1946

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! – LA LUTTE de CLASSES – Organe de l'Union Communiste (Trotskyste) n° 71 – 4ème année – Hebdomadaire (B.I.) le n° 3 francs


LA LUTTE DE CLASSES nº 71

Barta

18 octobre 1946


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VANTARDISES ET REALITES

"Notre Parti n'est pas isolé. Au contraire : c'est la réaction qui est aujourd'hui isolée", déclarait Thorez à une Assemblée d'information à la Mutualité, le 1er octobre 46. "La Constitution", renchérissait Fajon, "fondée sur l'accord entre le Parti Communiste, le Parti Socialiste et le M.R.P., aide à créer les conditions qui éviteront l'isolement du Parti Communiste et des forces démocratiques avancées, pour préparer l'isolement de la réaction extrême, l'ennemi principal".

Les plates vantardises de ces bureaucrates qui se sont élevés sur les épaules de la classe ouvrière ont été aussitôt démenties par LES FAITS.

Les résultats du référendum du 13 octobre 46, comparés aux résultats des référendums antérieurs, ont prouvé TOUT LE CONTRAIRE des affirmations vantardes des chefs du P.C.F.

Au premier référendum du 21 octobre 45, le P.C., SEUL contre la coalition allant de De Gaulle au P.S., parce qu'il faisait figure d'opposant au régime qui avait remplacé celui de Pétain, et n'avait pas encore endossé de responsabilité ministérielle importante, avait groupé autour de lui plus de six millions de voix, c'est-à-dire environ un 1 500 000 DE PLUS que le nombre de ses électeurs à la même date. Au référendum du 5 mai, en défendant avec le P.S. la Constitution qui consacrait leur régime gouvernemental (après le départ de De Gaulle, nous eûmes un tripartisme à direction socialiste-communiste sous la présidence de Gouin), les deux partis ENSEMBLE ne groupent que 9 114 000 voix, c'est-à-dire MOINS que le total des voix obtenues aux élections du 21 octobre par ces deux Partis.

Au dernier référendum, pour lequel Thorez et Fajon se vantaient de ne plus être isolés, mais d'avoir au contraire isolé De Gaulle ("réaction extrême, ennemi principal") en s'unissant au M.R.P. ("Machine à ramasser les pétainistes", disait auparavant le P.C.), les trois Partis ensemble n'obtiennent que 9120000 voix, c'est-à-dire AUTANT que le P.C. et le P.S. SEULS avaient groupé au référendum du 5 mai.

Ce sont ces faits qui ont obligé Cachin, dans L'Humanité du 15 octobre, pour faire oublier les vantardises de Fajon et de Thorez, à expliquer en chef vigilant "qu'il serait périlleux de minimiser la puissance de la réaction en notre pays".


Ainsi, l'union avec le M.R.P., loin d'isoler la "réaction extrême", n'a fait au contraire que la RENFORCER.

Le P.C. et le P.S. sont devenus les gardiens d'une Constitution qui convient parfaitement, à l'heure actuelle, à la bourgeoisie. C'est pourquoi nous avons vu ses représentants comme Le Monde, Le Figaro , les chefs du M.R.P., inviter le public à voter cette Constitution.

Comme le régime actuel condamne l'écrasante majorité de la population à étouffer sous le poids de la misère et de l'incertitude du lendemain, une partie des actuels "oui" peuvent se transformer et ils se transformeront SUREMENT en "non" ; d'autre part, le M.R.P. n'a appuyé la présente Constitution que PROVISOIREMENT pour mettre toutes les chances du côté de la bourgeoisie dans sa lutte contre les masses travailleuses, pour en finir avec le syndicalisme ouvrier, avec l'école laïque, pour restaurer en un mot le pétainisme. Déjà L'Aube, son organe central, ouvre la campagne de la révision de la Constitution dans le sens voulu par De Gaulle. Il suffit seulement de savoir COMPTER pour voir que la majorité de OUI, obtenue par le P.C. et le P.S. pour la présente Constitution daladiériste, se transformera avec certitude demain en une majorité de OUI pour une Constitution gaulliste CONTRE LE REGIME ACTUEL. "Une consécration du régime actuel par une majorité de "oui" au prochain référendum, à l'aide des partis "ouvriers", ne peut que les pousser (les gens désespérés et ruinés) encore plus sûrement VERS DE GAULLE, CONTRE LA CLASSE OUVRIERE", écrivions-nous le 25 septembre 46.


