1945 |
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE DE CLASSES Organe de l'Union Communiste (IVème Internationale). |
LA LUTTE DE CLASSES nº 48
11 juin 1945
"Toute cette affaire sent le pétrole", s'est exclamé un journaliste bourgeois à propos de l'attitude de l'Angleterre dans les événements de Syrie.
Oui, cette affaire sent le pétrole, la concurrence mortelle entre les capitalistes pour les sources de matières premières et les marchés, cause de guerres et d'oppression des peuples.
L'affaire de Syrie est la même que toute la vaste tuerie qui depuis 1939 ensanglante le monde pour le repartage du globe entre forbans capitalistes.
"Antifasciste", "cause commune des alliés", autant de mensonges. La guerre capitaliste pour le repartage du monde ne se fait pas suivant une ligne de partage entre "alliés" et "ennemis" mais, par un regroupement continuel, entre TOUTES les puissances impérialistes suivant la loi de brigands "du plus fort". L'Angleterre, qui a dû céder le pas définitivement aux Etats-Unis et dans une certaine mesure se soumettre à leur contrôle, s'étend au détriment de la France, puissance affaiblie.
De Gaulle vient d'avouer qu'un conflit aigu existait entre occupants français et anglais en Syrie, même pendant la guerre contre l'Allemagne, et pour mieux souligner l'attitude de l'Angleterre, il rappelle que la guerre contre l'Allemagne n'était pas encore finie que déjà les canons anglais tiraient sur des alliés en Méditerranée (affaire de Grèce).
Mais pourquoi s'est-il donc tu jusqu'à maintenant ? C'est parce qu'il voulait tromper le peuple et essayer de lui faire croire qu'en prenant parti pour les alliés il prenait parti pour le "droit", et qu'en compagnie des alliés il retrouverait la possibilité d'une vie meilleure. C'est dans ce sens que, depuis le 18 juin 1940, De Gaulle n'a cessé de parler de la "grandeur" de la France.
Mais dès 1940 nous avons averti les travailleurs sur la véritable position de la bourgeoisie française, affaiblie par les conflits impérialistes sans merci : "le rôle réactionnaire et anti-national de la bourgeoisie, complètement dévoilé par la guerre, s'exprime actuellement (novembre 1940) sans équivoque dans l'action de ses deux sauveurs : Pétain et De Gaulle. Par l'un, elle se jette dans l'étreinte mortelle de Hitler, par l'autre elle lutte pour la revanche, pour un nouveau Versailles dicté par l'impérialisme anglais. Mais dans un cas comme dans l'autre, son rôle ne peut plus être que celui d'exécutant docile. Plus que jamais la domination de la bourgeoisie signifie pour la France bassesse et servilité".
La guerre a définitivement rejeté la France capitaliste au rôle d'une puissance de seconde zone. La "grandeur" dont parle De Gaulle n'est que de la poudre aux yeux. A l'aide de cette tromperie il sacrifie le plus clair de la force du pays à une politique de pillage des peuples plus faibles en faveur des capitalistes français Mais dans cette voie il rencontre des rivaux et des concurrents plus puissants, dont le but est également d'anéantir les plus faibles. Cette caverne de voleurs s'appelle "politique internationale". Dans cette voie, les capitalistes français ont provoqué la ruine du pays et le mènent à de nouvelles souffrances et humiliations.
Malgré leurs proclamations hypocrites sur une NOUVELLE politique d'entente avec les peuples coloniaux, les actes de la bourgeoisie française aboutissent infailliblement à la destruction, par le fer et par le feu, des indigènes, comme en Afrique et en Syrie. Au lieu de donner "un nouvel éclat à la France dans le monde", la bourgeoisie suscite contre elle une haine égale à celle que la bourgeoisie allemande a attiré sur le peuple allemand...
La continuation de la domination de la bourgeoisie française exclut toute collaboration pacifique de la France avec d'autres peuples, avant tout avec les peuples exploités et opprimés EN SON NOM. Car à l'heure où les peuples arabes, et de toutes les colonies en général, ont commencé la lutte pour secouer le joug impérialiste, la bourgeoisie française en est devenue la première "victime".
