1947 | Tract diffusé par les grévistes de Renault dans le cortège du 1er mai 1947 |
TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE DE LA REGION PARISIENNE
Les Ouvriers des Usines Renault en Grève s'adressent à vous,
DEPUIS LE MARDI 29 AVRIL NOTRE GREVE A PRIS UN CARACTERE GENERAL
Déjà, depuis plusieurs semaines, des grèves partielles réclamant un rajustement des salaires avaient éclaté dans l'usine. Car avec un salaire de 42 francs pour un O.S. face à la montée incessante du coût de la vie, aucun d'entre nous ne peut joindre les deux bouts. C'est pourquoi le vendredi 25 avril, les départements 6 et 18 se mettant en grève, un comité de grève, élu en assemblée générale à la presque unanimité, a été mandaté de mener la lutte pour 10 frs. d'augmentation de l'heure sur le taux de base
Paiement des heures de grève.
Le Comité de grève, pour mener cette lutte qui intéresse tous les travailleurs, a fait immédiatement appel à toutes les usines Renault. Et malgré l'opposition de la Direction syndicale officielle, les travailleurs, organisés ou non, et quelle que soit leur appartenance aux différentes organisations syndicales ou politiques, ont été UNANIMES pour adopter nos revendications.
Mandatés pour exposer nos revendications à la direction patronale, celle-ci, en la personne de M. Lefaucheux, a refusé de nous recevoir et a traité la délégation ouvrière avec le plus grand mépris. M. Lefaucheux bafoue le droit le plus élémentaire des ouvriers d'élire librement leurs représentants. Il veut nous imposer ceux qui dans le passé l'ont aidé dans son action anti-ouvrière et avec lesquels il espère, mais en vain, s'arranger, pour nous berner une fois de plus.
QUE REPRÉSENTENT LES 10 FRANCS ?
Devant notre action décidée, le patronat et la direction syndicale opposent à notre revendication des 10 francs une augmentation de la prime à la production. Mais le système des primes au rendement, tout ouvrier le sait, c'est la surexploitation de la force de travail de l'ouvrier et ne présente aucune garantie du point de vue salaire.
Jusqu'à présent, la politique patronale a toujours été de nous faire courir après les prix à l'aide de petites satisfactions partielles pour calmer notre mécontentement. Notre revendication actuelle, qui est celle du minimum vital, c'est-à-dire, pour nous limiter au chiffre de la C.G.T., de 7.000 francs par mois, 10 francs d'augmentation sur le taux de base pour 40 heures de travail, doit mettre fin une fois pour toutes à cet état de choses. Car l'augmentation que nous réclamons doit être garantie par son adaptation constante aux indices des prix en fonction de ce qu'il nous fait acheter pour vivre sans mettre en danger notre santé, Nous voulons L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES.
Cette revendication, la C.G.T. elle-même l'avait mise en avant au mois de décembre (salaire minimum vital calculé selon l'indice des prix). Mais la direction de la C.G.T. l'a abandonnée, cependant que, malgré les heures supplémentaires et la cadence toujours plus vive, malgré les promesses sur l'augmentation du pouvoir d'achat au fur et à mesure de l'augmentation de la production, et celles sur la baisse des prix, plus nous travaillons, moins nous gagnons et moins nous pouvons manger. (Dans notre usine la production a augmenté de 150% tandis que le salaire réel a continuellement baissé).
Toute la classe ouvrière se trouve dans la même situation. C'est pourquoi notre direction patronale n'a pu que recourir à un subterfuge, en prétextant qu'elle était en déficit et que c'est la politique gouvernementale qui s'oppose à l'augmentation des salaires.
A cela nous répondons que ni le prétendu déficit, ni la politique gouvernementale n'ont empêché M. Lefaucheux de trouver l'argent pour payer une augmentation de 30% sur les produits sidérurgiques.