Les chefs staliniens, qui rejettent sur les travailleurs les responsabilités de leur propre trahison, qui nous demandent de voter pour eux pour faire échec à la réaction, mais qui font eux-mêmes le jeu de la réaction en s'alliant à tous les ennemis de la classe ouvrière suivant leurs propres intérêts bureaucratiques (n'ont-ils pas été les alliés de De Gaulle et, en 36, de Daladier ?), mènent les masses ouvrières à une défaite certaine si celles-ci ne trouvent pas une autre issue et d'autres chefs.

Ils ne pourraient lutter contre De Gaulle, contre la "réaction extrême" totalitaire, qu'en rompant leurs alliances avec la bourgeoisie, en sortant du gouvernement capitaliste affameur, et en mobilisant les masses travailleuses directement dans l'action pour constituer UN GOUVERNEMENT OUVRIER-PAYSAN. Ce dernier, en s'attaquant résolument aux exploiteurs capitalistes, pourrait seul relever l'économie, améliorer la situation de toutes les masses travailleuses, trouver une solution à l'angoissant problème du logement, éviter le chômage inévitable en régime capitaliste, etc...

Mais pour conserver des avantages momentanés, leurs porte-feuilles et la situation privilégiée que leur accordent les capitalistes, ils trahissent la lutte de la classe ouvrière et collaborent avec ses pires ennemis.

Pour obtenir les voix ouvrières malgré leurs trahisons répétées, ils sont avantagés par le fait qu'en l'absence d'un véritable parti révolutionnaire, les masses travailleuses éprouvées par de longues années de guerre et de privations sont sensibles au chantage "votez pour nous, sinon vous faites le jeu de la réaction". Mais s'ils ont encore la majorité des voix ouvrières, ils n'ont plus leur CONFIANCE. Dans les usines, les travailleurs ne laissent plus faire passivement, avec une indifférence désabusée, les représentants staliniens. Ils passent à une attitude directement hostile contre eux et donnent libre cours à leur indignation. Et quand il s'agit d'action directe, les dirigeants staliniens, opposés à la lutte, sont même rejetés, comme dans le cas du conflit des postiers et des fonctionnaires.

Et c'est dans l'action directe, CLASSE CONTRE CLASSE, que les travailleurs s'ouvriront une voie de salut contre le totalitarisme menaçant. S'ils laissent faire les Thorez et les Duclos, ceux-ci jouiront encore un certain temps du capital électoral qui leur reste, jusqu'au moment où De Gaulle sera assez fort pour les chasser et imposer le régime du sabre et du goupillon.


PENDANT QU'IL EST TEMPS ENCORE

La première chose que nous vaut la nouvelle Constitution, ce sont de nouvelles "mesures de courage" que nous annonce d'une façon sibylline le ministre des Finances, Schuman : "...Nul n'ignore que l'assainissement des finances publiques et la résorption du déficit exigeront d'ici quelques mois des mesures de courage incompatibles avec la prolongation du régime provisoire, c'est-à-dire la perpétuation de la période électorale. En votant la Constitution, le peuple français a sauvé le franc."

Rassurés sur leur propre sort, les Schuman se réjouissent de pouvoir imposer au peuple de nouveaux sacrifices, sous prétexte de "sauver le franc". Quelles sont, en effet, les "mesures courageuses" ? Schuman s'attaquera-t-il aux causes véritables de l'inflation, au budget d'armement, de la police, des entreprises coloniales, qui constituent le plus clair du budget inflationniste ? Même les "socialistes" et les "communistes", au moment où ils étaient en majorité au gouvernement, et où ils avaient parlé de "porter la hache" dans les dépenses de l'Etat et le budget d'armement, se sont montrés incapables de le faire. Egalement, la réduction sur les subventions allouées aux capitalistes s'est soldée par une hausse des prix, et la confiscation des profits de guerre et des gains illicites est restée lettre morte.

Les "mesures courageuses" de Schuman annoncent de nouveaux sacrifices pour les masses sous prétexte de sauver le franc, mais elles ne sauveront rien et, comme jusqu'à présent, n'empêcheront pas le rythme inflationniste, la spéculation et la cherté de la vie de s'accroître.

