sensationnels, veut faire croire que le P.C.F. est réellement pour la réduction du budget militaire et est en opposition sur cette question avec le gouvernement. Un récent débat à la Chambre montre qu'il n'en est rien :

M. Lussy. – Nous ne cherchons pas, dans les débats budgétaires, des moyens de propagande ni des slogans électoraux.

M. Duclos. – Eh bien ! va pour un plafond de 180 milliards ! Mais faites-le !

M. Ramadier. – Puis-je vous faire observer que les propositions du gouvernement sont précisément de 180 milliards ?

(Rires et applaudissements à gauche et au centre).

Pas de réplique de M. Duclos.


Bienfaits du colonialisme

POURQUOI L'ALGERIE BOUGE ?

En 1946, les "Services de la Sécurité Générale" à eux seuls, indépendamment de l'Armée, ont absorbé 1 milliard O61.161.592 francs, représentant un cinquième du budget de l'Algérie.

D'après M. Charles Lévy (rapport présenté à la Commission des Réformes Musulmanes, le 19-2-44), la ration moyenne actuelle de la masse indigène est de 345.500 calories par individu, soit moins du tiers de la ration moyenne de l'Européen qui est de 1.072.000 calories.

La tuberculose fait en Algérie plus de ravages que dans la métropole et davantage chez les musulmans que chez les Européens. Le chiffre des tuberculeux d'Algérie peut être estimé sans grande chance d'erreur à 400.000 environ, chiffre presque égal à celui des tuberculeux de la métropole (c'est-à-dire, en tenant compte du chiffre de la population, cinq fois de tuberculeux que dans la métropole).


DANS L'USINE...


LA GREVE DES POINTEAUX

C'est la première fois, dans l'histoire de l'usine, que les pointeaux font grève. Jusqu'alors, ils avaient toujours assuré la paye. Mais, n'arrivant pas à obtenir satisfaction à leurs revendications, ils se sont ralliés au mot d'ordre de la grève d'avertissement, le mardi 1er juillet.

Les pointeaux des grands bureaux réclamaient une prime supplémentaire de 1.800 francs pour tout le mois de juin en raison du travail supplémentaire fourni pour l'établissement de la paye des vacances. D'autre part, ils réclamaient le paiement de la journée de grève de mardi.

Le jeudi 3, la direction accordait aux pointeaux une prime de 1.100 fr. avec coefficient hiérarchique : c'est-à-dire que les plus favorisés auraient touché 1.800, 2.000 francs et plus, tandis que ceux qui sont au bas de l'échelle auraient dû se contenter de 700 francs. Quant à la journée de grève du mardi, la direction refusait de la payer aux pointeaux pour ne pas créer un précédent qui l'aurait ensuite obligée à la payer à tous les ouvriers. Enfin, la direction refusait de payer aux pointeaux la journée du samedi au tarif des heures supplémentaires sous prétexte que les heures du samedi remplaçant celles du mardi, heures normales, devraient être payées comme heures normales aussi.

Si les ouvriers du secteur Collas n'avaient pas protesté énergiquement, la paye était reculée de 24 heures et les revendications des pointeaux n'étant pas entièrement satisfaites. Mais prise entre le mouvement du département 6 et les revendications des pointeaux, la direction a dû capituler. C'est ainsi que le délégué des pointeaux, épaulé par les ouvriers du 6, s'est montré plus exigeant et a fini par obtenir la prime de 1.800 francs pour tous et le paiement de la journée du samedi au taux des heures supplémentaires.

C'est ce même délégué qui, le lendemain, déclarait aux ouvriers du 6 : "Je leur ai dit, au bureau, si vous avez les 1.800 francs, c'est grâce aux gars des pignons qui sont venus faire du bruit hier !"

Encore une fois, l'action des ouvriers a fait plier la direction et renforcé l'unité entre ouvriers et employés.

Les pointeaux du département 6 furent astreints à un travail supplémentaire, mais ils le dirent volontiers, puisque l'action avait permis à tous les ouvriers d'être payés à temps et à leurs collègues des grands bureaux d'obtenir satisfaction à leurs revendications. C'est là le meilleur démenti aux rumeurs que certains cégétistes ont fait courir selon lesquelles "les gars de Collas étaient allés engueuler les pointeaux qui avaient fait grève mardi".


CHRONOMETRAGE

Dans notre dernier numéro, sous le titre "Les ouvriers ne sont pas des machines", nous avons relaté comment les ouvriers de l'atelier 31, département 6, "décidés à faire respecter leur dignité d'homme", ont empêché les chronos de faire leur "démonstration". Avant de revenir une seconde fois, le chef chrono a jugé bon de demander aux ouvriers s'ils consentaient qu'un autre chronométreur fasse une nouvelle démonstration.

–En principe, nous sommes contre le chronométrage, répondirent quelques ouvriers, car, actuellement, il n'a pas pour but de régler l'effort de l'ouvrier mais d'obliger l'ouvrier à fournir le maximum d'efforts possible.

–Alors, si vous posez la question du régime, c'est une affaire qui me dépasse.

–Evidemment, nous posons la question du régime, puisque c'est sur notre dos que se fait l'exploitation aussi longtemps que nous sommes obligés de la subir. Nous avons au moins le droit de protester quand on veut dépasser la mesure.