Cette collaboration absolument vitale au point de vue économique au peuple français n'est plus possible que si à la tête du pays arrive une classe nouvelle qui, par son passé politique, ses intérêts et son idéologie, soit la négation même du passé, des crimes, des intérêts et de la morale impérialistes de la bourgeoisie : LE PROLETARIAT FRANCAIS.
La prise du pouvoir par la classe ouvrière ferait s'écrouler non seulement tout le système de pourriture et d'oppression capitaliste érigé par la bourgeoisie en France, mais aussi porterait un coup mortel au pillage économique dans le monde entier, PAR LE SOUTIEN DU DROIT DE TOUS LES PEUPLES A DISPOSER D'EUX-MEMES (reconnaissance "sans condition" de leur indépendance).
C'est seulement ainsi que basée sur l'échange économique librement consenti, la collaboration entre le peuple français et les autres pays, avant tout les peuples coloniaux, prendrait un caractère pacifique et fraternel et permettrait un nouvel essor économique. Hors de cette collaboration socialiste, le peuple français marche sur les traces de l'Italie.
Seul le prolétariat peut donner à la France "un nouvel éclat dans le monde" en contribuant d'une façon résolue à l'établissement des Etats-Unis socialistes d'Europe et du Monde.
LA LUTTE DE CLASSES
"Le gouvernement a décidé qu'avant la fin de cette année le pays serait consulté. Il n'a pas arrêté sous quelle forme. ...Le moment venu LE GOUVERNEMENT et MOI-MEME ferons connaître au pays ce qui NOUS paraît souhaitable et ce à quoi NOUS l'invitons" – a déclaré De Gaulle au sujet des prochaines élections.
Là-dessus les stratèges politiques qui pour l'instant "dirigent" la classe ouvrière épiloguent sans fin sur la forme "la plus souhaitable" de la consultation de la volonté populaire. G. Cogniot, dans l'Humanité, ne désespère pas de convaincre De Gaulle que le retour à la Constitution de 1875 ou le plébiscite sont des solutions anti-démocratiques : il voudrait que De Gaulle se décide, conformément à ses propres engagements antérieurs, pour l'élection démocratique par "tous les hommes et toutes les femmes de chez nous d'une Assemblée nationale qui décidera SOUVERAINEMENT des destinées du pays".
Cogniot fait le même travail que le prêtre de la démocratie Blum, qui explique dans Le Populaire suivant quel rite juridique doivent avoir lieu les élections.
Mais en posant ainsi la question, ils favorisent tous deux les plans des ennemis de la démocratie ; car tout en faisant la distinction politique entre le plébiscite et "l'Assemblée souveraine", ils n'en contestent pas un instant au gouvernement et à De Gaulle lui-même le pouvoir SOUVERAIN de prendre une décision. Or, dans les plans de la bourgeoisie, dont les hommes sont actuellement au gouvernement, c'est justement "l'Assemblée nationale souveraine" qui est exclue.
Depuis le 6 février 1934, par la pression de ses bandes armées fascistes, par la mobilisation de toutes ses forces réactionnaires derrière ses Doumergue, Flandin, etc..., la bourgeoisie a essayé de mater le prolétariat. La classe ouvrière a enrayé ces attaques par sa pression, en se mobilisant par la grève générale et en ripostant par la force aux bandes fascistes. Dans ce conflit à mort, il ne s'est jamais trouvé d'arbitre impartial capable de concilier les intérêts de classe. Aucun gouvernement, fut-il celui de Front Populaire en 1936, n'a fait autre chose que d'être un instrument entre les mains du Grand Capital contre les masses ouvrières. Celles-ci pour se défendre contre la bourgeoisie, n'ont eu d'autre arme que LA GREVE GENERALE ; et c'est seulement grâce à elle et malgré leurs chefs politiques incapables d'attaquer qu'elles ont pu empêcher un écrasement total. Après le gouvernement bonapartiste de Daladier (1938-1940) la bourgeoisie crut pouvoir réaliser ses plans avec Pétain. Cependant celui-ci n'a pas réussi à obscurcir la conscience des masses et apparaître comme le "sauveur de la nation" ; il est apparu aux yeux du peuple comme le sauveur de la bourgeoisie.