L'inflation marche de pair avec la spéculation et l'anarchie. Les biens de consommation sont revenus, et cependant on ne voit aucune amélioration. Il y a des chutes dans le ravitaillement, les scandales seuls pros-pèrent. L'instabilité de la monnaie met en danger la continuité de la production, la reconstruction ne se fait pas. Dans cette voie, il n'est pas difficile d'imaginer ce que sera le sort des travailleurs, si aucun obstacle ne se dresse devant la politique de pillage de la bourgeoisie.

Les salariés sont réduits à une situation où ils n'ont aucune garantie de leur lendemain. Actuellement les travailleurs subsistent avec un salaire de famine, parce que la facilité relative de trouver du travail permet à tous les membres de la famille de travailler : le salaire est trop bas pour permettre à une famille de subsister sans le travail de tous. Mais quand la reconstruction sera finie pour les choses essentielles et que le manque de moyens de financement empêchera qu'elle soit poursuivie et fournisse du travail pour des années ; quand la concurrence capitaliste internationale, la crise et la "surproduction", (qui peuvent se produire d'un moment à l'autre), rejetteront sur le pavé les ouvriers ? Quelles seraient les conséquences d'une telle situation : inflation et manque de travail ?

La situation des travailleurs en Italie nous en fournit l'exemple, et il est d'une très grande importance pour la classe ouvrière d'ici.

Depuis des mois, le mouvement gréviste en Italie s'accompagne de luttes sporadiques sanglantes que livrent ouvriers et chômeurs aux forces armées du gouvernement. Le 9 octobre, selon les informations de la presse, "le licenciement de 1.200 ouvriers du génie civil a provoqué de sanglantes émeutes à Rome, devant le Palais du Quirinal, siège de la présidence du gouvernement", qu'ouvriers et chômeurs ont tenté de prendre d'assaut. Le journal Unita écrit : "Il faut arracher au désespoir les millions de travailleurs qui depuis des mois, dans toute l'Italie, font entendre leur appel angoissé : donnez-nous du travail."

Mais pendant que 2.5OO000 chômeurs font entendre cet "appel angoissé", les ouvriers de l'industrie travaillent de 56 à 60 heures par semaine ; car seules les heures supplémentaires leur permettent d'atteindre un salaire proportionné au prix de la vie. Le gouvernement s'oppose aux revendications d'augmentation des salaires, qui permettrait la diminution de la semaine de travail et l'embauche de chômeurs, "par souci de la monnaie". Mais le rythme grandissant de l'inflation provoque des grèves continuelles et des revendications d'augmentation jusqu'à 100%.

Le manque de moyens de financement empêche les travaux de reconstruction, nettoyage des ports, etc..., qui pourraient employer les sans-travail. Ces moyens de financement sont accaparés à des fins de spéculation par les capitalistes. Le journal stalinien déjà cité, écrit : "Il est stupide et dangereux de ne pas faire comprendre une bonne fois pour toutes aux spéculateurs, aux tyrans industriels, aux affameurs du peuple, qu'il est temps d'en finir avec leur jeu criminel, avec le sabotage de la reprise de la production, avec l'exaspération préméditée des masses ouvrières." Mais malgré ces constatations, là-bas comme ici, socialistes, "communistes" et "démocrates chrétiens" collaborent au gouvernement et essaient depuis des mois de berner les ouvriers avec des espoirs sur "la nouvelle Constitution", "la baisse prochaine des prix", etc... Pendant ce temps, l'anarchie capitaliste qui se développe pousse les masses travailleuses au désespoir.

L'exemple de l'Italie ne doit pas être perdu pour nous, car les mêmes causes agissent dans le même sens. Renoncer à une lutte concertée, vigilante, constante, quand nous pouvons encore le faire, quand la classe ouvrière dispose de positions encore très fortes, c'est s'exposer demain à des actes de désespoir. Plus l'action de la classe ouvrière est constante, vigilante, moins la lutte sera dure. Mais moins la classe ouvrière réagira à temps, plus la situation deviendra terrible.

Les capitalistes veulent réduire les travailleurs, producteurs de toutes les richesses, à une situation de parias de la société sans aucune garantie de leur lendemain. La première chose pratique pour laquelle la classe ouvrière doit lutter pour ne pas être acculée à cette situation, c'est L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES.