Et, finalement, les ouvriers obtiennent que le démonstrateur fasse sa journée complète : c'est-à-dire de 7 heures 30 à 18 heures 30 et que l'ouvrier qui travaille habituellement sur la machine le contrôle et en appelle au chef chronométreur, en cas d'anomalie, pour régler sur place le conflit.

Ainsi, c'est le point de vue des ouvriers qui prévaut et c'est par des actions multipliées de ce genre que les ouvriers arriveront à secouer le joug qui les opprime.


CANTINE

Le lundi 30 juin, une délégation du S.D.R. s'est rendue à la direction pour protester contre l'augmentation de la cantine. La direction l'a aiguillée sur la Commission des cantines du Comité d'entreprise où le responsable, M. Blanchard, a prétendu que l'augmentation du prix de la cantine était imposée par l'augmentation continuelle des frais généraux. Comme la direction refuse d'augmenter les subventions à la cantine, ce sont les ouvriers qui doivent couvrir le surplus des frais généraux en payant leur repas plus cher. C'est ainsi qu'un repas qui revient en réalité à 36 francs est payé 45 francs, la différence de 9 francs correspondant à l'amortissement des frais généraux. Il apparaît donc, en fait, que la Commission des cantines loue les locaux à la Régie : c'est-à-dire que les ouvriers louent leur place à la cantine ! A ce compte là, on ne tardera pas à leur faire payer la location de leur machine... En prenant leur repas à la cantine, les ouvriers financent l'entretien de locaux et de matériel qui sont la propriété de la Régie.

Or, c'est soi-disant la Section syndicale de la C.G.T. qui gère la cantine, par l'intermédiaire de la Commission des cantines. Pourquoi donc ne publie-t-elle pas le bilan de la cantine ? Pourquoi ne dévoile-t-elle pas la "combinaison" des frais généraux ? Pourquoi se contente-t-elle de réclamer aux ouvriers 16 francs par jour, au lieu d'entrer en lutte pour que la direction augmente ses subventions à la cantine et supprime les frais de location ?

Les ouvriers font grève et obtiennent 3 francs de l'heure de prime à la production. La C.G.T. s'attribue la "victoire" pour reprendre aussi vite aux ouvriers 2 francs de l'heure pour la cantine. Singulière façon de défendre les intérêts des ouvriers !


A BAS LES HEURES SUPPLEMENTAIRES !

Les heures supplémentaires sont autorisées et même recommandées, et, de fait, de nombreux ouvriers sont obligés de s'y soumettre, non par amour de leur machine, mais parce que les salaires de famine qu'ils touchent les y contraignent. Il en résulte une anarchie de la production qui crée la division entre les ouvriers. Dans de nombreux secteurs, certains ouvriers sont obligés de faire des heures supplémentaires malgré leur volonté parce que la chaîne qui dépend d'eux fait des heures supplémentaires et attend les pièces.

C'est ainsi qu'à l'atelier 30, département 6, des ouvriers qui ne voulaient pas faire d'heures supplémentaires ont été contraints de faire équipe pour ravitailler une chaîne qui fait des heures supplémentaires. Le résultat a été qu'une hostilité s'est établie entre les ouvriers de ces deux chaînes et qu'un régleur et un contremaître n'arrivant pas à concilier les intérêts opposés, des ouvriers en sont venus aux mains.

La C.E. du S.D.R. a décidé de poser la revendication du retour immédiat aux 45 heures avec salaire de 50 heures faites actuellement.


Pour faire des économies, la régie a installé dans les ateliers des aérothermes. Ces aérothermes devaient, selon les saisons, donner de l'air chaud ou de l'air froid.

Pratiquement, que se passe-t-il ?

L'hiver dernier, un très petit nombre d'aérothermes ont fonctionné. Parce que, disait la direction, si tous marchaient, la réserve d'électricité fondrait et la production s'amenuiserait. Résultat : on a suppléé avec des braseros, les ouvriers ont gelé et se sont enfumés.

Les grosses chaleurs sont venues. On pensait au moins, si on a gelé l'hiver, ne pas cuire l'été.

Erreur. Ces aérothermes, qui pendant l'hiver n'ont pas su nous chauffer... nous chauffent maintenant ! Parce que, placés sous les verrières et marchant avec un système d'hélices, la chaleur des fours, additionnée à celle du soleil – chacun sait que l'air chaud monte – plus une bonne dose de poussière, tout cela est aspiré par les fameux aérothermes et rejeté sur le dos des ouvriers.

De l'air chaud agité, c'est tout de même de l'air chaud.

Il eut été plus simple de prévoir, pour l'hiver, des radiateurs qui marchent et, pour l'été, des cheminées parce que ces cheminées éliminent l'air chaud et appellent l'air frais. Seulement, c'eût été beaucoup moins économique pour la régie : c'étaient deux installations différentes.


Adresser toute correspondance, abonnements et mandats par poste à JEAN BOIS, 65, rue Carnot, Suresnes (Seine)
Rendez-vous de 18h à 20h : café-tabac «Le Terminus» 
angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres


Archives Trotsky Archives IV° Internationale
Précédent Haut de la page Suite Sommaire