1943 |
LA LUTTE de CLASSES - n° 14
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Lutte de classes n° 14
C'est
la lutte finale,
Groupons-nous,
et demain,
L'Internationale
Sera
le genre humain !
Les journaux ne manquent pas de mettre en vedette les informations qui concernent le mouvement gréviste aux Etats-Unis. Cette publicité des journaux de l'Axe a deux buts essentiels : ils veulent montrer aux bourgeois les avantages d'un régime totalitaire "corporatif", et faire croire aux masses populaires que les grèves américaines expriment l'opposition que rencontre Roosevelt de la part du peuple américain dans sa politique dirigée contre l'Axe.
Mais quel est le véritable caractère du mouvement gréviste en Amérique ? Ce mouvement a surtout pour but la hausse des salaires. Il n'a aucun caractère politique conscient. Il faut donc savoir les raisons que peut avoir l'ouvrier américain pour se mettre en grève, lui qui gagne plus que n'importe quel ouvrier des autres pays. Il faut aussi remarquer que ce sont surtout les ouvriers travaillant dans les principales branches industrielles et par conséquent ceux qui sont les mieux payés qui se mettent en grève. Si les ouvriers américains se mettent en grève, ce n'est pas qu'ils soient "insatiables". La raison profonde de ce mouvement est que le niveau de vie réel des ouvriers baisse par suite des restrictions et de la hausse des prix et que d'autre part les capitalistes qui travaillent pour l'armement réalisent des bénéfices fabuleux.
Roosevelt, pour défendre les bénéfices des patrons, prend contre les grévistes des mesures "totalitaires" : emprisonnement des "meneurs", interdiction de faire grève sans vote préalable, mesures spéciales contre les ouvriers "étrangers", amende d'un dollar par jour de grève et par gréviste, arbitrage obligatoire. Ces méthodes nous les connaissons pour avoir été employées contre nous par Daladier et son successeur pendant la "drôle de guerre". Pratiquement cela équivaut à supprimer le droit de grève, puisqu'une grève ne peut réussir que si les "meneurs", c'est-à-dire les ouvriers les plus conscients mènent une agitation sur telle ou telle question qui préoccupe les ouvriers et démontrent que rien ne peut être obtenu sans grève. Quand la situation devient favorable, la grève est déclenchée par les éléments les plus décidés qui obligent les plus timorés et les plus indécis à les suivre par solidarité, crainte, espoir, etc... L'atout principal de la grève c'est l'effet de surprise sur le patron.
Mais les ouvriers américains sont encore assez forts pour passer outre aux prescriptions légales. Et c'est pourquoi le capitalisme américain, qui bien avant Hitler utilisait les méthodes fascistes contre les grèves (jaunes payés et armés par les patrons), tient toute prête la force armée de l'Etat pour intervenir contre les grévistes. Ainsi, la situation objective du capitalisme américain, qui en ce moment lutte pour la domination impérialiste mondiale, transforme le mouvement gréviste américain à caractère économique en un mouvement d'opposition à la politique de la bourgeoisie américaine.
Les ouvriers américains luttent contre l'impérialisme américain et ainsi se réalise le principe internationaliste que la tâche de chaque prolétariat est de lutter contre la bourgeoisie de son propre pays (Liebknecht).
L'opposition des classes ouvrières et des masses laborieuses contre l'impérialisme en Europe n'a pas seulement un caractère économique, mais aussi un caractère politique conscient. Ce mouvement a un caractère anti-capitaliste, bien que les agents des différents impérialismes "sauveurs" s'acharnent, dans les pays occupés par l'impérialisme allemand et italien, à le faire dévier sur des bases nationalistes réactionnaires. La grève sous toutes ses formes, la grève générale en Hollande, les grèves épisodiques en France, les grèves perlées en Allemagne et en Italie, les guérillas paysannes dans les Balkans, etc... constituent un mouvement formidable d'opposition passive et active au capital financier européen.
La situation de la classe ouvrière en France est grave. La déportation de centaines de milliers d'ouvriers l'ont privée de ses éléments les plus susceptibles de lutter. Mais la chute verticale du niveau de vie ne laisse pas aux ouvriers d'autre possibilité que la lutte.
Le dernier discours de Laval montre bien que seule l'action de la classe ouvrière peut arracher à la bourgeoisie des améliorations de ses conditions de vie. A part une maigre aumône aux salariés les plus mal payés pour qu'ils puissent acheter l'équivalent de leurs tickets, Laval ne veut pas d'augmentation des salaires qui "entraînerait nécessairement un dérèglement des prix". La solution de Laval, c'est-à-dire celle des patrons, c'est de "crever le plafond". Or augmenter les salaires en augmentant le rendement, c'est constituer un SURPROFIT pour le capitaliste. De plus, dans la pratique, ce genre d'augmentation s'avère un piège pour les ouvriers, parce qu'à partir de 15% d'augmentation, il y a révision des tarifs aux pièces.