L'inflation, qui sape le niveau de vie des travailleurs, détermine des conflits de plus en plus nombreux. La lutte pour l'échelle mobile, par une pression d'ensemble de la classe ouvrière, remplacerait les heurts sporadiques, les explosions isolées qui peuvent se retourner contre la classe ouvrière, par une action d'ensemble de la classe ouvrière, seule classe qui peut mettre en balance, contre la puissance des capitalistes, sa propre puissance et endiguer l'anarchie qui se développe par l'inflation, les scandales, la spéculation, etc...

Si la classe ouvrière ne se montre pas capable de lutter contre l'anarchie capitaliste (qui ne fera que se développer si on laisse les choses aller) et d'ouvrir une voie nouvelle, elle tombera victime à la fois de cette anarchie et de la démagogie réactionnaire de la bourgeoisie, qui présentera les explosions de mécontentement inévitables des masses travailleuses comme fauteurs de cette anarchie.

Pour empêcher l'isolement et la dispersion des luttes ouvrières, et pour préparer une première action d'ensemble de la classe ouvrière, L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES doit devenir l'objectif principal des prochaines ripostes ouvrières à l'attaque capitaliste.


...ECHOS...


CHEZ RENAULT

A la réunion du secteur 13 des Usines Renault, secteur qui comporte environ 2.000 ouvriers, il y avait une dizaine de présents. C'était la première réunion syndicale depuis le 25 mai ! L'ordre du jour a été bâclé en vingt minutes et le responsable a récité Le Métallo et L'Unité, organes de la corporation.

Une dizaine de présents, alors que rien que les responsables aux différentes tâches dans le secteur (V.O. collectage, œuvres sociales, etc...) sont plus du double. Non seulement la grande masse des ouvriers, mais même leurs propres troupes se désintéressent de nos bureaucrates.

A LA DUCLANISATION

Ici la victoire n'est pas passée, le patron s'est abstenu de verser les 25% ! Par contre, pour ce mois, il affiche son bénéfice de 200.000. Les salaires, eux, sont de : 30 francs pour les femmes et 38 francs pour les hommes. On sort aussi vite que l'on entre dans l'usine, mais le travail est effectué.

En vrais "syndicalistes", les responsables de la C.G.T. font "leur" travail, c'est-à-dire que tout le monde doit être syndiqué, sous peine de renvoi. Comme argument attractif pour les non syndiqués, c'est très convaincant.

Un échantillon de comportement démocratique est un collecteur qui dit à une ouvrière n'ayant pas d'argent pour prendre sa carte et son timbre :

"Allons, fais pas d'histoire, sors ton pognon, on sait bien que tu l'as".

Et c'est le ton qui fait la musique.

– : – : –

Comme par le passé, les scandales à peine dénoncés sont aussitôt étouffés et finissent, sinon dans l'oubli, du moins dans l'impunité des principaux responsables. Et les victimes de ces scandales n'ont qu'à serrer d'un cran de plus leur ceinture.

Des travailleurs d'usine ont diffusé des tracts pour appeler les ouvriers à réagir par l'action contre les scandales et exiger un meilleur ravitaillement. Nous en reproduisons un ci-après.

Camarades,

Il y a quelque temps, la section syndicale nous faisait signer une pétition au Ministre du Ravitaillement pour demander de hâter la répartition du vin. Nous n'avons pas, pour cela, eu davantage de vin.

Seulement, aujourd'hui, la presse nous dévoile que des millions d'hectolitres ont été accaparés par les spéculateurs. Ainsi, tandis qu'on tentait de nous faire croire que des suppliques aux Ministres suffiraient à nous assurer un meilleur ravitaillement, MM. les capitalistes organisaient tout à loisir leur marché suivant leurs intérêts. A l'affaire du vin, s'ajoutent celles des légumes secs, de la farine, des points textiles, etc...

Et nous nous apercevons que les spéculateurs, les affameurs, sont des gens bien en place, protégés par leur "responsabilité", ceux-là même qui, il y a quelques mois, faisaient appel à "l'honnêteté" générale.

L'Huma rappelle qu'elle a dénoncé ces scandales depuis le 7 mars. Mais, puisqu'ils n'en ont pas moins continué, cela prouve l'impuissance de tous ces bavardages.