Après Pétain, De Gaulle a été présenté aux masses travailleuses comme le "vrai sauveur" du peuple. Mais après quelques mois de gouvernement, il s'est démasqué comme agent de la bourgeoisie, accomplissant les plans de celle-ci. Qui peut aujourd'hui s'imaginer que De Gaulle homme de la bourgeoisie, issu de la caste militaire qui, par son langage et par ses manifestations politiques aspire au pouvoir personnel pourrait, sur la question capitale du "pouvoir constituant" donner effectivement "la parole au peuple" ?
Une constitution nouvelle signifie pour les masses travailleuses une réforme totale du système qui a permis à la bourgeoisie de ruiner la nation ; C'EST DONC UNE CONSTITUTION CONTRE LA BOURGEOISIE.
Voilà pourquoi dans les plans de la bourgeoisie c'est justement l'Assemblée constituante souveraine qui est exclue. Au contraire, la situation présente de la bourgeoisie, la nécessité de diminuer plus que jamais le niveau de vie des masses et empêcher en même temps celles-ci de bouger, lui dicte plus que jamais de se soustraire ENTIEREMENT au contrôle électoral démocratique.
Voilà pourquoi De Gaulle, pour endormir les masses et les mettre brusquement devant la nécessité de choisir, impréparées, refuse de préciser sa pensée au sujet des élections : il est probable qu'il aura recours au référendum plébiscitaire "choisir entre quelque chose et le néant", et comme le prouve abondamment l'histoire du pays, LE PLEBISCITE C'EST LE MOYEN DU BONAPARTISME ET DU COUP D'ETAT.
Peu importe d'ailleurs que De Gaulle choisisse le plébiscite (demander au pays d'accepter ou de rejeter une constitution établie d'avance par le gouvernement), ou l'élection d'une Chambre et d'un Sénat ; la bourgeoisie a entre ses mains tous les leviers de commande ; dans l'appareil étatique les postes essentiels, là où se prennent réellement les décisions (les Bureaux), sont détenus par des réactionnaires ou des fascistes, même quand le responsable apparent (ministre) est un "socialiste" ou un "communiste". La bourgeoisie est toujours assurée de trouver dans le Parlement une majorité docile, QUAND ELLE A PU EN DEHORS DES ELECTIONS S'ASSURER UNE FORCE MATERIELLE IMPOSANTE EN FACE DES MASSES TRAVAILLEUSES SANS DIRECTION ET SANS ORGANISATION DE COMBAT PROPRES. C'est une Chambre et un Sénat élus par des élections à gauche qui ont permis l'instauration du régime des décrets-lois et ont ensuite donné les pleins pouvoirs à Daladier et le pouvoir constituant à Pétain.
LA QUESTION SE RESUME DONC AU RAPPORT DE FORCES.
Le crime des "stratèges" de la classe ouvrière, c'est de ne pas dévoiler aux masses les plans de la bourgeoisie, empêchant ainsi leur mobilisation. Car c'est seulement en mobilisant à temps les masses dans une lutte directe sur chaque question débattue entre le prolétariat et la bourgeoisie, que le rapport de forces devient favorable aux classes travailleuses. Dans le combat gréviste ou dans la lutte physique contre les fascistes dans la rue, LES MASSES TRAVAILLEUSES RETROUVENT LEUR AVANTAGE ; parce que sur ce terrain les réactionnaires et les petits bourgeois trompés, qui dans les élections font masse, se terrent chez eux et n'ont aucun poids dans la balance. Paris électeur, avec une majorité votante de gauche, se retrouve minoritaire dans le Parlement, Paris révolutionnaire recourant à l'action directe donne automatiquement le ton à tout le pays, VOILA CE QUE PROUVE L'EXPERIENCE DE TOUTES LES REVOLUTIONS FRANCAISES DEPUIS 1789.
C'est aux ouvriers conscients de dévoiler les plans de la bourgeoisie à la classe ouvrière et l'inciter à ne compter que sur sa propre action. Toute l'histoire de la bourgeoisie montre que jamais une Constitution nouvelle n'a pu naître sans que les masses travailleuses n'aient été MAITRES de la situation et n'aient DESARME les classes dominantes et rétrogrades.