Mais si le patronat trouve le moyen d'obtenir l'autorisation du gouvernement pour verser une augmentation de 30% aux potentats milliardaires de la sidérurgie, comme il trouve en général toujours l'autorisation du gouvernement pour toutes ses manœuvres contre les ouvriers et les consommateurs devant notre pression unanime sur le patronat nous verrons le gouvernement s'incliner devant la classe ouvrière unanime dans ses revendications, comme il a dû le faire en juin 1936.
NOUS VAINCRONS
On nous présente souvent la puissance des trusts comme un épouvantail qui doit toujours nous écraser. Mais la classe ouvrière, unie dans la défense de ses revendications, n'est-elle pas plus puissante qu'un trust ? Nous avons le monopole de la force travail, sans laquelle ces messieurs ne peuvent plus récolter des bénéfices.
La revendication que nous formulons est une revendication générale qui intéresse tous les ouvriers.
Camarades, nous faisons appel à vous parce que vous êtes dans la même situation que nous et que personne ne peut se résigner à la situation actuelle. Par conséquent, puisque la lutte est inévitable et nécessaire, il faut que nous nous mettions tous ensemble en mouvement, car seule l'union de tous les travailleurs assurera la victoire pour tous. Les sacrifices terribles que nous avons supportés pendant des années, la lutte que nous avons menée depuis 1934 contre le patronat sont un gage que les travailleurs ne se résigneront pas.
Déjà la Section syndicale de l'usine Alsthom nous a envoyé un message de solidarité morale et pratique des ouvriers de leur usine avec nous.
Camarades, nous sommes tous d'accord pour lutter pour ne pas supporter les frais d'un capitalisme qui nous écrase dans la misère, tandis que d'un autre côté une poignée de milliardaires qui ont réalisé des énormes profits continuent comme auparavant à s'enrichir.
Jusqu'à maintenant notre action a été empêchée par ceux qui, tout en se disant nos dirigeants, non seulement ne nous défendent pas, mais encore s'opposent à notre lutte, soit parce qu'ils ont été les complices des patrons, soit parce que n'ayant pas confiance en eux-mêmes, ils ont adopté l'attitude néfaste de l'attentisme.
C'est à nous qu'il appartient de défendre nous-mêmes nos revendications. Nous avons dû vaincre 1es mêmes difficultés que vous connaissez. Mais notre exemple vous prouve que ces difficultés peuvent être surmontées : les ouvriers de notre usine ont élu dans la lutte, directement de leur sein, des délégués avec mandat de faire aboutir leurs revendications. La classe ouvrière est riche d'hommes qui se révèleront dans l'action et qui, même s'ils manquent d'expérience au début, peuvent vite, avec l'appui de tous, se corriger dans l'action.
Voilà, camarades, ce que nous avons à vous dire, voilà quelle est la vérité, et vous saurez faire justice de toute la campagne de calomnies qui est l'arme de la division.
Notre usine a commencé le mouvement. Nous appelons tous nos camarades de la métallurgie, tous les ouvriers de la Région parisienne, à se joindre à nous. Faisons pour nous-mêmes, ne fût-ce qu'une partie des sacrifices que nous obligent à faire tous les jours les patrons pour leur profit et nous vaincrons.
VIVENT LES 10 FRANCS !
VIVE LE MINIMUM VITAL GARANTI PAR L'ECHELLE MOBILE !
VIVE LA SOLIDARITE DE LA CLASSE OUVRIERE UNIE DANS SES REVENDICATIONS !
Le Comité de grève général des Usines Renault
30 avril 1947.
Les ouvriers de l’Entreprise de Presse Réaumur, de tout cœur avec les grévistes des métaux (Régie Renault), leur adressent leur salut fraternel et sont heureux de leur signaler que les TYPOGRAPHES, ROTATIVISTES, IMPRIMEURS, ROGNEURS et MANOEUVRES ont spontanément abandonné leur salaire pour l'exécution de ce travail.