Et pendant que ces messieurs se remplissent les poches, nous, chez Renault, nous voyons nos rations diminuer tous les jours, à la cantine. Quant à la qualité, elle conviendrait plus à des cochons qu'à des hommes. M. Lefaucheux, qui ne sait pas trouver un moyen de nous nourrir convenablement, sait bien, par contre, nous expliquer qu'il faut travailler plus fort. En réponse, la section syndicale se contente de ne pas "être d'accord".

Quel crédit pouvons-nous accorder aux paroles de ces gens, quand, dans les actes, ils agissent contre nos intérêts. Il n'y a rien d'étonnant que les Frachon et les Jouhaux ne s'acharnent pas à nous défendre, car, que le résultat soit favorable ou non, ils auront tout de même leur bifteck et leur litre de vin.

Ces scandales prouvent que maintenant ce n'est plus une question de pénurie. Il y a de tout. Ce qui manque, c'est une organisation de la répartition conforme à nos intérêts.

Nous travaillons, nous donnons notre sueur après avoir donné notre sang, et le fruit de notre travail s'en va dans des scandales...

Mais, à quoi cela servirait-il de nous lamenter, si nous laissons faire ? Le plus grand scandale, ce serait que l'on continue à tolérer que le ravitaillement soit organisé par une bande de spéculateurs. Nous devons nous concerter pour organiser une protestation qui soit véritablement efficace. Il faut que nos exploiteurs sachent que nous sommes décidés à ne plus nous laisser faire.

Un groupe d'ouvriers de chez Renault


Chez Citroën (Gutenberg)

– A la chaîne des moteurs, la direction a retiré trois ouvriers de la chaîne. Mais le nombre des moteurs à sortir est toujours le même.


P.T.T.

L'administration postale interdit à son personnel de s'employer à l'extérieur. Mais pour subvenir à un salaire de famine, ce personnel peut effectuer dans les postes mêmes, de 6 h.30 à 9 h.30 du matin, au service des Californies, trois heures supplémentaires à 40 francs. Ces fonctionnaires arrivent ainsi à des journées de 11 heures de travail.


LA LUTTE DE CLASSES S'INTENSIFIE AUX COLONIES

Tandis que les gouvernements français et vietnamien signent un "modus vivendi" , la guerre continue là-bas, et chaque jour la presse nous relate des "incidents" où l'artillerie et l'aviation interviennent. Est-ce seulement l'Indochine qui est entrée dans une époque de bouleversement et de soulèvement permanents ? Non. Les grèves d'Egypte font écho à celles d'Iran ; les émeutes du Moyen-Orient répondent à celles d'Afrique du Nord ; les paysans des Philippines et de Corée se battent contre la domination "pacifique" et toute puissante des U.S.A., comme les peuples des Indes Néerlandaises contre la puissance chancelante de la Hollande. Les impérialistes avaient fait de la portion la plus considérable du globe une chasse gardée pour leurs profits. Elle est aujourd'hui le théâtre d'une lutte gigantesque, croissant chaque jour en ampleur et en intensité.

Face à ce mouvement révolutionnaire dont "même la bombe atomique ne saurait venir à bout", les puissances coloniales découvrent la démocratie, et affirment qu'elles ne sont là que pour préparer l'émancipation des peuples colonisés.

Mais en quoi se manifeste cette nouvelle politique "libérale" ? "Impossible d'accorder l'indépendance aux colonies, s'écrient les capitalistes et leurs perroquets fidèles, d'autres capitalistes prendraient notre place !" Mais, en vérité, est-ce contre telle ou telle puissance qu'est menée la lutte émancipatrice des peuples coloniaux ? Non ! Toutes les puissances sont logées à la même enseigne. Comme dit le dicton français : "Notre ennemi, c'est notre maître", et peu importe aux peuples asservis quel est ce maître.

Cependant les puissances colonisatrices voient maintenant se dresser devant elles des rivaux faibles, mais avides : les bourgeoisies indigènes. Celles-ci chassent peu à peu les propriétaires étrangers et mettent la main sur le capital investi par eux. Ainsi, le principal journal des Indes, le Times of India, porte-parole de l'impérialisme anglais, est entièrement contrôlé par des Hindous. Pour sauvegarder l'essentiel de leur domination, les puissances colonisatrices sont obligées de compter avec ces rivaux, et de garantir par des concessions politiques – indépendance formelle dans le cadre de l'Union Française ou du Commonwealth, accession à tous les postes administratifs, etc... – les positions économiques dont la bourgeoisie indigène s'est emparé. Voilà ce que signifie l'accession des "élites" au gouvernement des pays colonisés.