Nous devons donc poser aux travailleurs la question : êtes-vous prêts à soutenir la lutte pour une nouvelle Constitution par votre force et par les armes ? Vous y préparez-vous, exercez-vous un contrôle sur vos chefs, leur demandez-vous des comptes de leur activité et de leurs plans ? Car si vous les laissez continuer à prétendre au "double jeu" (lutter contre la réaction tout en soutenant le gouvernement réactionnaire) la bourgeoisie finira par nous écraser, comme elle a réussi à le faire en Allemagne.
Mais si vous êtes prêts par votre force et votre activité de tous les jours à vous opposer aux plans de la bourgeoisie et à donner votre appui à une constitution nouvelle, alors n'attendez pas qu'on vous convoque pour les élections. Car qui vous donnera cette Constitution ? Une Assemblée choisie par le vote dans l'ancien personnel politique, parmi ceux que vous connaissez déjà par leurs compromissions et leur piétinement sur place, les stratèges à la Cogniot et Blum, dont le métier est de convaincre le représentant du coup d'Etat d'être un démocrate ?
Renouvelez les hommes et les rapports politiques dans le pays en élisant dans chaque action que vous menez ceux qui se sont montrés les meilleurs et les plus dévoués, dans des Comités d'action responsables devant vous et révocables par vous !
Organisez dès maintenant votre force dans des Milices ouvrières !
La classe ouvrière et toutes les masses travailleuses ne manquent pas de milliers d'éléments énergiques, intelligents et dévoués jusqu'à la mort. C'est seulement l'initiative de ceux-ci, appuyée sur la force des travailleurs, qui pourra empêcher De Gaulle d'arriver au coup d'Etat et renverser le système qui a permis à la bourgeoisie de ruiner la France.
De nombreuses usines, dans des Assemblées syndicales, ont voté l'exclusion de Jouhaux de la CGT. Voici ce qu'écrit à ce sujet un organe d'usine (L'opposition syndicale Lutte de Classes Citroën) :
"Cette décision de nos camarades est tout à fait juste. Les ouvriers connaissent Jouhaux pour sa politique de trahison des intérêts de la classe ouvrière et d'agent du patronat, qu'il cachait derrière un soi-disant réformisme. Mais en 1939 Jouhaux s'est démasqué ouvertement comme un élément étranger aux principes même qui sont à la base du syndicalisme. En effet, sous prétexte du pacte germano-soviétique Jouhaux, sur l'ordre de la bourgeoisie, a brisé l'unité syndicale en exigeant des adhérents ou responsables de la CGT de se prononcer pour ou contre la politique soviétique ; ce qui a amené l'exclusion de nombreux militants. Or, les principes du syndicalisme exigent la liberté d'adhérer et de militer dans le Syndicat pour tout ouvrier partisan de la défense des intérêts ouvriers contre la patronat, indépendamment de sa confession ou de ses opinions politiques.
Si tous les dirigeants syndicaux font aujourd'hui bloc autour de Jouhaux, c'est qu'ils mènent eux-mêmes contre les éléments révolutionnaires dans le Syndicat une politique de répression. Qu'ils prennent garde ! Le sort de Jouhaux sera leur propre sort s'ils persistent dans la voie qu'ils ont prise."
L'organisation anti-communiste dite des "Anciens Combattants du Front Intérieur", siège social rue François 1er, sous le couvert de l'Eclair-Journal et Ciné-Press, recrute dans les milieux militaires (officiers et sous-officiers) en se servant, comme moyen d'action, des amicales de régiment.
Le responsable ou chef de la propagande est un nommé Desgrace, avocat, ancien sergent au 22ème régiment de Marche. Le dit Desgrace se vantait en octobre 1944 d'une organisation militaire à laquelle rien ne faisait défaut, de 4.000 hommes, et du soutien de De Gaulle (subventions).
Sous l'occupation, cette organisation avait des facilités de circulation (ordre de mission, etc...) pour se déplacer tant dans les territoires "libres" que dans ceux occupés, et de l'un à l'autre.
Le Parti Communiste averti en automne 1944 de l'activité de cette organisation, s'est contenté de déposer une plainte au Procureur de la République, à un moment où les Milices Patriotiques étaient dans toute leur gloire...
Résultat, cette organisation continue son activité sous la protection bienveillante de l'Etat-cagoule...
