1944 |
PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS UNISSEZ-VOUS ! |
LA LUTTE DE CLASSES nº 33
On reprend les mêmes et on recommence
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La deuxième guerre impérialiste mondiale est devenue pour l'Allemagne une aventure encore plus catastrophique que celle de 14-18.
Malgré les succès "prodigieux" du début, le rapport des forces à l'échelle mondiale s'est avéré écrasant, surtout parce que le régime issu de la révolution d'Octobre 17 en Russie s'est montré, en dépit de ses insuffisances et de ses tares, d'une solidité à toute épreuve.
Mais Hitler, Goering et le régime national-socialiste, directement responsables aux yeux du peuple allemand de cette guerre "victorieuse" qui n'était qu'une course à l'abîme, ne pouvaient plus laisser paraître le moindre doute, la moindre hésitation sur la continuation de la guerre.
Ce sont les généraux de la Wehrmacht, moins compromis mais aussi responsables, qui ont essayé de conjurer la catastrophe : car il ne s'agit pas seulement d'arrêter une aventure qui a déjà épuisé la nation allemande, mais d'éviter qu'une continuation désespérée de la lutte ne provoque un soulèvement du peuple qui emporterait, avec le régime de Hitler, la domination économique et sociale de la bourgeoisie.
Les généraux de la Wehrmacht ont voulu se débarrasser de Hitler, de même qu'en Italie le roi et Badoglio s'étaient débarrassés de Mussolini pour se sauver eux-mêmes et sauver le régime capitaliste de la vague populaire qui montait. Mais en Italie le régime fasciste, vieux de 22 ans et nourri uniquement de défaites, était trop pourri pour opposer la moindre résistance, et Mussolini fut débarqué "légalement". Au contraire, en Allemagne, le régime national-socialiste, fort de victoires politiques et militaires antérieures, a conservé suffisamment de puissance pour que Hitler ne puisse pas être renversé sans violence.
C'EST POURQUOI, EN PRESENCE D'UN DANGER QUI MENACE A TOUS LES INSTANTS D'ENGLOUTIR L'ALLEMAGNE OFFICIELLE, LES GENERAUX ONT EU RECOURS LE 20 JUILLET A LA BOMBE ET A LA REVOLTE CONTRE HITLER.
Si le plan des généraux avait réussi, on aurait assisté à une répétition de ce qui s'est passé en Italie. Tombé entre leurs mains, le pouvoir leur aurait servi à négocier une capitulation avec les alliés et à assurer leur domination sur l'Allemagne vaincue.
Leur plan a échoué. Mais en manquant leur coup "bref et décisif", ils ont préparé ce que précisément ils voulaient éviter : LA CHUTE DU FASCISME PAR LA REVOLUTION DES MASSES.
Leur acte désespéré vient en effet de révéler la profonde scission et le complet désarroi qui se sont produits dans les milieux dirigeants sur la question de la guerre et de la paix. La révolte des généraux contre Hitler, c'est le coup de tonnerre qui avertit le peuple allemand et les soldats qui se battent sur tous les fronts, qu'il n'y a plus aucun espoir, ni chez Hitler, ni chez les généraux, que ce soit pour la guerre ou pour la paix ; C'EST LE SIGNAL POUR LES MASSES DE SE SAUVER ELLES-MEMES !
Au moment où les dirigeants ont perdu la tête, les travailleurs et les soldats allemands qui, depuis longtemps ne veulent plus vivre comme par le passé, ne peuvent manquer de répondre à ce signal venu d'en haut, PAR LEUR PROPRE LUTTE POUR LA PAIX.
Mais si les masses se mettent en mouvement pour la paix, elles ne s'arrêteront pas à mi-chemin et n'accepteront pas la domination des généraux sur le pays vaincu : LA LUTTE POUR LA PAIX DEVIENDRA LA LUTTE REVOLUTIONNAIRE POUR LE PAIN ET LA LIBERTE, C'EST-A-DIRE POUR LE RENVERSEMENT COMPLET DE LA BOURGEOISIE.