Que vaut cette nouvelle politique "libérale" ? Les événements de chaque jour nous l'apprennent : la guerre s'installe aux colonies de façon permanente, car si la force manque aux impérialistes pour écraser toute résistance, leur politique de concessions mêlées de répres-sion soulève continuellement de nouveaux conflits. Le corps expéditionnaire d'Indochine est bien incapable de venir à bout du Viêt-nam, mais sa présence est une source continuelle d'échauffourées sanglantes.

Pour le peuple de la métropole elle-même, cette politique signifie une misère accrue. L'entretien et le renouvellement du corps expéditionnaire et d'occupation pompent les finances du pays. C'est une source inépuisable d'inflation qui échappe à toute tentative d'"assainissement".

Pourquoi cette "nouvelle" politique coloniale porte-t-elle des fruits aussi amers ? C'est que la bourgeoisie indigène se montre incapable d'endiguer le raz de marée populaire qui, en balayant les "colonisateurs", tarirait une source appréciable de ses profits. Hô-Chi-Minh et Moutet peuvent s'embrasser, Le Monde (19-9) nous apprend que "les "extrémistes mènent une campagne contre le Président Ho-Chi-Minh, et ses adversaires organisent des réunions dans les localités des environs de la capitale." Tandis que les masses la bousculent en avant, la bourgeoisie indigène se raccroche à son adversaire étranger. Devant les grèves égyptiennes et les marches de la faim du Caire, l'ancien Premier Ministre Sedky Pacha déclare : "Nous n'aurions rien à gagner à nous débarrasser de notre alliance avec l'Angleterre." (Monde, 1-10).

Ainsi, dans sa lutte pour l'existence, la population coloniale ne trouve plus seulement devant elle les soldats des impérialistes : elle se heurte à ses propres gendarmes "nationaux". Sectes religieuses et gendarmes égyptiens collaborent dans l'assassinat des ouvriers révolutionnaires ; le gouvernement nationaliste des Indes Néerlandaises jette en prison les leaders communistes ; les militants trotskystes indochinois sont systématiquement assassinés. Devant la répression, les masses paysannes et le jeune prolétariat colonial apprennent à ne plus faire de différence entre ceux qui les exploitent.

Les défenseurs du colonialisme invoquent les liens internationaux qui lient tous les peuples pour s'opposer au mouvement d'émancipation du monde colonial. Sur la base de la domination des capitalistes, cette indépendance s'exprime par la guerre et la misère. Mais sur la base de la lutte contre le capitalisme, cette indépendance est justement l'arme principale aux mains des exploités, car elle permet d'unifier en une seule lutte celle des travailleurs des pays "avancés" et celle des millions d'esclaves coloniaux. Et tandis que les gouvernements colonialistes discutent pour savoir s'il faut "accorder" ou "ne pas accorder" l'indépendance (est-ce à eux de décider ?), c'est cette lutte mondiale qui en décide.

Cependant, dans l'indifférence et la passivité du prolétariat des métropoles, les capitalistes trouvent la  possibilité de sauvegarder, à travers le foisonnement des conflits nationaux, leur pillage international.

Comment sortir de cette situation ? Toutes les solutions sont mauvaises, si ce sont les capitalistes qui les appliquent. C'est seulement si à la tête de la France était une force démocratique – le gouvernement des ouvriers et des paysans – qui reconnaisse aux peuples les droits démocratiques élémentaires, y compris le droit de séparation, que le terrain serait déblayé pour une véritable entente entre le peuple de la métropole et ceux des colonies.


Aux Etats-Unis,

POURQUOI NOUS SOUTENONS LES MARINS ET LES CAMIONNEURS NEW-YORKAIS EN GREVE

Discours de Farrel Dobbs du Parti Ouvrier Socialiste (trotskyste). Extrait de The Militant du 21 septembre 1946

Vous avez lu les articles de la presse bourgeoise sur les grèves des marins et des camionneurs. Vous savez qu'une vaste propagande bien financée a été déclenchée pour soulever la colère et tourner le peuple contre les grévistes.

Je vais vous dire les faits que la presse n'a pas imprimé. Je vais vous dire qui est derrière les mensonges et les calomnies contre les grévistes et qui est réellement responsable des restrictions imputées à tort aux grévistes.