Passant à la question ravitaillement, Laval dénonce le marché noir comme étant ce qui empêche surtout le ravitaillement du "pays" (c'est-à-dire des masses populaires).
Et, chiffres en main il veut démontrer que l'impérialisme allemand "ne prend pas tout". Lui répliquant, un porte-parole de Radio-Londres affirme que "les Allemands prennent tout", passe sur le marché noir, et dit en somme aux ouvriers que jusqu'à la "libération" ils n'ont qu'à crever. Quelle est la véritable cause de l'affamement des masses en France et partout ? C'est en premier lieu la guerre impérialiste qui absorbe presque toutes les forces productives de la société. Si le peuple français souffre pour entretenir sur son territoire une armée impérialiste d'occupation, le peuple allemand souffre lui aussi pour les besoins de la guerre impérialiste que mène sa bourgeoisie. Si l'armée allemande est privilégiée au point de vue nourriture, elle l'est tout autant sur le dos du peuple allemand que sur le dos du peuple français C'est, en second lieu, l'organisation capitaliste de la société qui brise par l'inflation les liens entre la ville et la campagne. L'échange se faisant sur la base du troc (marchandises), les produits de la campagne sont monopolisés par des intermédiaires capitalistes, qui affament la classe ouvrière et la population laborieuse au profit de la bourgeoisie et de l'Etat (bureaucratie, police, etc...).
Quand Laval dit qu'il est résolu à empêcher une hausse générale des salaires parce qu'elle entraînerait nécessairement un dérèglement des prix, que fait-il sinon de reconnaître qu'il est le porte-parole de la bourgeoisie ? Car c'est la loi inexorable du régime capitaliste, que la hausse des salaires entraîne une hausse des prix, si les capitalistes doivent maintenir leurs profits : Laval ne veut pas toucher aux profits des capitalistes !
Il ne faut pas espérer que l'Etat capitaliste puisse obliger les capitalistes à améliorer le sort des ouvriers. Seule une action ouvrière peut aboutir en régime capitaliste à empêcher le niveau des ouvriers de descendre et peut même l'améliorer si la bourgeoisie rencontre dans l'action ouvrière un adversaire résolu. La grève reste l'arme première de l'action directe. Par la grève on doit poursuivre actuellement un double but : Il faut lutter pour le contrôle ouvrier sur le ravitaillement – cantines et coopératives – au moyen de délégués élus par les ouvriers et révocables par eux. Il faut exiger des journées payées pour aller au ravitaillement à la campagne. Il faut s'orienter résolument dans la voie de l'action directe, hors d'elle il n'y a que résignation, misère et maladies.
La lutte gréviste est aussi l'arme la plus efficace CONTRE LES DEPORTATIONS. Si la production de guerre était entravée en France pour cette raison, les compères impérialistes français et allemands seraient moins empressés à déporter les populations. Certes, cette lutte se heurterait à une répression beaucoup plus vigoureuse que de simples grèves pour des revendications de salaires. Mais la classe ouvrière n'a plus de choix : elle doit être prête à mourir si elle veut vivre !
Cette lutte des ouvriers français est en même temps la meilleure lutte contre la guerre impérialiste, elle est la façon la plus efficace pour l'abréger, car tant que les usines tourneront sans interruption pour la guerre, la guerre écrasera les ouvriers.
VIVE
LA LUTTE DES OUVRIERS DE TOUS LES PAYS CONTRE
LEUR PROPRE BOURGEOISIE !
VIVE
L'INTERNATIONALISME OUVRIER !
Après de longs et pénibles marchandages, qui ont duré plus de six mois, les émigrés gaullistes à Londres et les généraux de la défaite et du système vichyssois en Afrique du Nord sont arrivés à un compromis.
Giraud et son équipe parmi laquelle on comptait jusqu'hier encore en service actif les Peyrouton, les Noguès, les Boisson, les Pucheu, etc... représentent sur le terrain politique la tendance la plus réactionnaire de la bourgeoisie française de la Métropole et des colonies. La fraction Giraudiste par son passé et sa mentalité est entièrement dans la ligne de la politique de la "révolution nationale" vichyssoise, avec laquelle par ailleurs elle n'a rompu qu'au moment où l'évolution de la guerre mettait toutes les chances du côté de l'impérialisme anglo-saxon.