Déjà les alliés, qui veulent voir s'établir en Allemagne une clique réactionnaire et conservatrice nécessaire à leurs intérêts, comme celle de Pétain l'a été pour Hitler, emploient leurs valets social-patriotes pour essayer de tromper le peuple allemand : la Fédération Internationale de la Métallurgie, dont le siège est à Londres, vient d'appeler les ouvriers allemands à soutenir les généraux. Or, qui a trouvé Hitler, qui l'a soutenu, qui a facilité son accession au pouvoir, sinon les généraux allemands et le corps des officiers, responsables de la défaite de 1918 et qui cherchaient un appui contre le peuple ?
Ce jeu des social-patriotes dans les affaires intérieures de l'Allemagne correspond à leur politique d'agents de la bourgeoisie dans les pays alliés, où ils ne cessent d'exciter les ouvriers au chauvinisme et à l'extermination des "Boches".
Mais ni les travailleurs allemands, ni les travailleurs des autres pays ne se laisseront abuser par les social-patriotes. Les travailleurs allemands, malgré l'épuisement terrible dû au fascisme et à la guerre, renoueront avec leur passé de luttes du temps de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht, et créeront leur propre pouvoir, celui des Conseils d'ouvriers, de paysans et de soldats. Tandis que les travailleurs des autres pays soutiendront la lutte du prolétariat allemand en ouvrant le combat contre leur propre bourgeoisie.
Les social-patriotes des IIème et IIIème Internationales ne peuvent pas sortir le peuple allemand ni les autres peuples de la longue série de calamités accumulée par trente années de conflits impérialistes. Mais les travailleurs trouveront dans la politique internationaliste et révolutionnaire de la Quatrième Internationale la guide qui les mènera au renversement de la bourgeoisie et à la victoire du socialisme.
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Proletarier aller Länder, vereinignt-Euch !
Workers of the world, unite !
De nombreux ouvriers pensent que la présence de deux chefs "communistes" dans le gouvernement d'Alger augmente l'influence du peuple dans le gouvernement.
Or, on vient d'apprendre que Maurice Thorez, camarade et chef des ministres "communistes" Grenier et Billoux s'est vu refuser le visa d'entrée à Alger : car la bourgeoisie n'oublie pas que Thorez a été interdit de séjour en 1940 en qualité de déserteur, et contre cela Grenier et Billoux au pouvoir ne peuvent rien. Mais, si le fait que les chefs "communistes" sont devenus patriotes n'annule pas les jugements des tribunaux de 1940, ces milliers de militants communistes condamnés en 1940 comme saboteurs et défaitistes, ont toujours leur dossier à la police judiciaire et seront traités comme tels par De Gaulle, malgré Grenier et Billoux. Les militants communistes ne doivent pas permettre à leurs chefs de RENFORCER plus longtemps par leur présence au Comité d'Alger la bourgeoisie, qui prépare déjà au grand jour sa répression contre eux-mêmes et la classe ouvrière : ils exigeront des chefs communistes de prouver leur fidélité à la classe ouvrière en quittant le gouvernement d'Alger pour lutter avec les masses et les militants communistes contre tout gouvernement bourgeois !
De nombreuses manifestations ont marqué la journée du 14 juillet. Dans la région parisienne, des foules de travailleurs, portant la cocarde tricolore, ont parcouru les rues des quartiers populeux et des banlieues en chantant la Marseillaise et aux cris de "A bas Hitler !". Elles ne se dispersèrent qu'aux premiers coups de feu tirés en l'air en guise d'avertissement par le service d'ordre (police, milice, Gestapo).
Malgré la provocation de la Milice, il n'y eut que quelques victimes isolées. Car les soucis actuels de la Kommandantur sont vraiment trop grands pour qu'elle veuille risquer de faire déborder la coupe des souffrances infligées à la population parisienne, par des coups de feu tirés sur une foule dont l'intention n'était que de lui crier à la face sa haine et son mécontentement.