L'époque électorale est la saison où les bois sont pleins de soi-disant "amis des travailleurs". Les politiciens des deux plus grands partis, Démocrate aussi bien que Républicain, ont graissé leurs fusils électoraux et ont pris en chasse les votes des travailleurs. Ils ressortent leurs vieilles attrapes ‑‑les promesses dont ils se servent toujours dans la chasse aux bulletins de vote

Mais, même avant les élections, les faits se chargent d'éprouver leurs promesses. Pendant que Mead et Lehman, Dewey et Ives jurent de leur impérissable amour pour le peuple travailleur, leur parole est éprouvée par de grands événements et de grands combats.

Ici même, dans la ville de New-York, des dizaines de milliers de travailleurs ont été acculés aux plus acharnés combats grévistes pour défendre leur standard de vie. Ces hommes ‑‑ces pères de famille pour la plupart‑‑ travaillent à deux des plus dangereux et difficiles métiers. Ils sont marins et camionneurs.

Tout au long de l'année, ils risquent leur vie sur les voies maritimes et sur les grandes routes. Et tout ce qu'ils demandent, ce sont des conditions de travail décentes et un salaire suffisant pour assurer à leur femme et à leurs enfants une vie décente et saine.

Le cas des camionneurs

Prenons le cas des camionneurs. Ces hommes n'ont eu aucune augmentation pendant plus de deux ans. Leur dernière augmentation fut de 2,5 dollars par semaine. Quelqu'un peut-il, en toute conscience, soutenir que même les 30% d'augmentation qu'ils demandent puissent compenser l'augmentation que le coût de la vie a subi pendant l'année dernière ? Le Bureau des Statistiques du Travail des Etats-Unis admet que le coût de la vie s'est élevé de 11% rien que pendant les trois derniers mois, et tout le monde sait que ces statistiques sont au-dessous de la vérité.

Les gros propriétaires de transports routiers n'ont fait que voir leurs profits monter. Pendant toute la guerre, et jusqu'à ces jours, leurs camions ont travaillé jour et nuit. L'industrie routière a reçu une bonne part des fructueux contrats de guerre gouvernementaux.

L'industrie routière est protégée par des lois fiscales qui diminuent l'impôt sur les bénéfices avec des clauses qui couvrent les pertes. Leurs impôts sur les bénéfices ont été beaucoup réduits par le Congrès. Ils sont installés confortablement ‑‑c'est pourquoi ils peuvent rejeter avec arrogance les revendications des camionneurs. C'est pourquoi ils peuvent les insulter en leur offrant une augmentation d'environ 5 cents de l'heure. C'est pourquoi ils ont délibérément provoqué une grève.

Qui faut-il accuser ?

Avez-vous jamais transporté une charge de 30 tonnes dans un camion routier géant ? Avez-vous jamais essayé de conduire un camion à travers les rues embouteillées d'une ville, ou de descendre une colline gelée ? Avez-vous jamais aidé à charger 80.000 livres sur un camion, et puis aidé à le décharger et cela après avoir conduit pendant des heures ?

Vous ne trouverez pas un seul homme qui ait fait ce métier dangereux et éreintant pour condamner les chauffeurs en grève. Les journaux versent des larmes de crocodile parce que cette grève paralyse l'arrivée du ravitaillement. Ils hurlent au loup même quand le major O'Dwyer – qui n'en crie pas moins au loup lui-même – admet qu'il n'y avait pas de raison de s'alarmer.

S'il y a des restrictions dues à la grève, qui faut-il en accuser ? N'est-ce pas les arrogants patrons des transports routiers qui essaient d'éviter le paiement des augmentations légitimes ? Si les journaux bourgeois, les patrons et le major O'Dwyer sont tellement inquiets au sujet des restrictions, ils peuvent mettre un terme à cette situation à l'instant. Qu'ils satisfassent les justes revendications des travailleurs !

Mais puisque nous parlons de restrictions, je voudrais vous parler de quelques restrictions réelles que personne ne peut imputer aux grèves. Le peuple travailleur de New-York et de tout le pays est privé de viande. Ce manque de viande est provoqué par le stockage délibéré de la viande par le florissant trust de la viande de conserve.

Les grosses maisons de conserves ont fait de stupéfiants bénéfices pendant la guerre.

Ils ont détourné la viande vers le marché noir et violé tous les plafonds des prix. Ils volaient le peuple carrément – ou lui refusaient la viande.