La fraction gaulliste représente l'autre côté de la médaille, la tendance "démocratique" de la bourgeoisie française, qui tente de gagner la guerre et la paix capitalistes en faisant "miroiter" aux masses laborieuses de France la résurrection de feu la IIIème République sur une base constitutionnelle et parlementaire. Elle est la fraction politique du capitalisme français la plus habile, la plus démagogique et par conséquent la plus dangereuse. Ayant exploité à fond les sentiments d'indignation, de colère et le désir ardent de liberté suscités par l'occupation brutale du pays qui souffre et qui saigne sous la botte de l'impérialisme allemand, le "Gaullisme" veut regrouper les classes laborieuses françaises, en déguisant sa physionomie capitaliste sous le masque trompeur du "libérateur national". Il est devenu ainsi, grâce surtout à la complicité criminelle des dirigeants staliniens, le principal courant politique en France qui cherche à substituer à la lutte de classes l'"union sacrée" contre l'ennemi extérieur : les "Boches".
De Gaulle, dans ses pourparlers avec Giraud, se montra plusieurs fois intransigeant, sachant bien les sentiments qui animent les classes laborieuses de France envers les généraux et les politiciens qui jusqu'à hier défendaient en Afrique du Nord la politique réactionnaire de Vichy.
La composition définitive du "Comité français de libération nationale" et les remplacements qui ont précédé et suivi sa constitution (renvoi de Peyrouton, Noguès, etc...) marquent dans les cadres du compromis une première victoire gaulliste. Pour qu'elle soit cependant complète, elle doit être couronnée par la main-mise gaulliste sur l'armée en Afrique du Nord qui constitue pour le moment la force essentielle de la fraction Giraudiste, et qui tranchera aussi en définitif la question de l'influence politique prépondérante. En tout cas, les nécessités imposées par la guerre, empêcheront très probablement une aggravation de la crise et maintiendront l'équilibre établi sur la base du compromis entre les deux généraux. Par ailleurs, la pression de l'impérialisme anglo-saxon s'exerce dans la même direction actuellement.
Les patriotes généraux et politiciens de Londres et de l'Afrique du Nord multiplient leurs appels, leurs promesses et leurs encouragements.
Patientons, "ils" viendront bientôt. Mais c'est la partie du capitalisme français liée économiquement avec l'impérialisme anglo-saxon qui se prépare à venir, et c'est pour restaurer l'ordre bourgeois d'avant-guerre sur une base matérielle et politique infiniment plus restreinte pour les prolétaires de France. Derrière le drapeau national du "Comité" français , derrière son armée et les armées "alliées" de l'impérialisme anglo-saxon, viendra la capitalisme et seulement le capitalisme, frère siamois du régime social de Vichy. Les prolétaires de France, comme par ailleurs les prolétaires de tout le continent, ne changeront que de maîtres par l'arrivée des "alliés".
Les prolétaires et les couches pauvres de paysans et de petits-bourgeois des villes aspirent à un changement radical de la situation, qui devient de plus en plus intenable sous le régime capitaliste. Mais rêver le retour de la "belle vie" de jadis avec les Daladier, les Blum, les Herriot, et les autres marionnettes "démocratiques" du capitalisme français qui se sont vantés à Riom d'avoir brisé le mouvement prolétarien de 34 à 1939 et qui ont préparé la guerre, c'est oublier que la situation d'aujourd'hui est le résultat de toute la politique du capitalisme français sous la IIIème République. Le retour aux même conditions, que nous promet maintenant le "Comité français de libération nationale", signifiera le retour aux mêmes causes organiques qui, à travers une attaque frontale du capitalisme contre les positions économiques et politiques du prolétariat français ont provoqué la présente guerre.
La volonté des masses est autre, DOIT être autre : faire la Révolution socialiste, qui est la seule solution radicale, la seule issue, la seule chance de salut pour le prolétariat et les autres couches exploitées du pays. Face aux préparatifs fébriles des généraux et politiciens au service de l'impérialisme, qui oppriment l'Afrique du Nord et s'en font un tremplin pour rétablir la position privilégiée du capitalisme français face au drapeau tricolore des exploiteurs, le prolétariat activera sa lutte de classe et S'APPRETERA A HISSER SON DRAPEAU ROUGE DE LA REVOLUTION SOCIALISTE. En tendant la main aux ouvriers d'Allemagne, d'Italie et des Balkans, les ouvriers français libéreront d'un seul coup le pays de ses ennemis capitalistes intérieurs et extérieurs, en édifiant en commun l'ordre socialiste basé sur l'union fraternelle des peuples du continent, LES ETATS-UNIS SOCIALISTES D'EUROPE.