14 juillet, cocardes tricolores, la Marseillaise, et les cris de "la police avec nous" : mais ce n'était pas une manifestation de capitalistes, d'officiers, de curés et de politiciens. Sous le drapeau de la bourgeoisie se trouvait une foule de militants ouvriers qui avaient entraîné avec eux une partie des couches populaires. Et la plupart de ces militants et militantes ne se sentaient pas à l'aise avec le tricolore des exploiteurs "rougi du sang des travailleurs" (Marx) et la Marseillaise serrait la gorge à ces travailleurs habitués à entonner l'Internationale.
Bien sûr, ils pensaient que ce n'était là que tactique, diplomatie et tromperie. Mais les trompés c'étaient eux ; eux dont on utilise le dévouement et les aspirations communistes pour mener la vieille politique de faillite et de trahison des social-patriotes de 14-18, la collaboration des classes.
C'est cette politique qui finalement a mené au fascisme l'Italie (1922), l'Allemagne (1933), l'Autriche (1934) et l'Espagne (1939) et qui a préparé en France la voie à Daladier, précurseur de Pétain.
Mais que les travailleurs communistes qui ont manifesté le 14 juillet y pensent : cette politique est devenue aujourd'hui plus dangereuse que jamais : car les contradictions terribles accumulées par le régime bourgeois exigent rapidement une solution SOCIALISTE sans laquelle nous sommes destinés à une exploitation économique et politique sans précédent.
A bas la collaboration de classes !
Vive la lutte de classes !
Quand, en novembre 1918, les capitalistes français obtinrent la victoire grâce au sang versé par les ouvriers et les paysans, toutes les promesses et tous les espoirs que les bourreurs de crânes avaient fait miroiter pendant quatre ans, s'avérèrent des mensonges.
La guerre terminée, Clémenceau maintint le régime d'exception qui opprimait les masses (censure, police, etc...) ; les classes qui attendaient la démobilisation avec impatience furent maintenues sous les drapeaux et on parlait de les envoyer contre les Soviets ; la guerre n'offrant plus de débouchés à l'industrie, le chômage s'accrut et, la crise économique s'intensifiant, ce furent les interminables queues devant les boulangers et les charbonniers. Malgré le chômage, le patronat n'entendait pas diminuer les horaires de guerre et le salaire aux pièces baissa. Poursuivant sa politique de classe, la bourgeoisie entreprit d'éliminer des usines les ouvriers syndicalistes en exigeant cinq certificats de travail sans interruption, la production du casier judiciaire et la situation de famille, en même temps que l'établissement d'une fiche photographique avec empreintes digitales. Tel est le régime que la bourgeoisie française victorieuse entendait imposer aux travailleurs qui avaient laissé 1.500.000 des leurs sur ses champs de carnage.
Dès le printemps de 1919, des masses d'ouvriers, mus par un réflexe défensif, affluèrent dans les syndicats et, par une vague de grèves générales et partielles successives, qui traversa toute la France jusqu'en 1920, les métallos, les mineurs et les cheminots enrayèrent l'offensive du Capital et obtinrent la journée de 8 heures, la semaine de 44 heures et assurèrent au prolétariat ses libertés politiques et syndicales, tandis que les révoltes dans l'armée et la marine (mutinerie des marins de la Mer Noire) empêchaient l'intervention en Russie, c'est-à-dire le recommencement de la tuerie.
Seule cette lutte de classe implacable fit échec aux plans éhontés du capital et l'obligea à accorder aux travailleurs des conditions de vie supportables.
Mais aujourd'hui que, depuis cinq ans, nous sommes épuisés, meurtris, saignés à blanc, dans les usines et sur les champs de bataille, par les tanks, les obus, les bombardements et la famine, et que nos organisations ouvrières sont détruites, les bourreurs de crânes de la radio et de la presse qui ont passé la guerre dans les studios d'émission et les salles de rédaction, viennent encore nous abreuver d'histoires d'héroïsme et de sacrifice.