Maintenant, l'O.P.A. a accepté une nouvelle augmentation des prix de vente, de 16 cts à la livre. Mais le trust qui détient la viande a supprimé le ravitaillement en viande comme on ferme un robinet. Une poignée de multimillionnaires accapareurs privent de viande la nation tout entière. Ils rançonnent le peuple par des prix de voleurs. Mais vous n'entendez pas de cris d'indignation à ce propos dans la presse, ou de la part du major O'Dwyer ou de quelqu'autre politicien du Parti Démocrate ou Républicain.

Les menaces d'O'Dwyer

Et maintenant O'Dwyer en vient à menacer les grévistes. Il menace d'employer la force contre eux. N'est-ce pas cela la signification de ses paroles à l'adresse de Daniel J. Tobin, président du Syndicat des Transporteurs, que s'il ne faisait pas cesser la grève, "il est très possible que des dommages et des effusions de sang en résulteraient" ? O'Dwyer est entré en fonctions il n'y a même pas un an, grâce aux votes des travailleurs. Aujourd'hui il menace de répandre leur sang.

O'Dwyer enfourche le cheval rouge. Il peste après les "rouges" et les "communistes". C'est une des plus vieilles méthodes pour essayer de salir les ouvriers en grève.

La grosse majorité des camionneurs a rejeté le compromis proposé par O'Dwyer. Ils ne sont pas en grève pour le plaisir de perdre leur paye. Ils n'opposent pas une telle résistance parce que des communistes ou quelqu'un d'autre les y a invités par un tract. Les hurlements de O'Dwyer sur les "communistes" sont une insulte non seulement à l'intelligence des camionneurs, mais pour tout le peuple travailleur de New-York.

Si par "communistes" O'Dwyer entend les staliniens du P.C. ‑‑n'a-t-il pas lui-même bien accueilli leur appui et leurs votes aux élections de novembre 1945 ?

Le cas des marins est un autre exemple du double jeu et de l'injustice à l'égard des travailleurs. Dans ce cas, une Commission nommée par le Président Truman a essayé de diminuer les augmentations accordées par les propriétaires des navires eux-mêmes.

Plus de 6.000 hommes de la Marine marchande sont morts en mer durant la guerre. La récompense des survivants fut une diminution de 45 dollars par mois après le jour V. Les armateurs, en récompense, reçurent des centaines de millions de dollars du gouvernement.

... Permettez-moi de dire aux camionneurs, aux marins, à leurs familles : Votre cause est juste ! Vous avez droit à l'appui de tout honnête homme ! Tenez bon ! Votre lutte est la lutte de tous les travailleurs !


CAMARADE SYMPATHISANT

Il ne faut pas croire que la révolution "tombe du ciel". C'est une œuvre collective qui nécessite non seulement l'effort constant de tous les militants, mais aussi la participation active de tous.

Tout le monde ne peut pas se consacrer à cette tâche ; mais il est nécessaire aux combattants de la révolution, pour accomplir leur travail, de se sentir entourés de la sympathie de milliers de gens, qui forment autour d'eux comme une couche protectrice.

Il est mille petites choses que chacun peut faire et qui facilitent la tâche des militants. Que ceux qui peuvent ainsi nous faciliter le travail, le fassent. Il n'est rien qui soit sans importance.

Certains lecteurs ne s'abonnent pas parce qu'ils trouvent plus commode de recevoir leur journal par des camarades qui le leur portent. Mais, ont-ils pensé à l'effort important que nécessite de la part de nos camarades cette transmission du journal de la main à la main (puisque nous ne pouvons pas le vendre dans les kiosques ?) Sans compter l'aide pécuniaire que représente pour un journal des abonnements réguliers.

Il ne faut pas croire que les petites sommes sont sans importance, "ne se voient pas". C'est justement en faisant rentrer régulièrement une masse de "petites sommes" que nous pourrons faire vivre notre journal.

Nous demandons donc à tous d'abonner tous les sympathisants, d'activer la rentrée des listes de souscription. Nous en ferons parvenir de nouvelles aux camarades par retour.

Nous avions annoncé que les premières listes seraient publiées cette semaine, mais nous attendons jusqu'à la fin du mois, puisque les listes de souscription envoyées à nos sympathisants avaient été validées pour tout le mois d'octobre.


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