Comme en 14-18, la politique des social-chauvins a été tout au long de cette guerre "Mort aux Boches", sous prétexte que tous les Allemands étaient complices de la politique de leur bourgeoisie. En même temps les social-chauvins continuaient à s'intituler communistes et socialistes.
Mais l'essence du communisme ou du socialisme, c'est la solidarité internationale des travailleurs. En agissant contre cette solidarité, les social-chauvins rampent servilement devant la bourgeoisie qui, elle, mène la lutte SANS INTERRUPTION contre le communisme ou le socialisme, sous prétexte que ces "utopies" affaiblissent l'union nationale et mettent en danger toutes les classes devant la menace extérieure. En effet, si dans la personne de la classe ouvrière allemande, un des chaînons les plus importants de la solidarité communiste s'est rompu, le Parti communiste français par son action de 1924 contre l'occupation de la Ruhr, ne serait-il pas responsable du relèvement du "militarisme allemand" ?
Mais si on n'accepte pas ce raisonnement, il faut pouvoir répondre à la question : pourquoi le prolétariat allemand n'a-t-il pas accompli sa révolution ? De la réponse à cette question dépendent les tâches et le sort du mouvement ouvrier.
La défaite de 1933 du Prolétariat allemand
La classe ouvrière peut toujours se relever d'un combat même si celui-ci lui a été défavorable. Mais la défaite de 1933 du prolétariat allemand a été une catastrophe parce que ses chefs le firent capituler devant Hitler sans combattre.
Même au pouvoir Mussolini n'a pu vaincre d'un seul coup toute opposition de la classe ouvrière sans une série de combats d'arrière-garde. Mais en Allemagne, où avant 1933 il y avait une armée prolétarienne sur pied de guerre bien plus considérable qu'en Italie, les chefs socialistes et communistes ont commandé aux travailleurs : bas les armes ! Ils justifièrent cette politique en répétant encore six mois après l'arrivée de Hitler au pouvoir que celui-ci ne s'y maintiendrait pas longtemps ; grâce à l'inactivité des partis ouvriers, la bourgeoisie avait réussi à SUBMERGER le pays de ses bandits armés (tels les miliciens de Darnand, Doriot, etc. en France) et en écrasant la classe ouvrière, avant-garde socialiste, enlevait aux autres couches de la nation tout autre guide si ce n'est celui de la bourgeoisie impérialiste.
Or, une défaite sans combat est la plus terrible des défaites. Elle démoralise la classe ouvrière et lui fait perdre toute confiance dans ceux qui l'y ont menée. Par leur politique, les partis réformiste et stalinien ont discrédité aux yeux des ouvriers le drapeau même du communisme et du socialisme dont ils se réclamaient.
C'est ainsi que le fascisme, grâce à la faillite morale de la social-démocratie et surtout des staliniens, a obtenu un succès décisif : la répression menée à une échelle sans précédent, aboutit non pas seulement à la paralysie momentanée, MAIS A LA DISPARITION des organisations de la classe ouvrière allemande.
Dans ces conditions de démoralisation et d'atomisation de la classe ouvrière allemande, celle-ci ne pouvait plus compter pour son relèvement que sur un appui extérieur. Mais là encore les réformistes et les staliniens ont mené une politique qui n'a servi que les intérêts de nos ennemis.
Trotsky disait en 1937 : "Il est nécessaire d'avoir en France un mouvement révolutionnaire. Si nous disons que tout le peuple, le prolétariat et la bourgeoisie, doit combattre l'Allemagne fasciste, Hitler dira alors : "Vous voyez que toute l'humanité est contre la nation allemande". C'est le meilleur climat, le ciment national que Hitler possède. Il s'en est nourri. Il est nécessaire de continuer l'opposition révolutionnaire au gouvernement en France en vue de donner la possibilité à la révolution de se développer en Allemagne".
Mais les partis réformiste et staliniste n'ont pas mené pendant la guerre une politique internationaliste, mais une politique de résistance impérialiste aux ordres des alliés.
La coalition de la bourgeoisie internationale
En portant le fascisme au pouvoir la bourgeoisie allemande a écarté le danger de la révolution prolétarienne. C'était là le but qui intéressait la bourgeoisie mondiale et elle en fut complice.