Oui, nous avons besoin de luttes et de sacrifices pour sortir de la situation où nous ont réduits les impérialistes. Mais notre lutte ne se mène pas sur les champs de bataille où meurent les esclaves du capital, mais dans les usines et sur les chantiers ; non pas contre d'autres peuples exploités comme nous, mais contre nos propres exploiteurs, pour leur arracher le PAIN, la PAIX et la LIBERTE.
Laissons les aboyeurs payés continuer leur sale besogne : SERRONS LES RANGS POUR NOS LUTTES PRESENTES ET ORGANISONS-NOUS POUR LES VICTOIRES OUVRIERES FUTURES !
Le candidat républicain à la présidence des Etats-Unis, Dewey, vient de déclarer que son programme, quant à la politique extérieure, est identique à celui de Roosevelt, c'est-à dire qu'il est pour la continuation de la guerre et les buts de guerre de l'impérialisme américain.
Cependant, lors des dernières élections de 1941, le candidat du parti républicain (Willkie) déclarait son attachement à la paix et son désir de ne pas mêler l'Amérique aux affaires ne la concernant pas directement. Roosevelt, candidat du parti démocrate, était lui aussi, pour la paix, mais était en même temps défenseur de la démocratie contre le fascisme. Naturellement, aussitôt son mandat présidentiel renouvelé, l'Amérique entra en guerre pour... la défense de la démocratie. Mais le candidat républicain aussi, une fois l'Amérique dans le conflit, soutint la politique de guerre de Roosevelt.
Comment expliquer ces "revirements" ? Tout simplement par le fait que la véritable conduite du pays n'est pas dans les mains des serviteurs de la bourgeoisie elle-même. Mais comme le peuple ne suivrait pas une politique dirigée ouvertement par les 60 familles, celles-ci se cachent derrière d'habiles politiciens qui font croire à l'aide de moyens de propagande qu'ils possèdent exclusivement (radio, presse, école, etc...) que leur politique est une politique indépendante, inspirée de telle ou telle idéologie au service de la nation.
Pendant que la bourgeoisie se préparait activement à la guerre, les politiciens bourgeois se présentaient au peuple comme pacifistes, non interventionnistes ou démocrates, parce qu'on ne savait pas encore au nom de quelle idéologie et sous quel prétexte on mènerait les masses au massacre. Mais maintenant que le pays est engagé dans la guerre, il s'agit de faire l'union sacrée autour de la bourgeoisie et de mobiliser toutes les ressources du pays au service des trusts ; aussi les politiciens ne peuvent-ils plus se permettre de faire du "pacifisme" ; ils doivent mener la politique guerrière qui est celle de la bourgeoisie, s'en faire les champions, et reporter les promesses sur l'avenir.
Cacher la véritable politique de la bourgeoisie derrière des masques trompeurs : tel est le rôle des politiciens bourgeois et de leur idéologie.
Il n'en est pas autrement en France, quand les politiciens se divisent en "démocrates", autoritaires, etc... : toutes ces idéologies sont destinées à tromper les masses et à les maintenir dans le cadre du régime bourgeois. Mais derrière elles, se trouvent les véritables intérêts et appétits de la bourgeoisie, qui se fait représenter par tels ou tels de ses serviteurs.
Même le régime bourgeois le plus "démocratique" n'est que le "régime sous lequel les classes opprimées recouvrent le droit de décider en un seul jour pour une période de plusieurs années quel sera le représentant des CLASSES POSSEDANTES QUI REPRESENTERA ET OPPRIMERA le peuple au Parlement" (Lénine)
C'est pourquoi les masses doivent créer leur propre gouvernement, leurs propres organes du pouvoir, les Conseils (Soviets) d'ouvriers et de paysans.