C'est pourquoi Trotsky, en s'adressant à l'Union Soviétique, préconisait en 1933, aussitôt après l'arrivée de Hitler au pouvoir, une guerre préventive pour abattre son régime avec l'appui du prolétariat mondial. Mais Staline avait déjà inauguré une politique de coulisses de diplomatie secrète et d'entente avec la bourgeoisie qui l'empêchait de voir le danger et la catastrophe qui allait s'abattre sur l'URSS.
Comme conséquence de la guerre, la bourgeoisie redoutait avant tout la révolution prolétarienne. Aussi sa politique tendait-elle de toutes ses forces à diviser le monde ouvrier et à semer la haine entre les peuples. Mais en ce qui concerne les relations des capitalistes entre eux, voici ce qu'en disent les Izvestia : "La guerre n'a pas rompu les liens économiques internationaux du capitalisme allemand".
Maintenant que la guerre contre l'Allemagne est finie, l'atomisation du prolétariat allemand réalisée par le fascisme est maintenue et RENFORCEE par les alliés, du fait du découpage du pays, de la dispersion des travailleurs prisonniers et des lois de gouvernement militaire. La presse fait état de l'utilisation de cadres nazis pour le "maintien de l'ordre". Les églises sont le seul endroit où les réunions soient permises. Et si les ouvriers français oublient trop souvent que dans les horribles camps de concentration de Dachau et d'ailleurs les fascistes ont torturé d'abord des militants ouvriers allemands, les Alliés, eux, ne se gênent pas de traiter en pairs les généraux allemands Goering, Busch, Paulus, etc. Les Alliés ont achevé l'œuvre du fascisme : détruire une des principales forces prolétariennes d'Europe, la classe ouvrière allemande.
L'Allemagne, image de notre avenir capitaliste
Monmousseau lui-même, qui par ailleurs est un des plus répugnants social-chauvins, est obligé de dévoiler le caractère de classe du nazisme : "Entre l'aristocratie enjuponnée du faubourg St-Germain qui, au lendemain de la semaine sanglante, plantait la pointe de ses ombrelles dans les yeux des Communards enchaînés, et la clique dirigeante du parti nazi il n'y a qu'une différence de race". (Vie Ouvrière 26-4-45).
Le fascisme a en effet son origine dans la lutte de classes. La bourgeoisie allemande qui, tout comme à l'heure actuelle la bourgeoisie française, voulait maintenir sa "grandeur" dans le monde malgré sa défaite de 1918, visait à rejeter tout le poids de la décadence de son régime social sur les masses travailleuses. Elle devait pour cela écraser en premier lieu la classe ouvrière, avant-garde de la lutte anti-capitaliste. La bourgeoisie n'a pas hésité dans ce but à nourrir, à financer et à lancer contre le prolétariat la canaille déclassée de toutes les classes, spécialement de la petite-bourgeoisie organisée en bandes fascistes. C'est le désespoir collectif d'une petite-bourgeoisie ruinée et acculée à la faillite qui a permis au fascisme d'organiser ses bandes, scientifiquement ensauvagées.
Toutes les bourgeoisies européennes se trouvent actuellement devant la même situation qu'a connue la bourgeoisie allemande. Etant donné la part de plus en plus décroissante du capitalisme européen dans le monde, la bourgeoisie se trouve dans la nécessité d'écraser les masses sous le fardeau du militarisme et de sa décadence économique. Elle n'hésite pas pour cela à ouvrir les écluses de la barbarie, que l'on sent monter tous les jours. S'il y a une différence de race, l'Allemagne ne fait que nous devancer dans le temps, si la bourgeoisie doit rester maîtresse des destinées de ce pays.
Si l'exemple de l'Allemagne démontre quelque chose, c'est justement qu'il ne faut pas lui emboîter le pas, qu'il ne faut pas continuer ses méthodes contre d'autres victimes, qu'il ne faut pas aider notre bourgeoisie à traiter l'Allemagne et d'autres pays (colonies, etc...) comme Hitler traitait l'Europe...
Il faut au contraire se pénétrer du danger terrible qui en découlerait pour nous et s'en faire une volonté d'étouffer la source de barbarie que représente notre propre bourgeoisie et pour tous les ouvriers la bourgeoisie de leur propre pays. La tâche des communistes à travers le monde reste : relier la chaîne de solidarité internationale de tous les exploités contre l'impérialisme.