1936 |
BULLETIN de la Ligue des Communistes
Internationalistes
(Bolchéviks-Léninistes) |
RAPPORT DU GROUPE BOLCHEVIK-LENINISTE DE ROUMANIE
Situation politique générale.
L'écrasement du prolétariat et la faiblesse des partis "marxistes" laisse libre l'avant-scène politique pour une lutte acharnée entre le parti libéral au pouvoir et le parti national-paysan qui revendique sa succession. Le premier s'appuie sur le parti fasciste Goga -Cuza , l'autre est soutenu par les staliniens et les social-démocrates. La social-démocratie "préférerait" un gouvernement national-paysan comme "plus démocratique", les staliniens pour des raisons de politique extérieure (alliance avec l'URSS). Politiquement, les staliniens sont devenus une annexe du parti N.-P. qu'ils s'efforcent de montrer comme le parti de la véritable démocratie. Pour les élections de Mehedinti et de Hunedoara les staliniens ont fait de la propagande pour eux. A Ploesti , pour les élections communales, ils sont allés dans les fabriques avec les tracts et les affiches du parti N.-P. ! Pourtant, ce dernier refuse le Front populaire : il ne veut pas de "collaboration" avec les "communistes". Il se sert des staliniens quand il en a besoin, et puis les envoie promener : les rapports extrêmement tendus entre les classes sociales en Roumanie feraient d'eux un allié incommode et parfois même dangereux pour le parti "d'ordre" qu'est le parti N.-P.
Le tournant social-patriotique des staliniens (la lettre de Boris Stapanov à Mihalache ) s'est effectué "monolithiquement". En partie cela s'explique par toute la politique centriste qui, par ses zigzags brusques a déshabitué les militants de penser. Mais la raison principale en est notre faiblesse. Si nous représentions une force, on aurait pu attirer à nous des communistes, qui, ne trouvant pas d'autre voie devant eux, se sont habitués à la pratique du social-patriotisme. [Le groupe B.L. n'existe que depuis mars 1935. – La Rédaction]
La social-démocratie a l'avantage d'être conséquente : elle ne doit rien changer. Le dernier tournant staliniste apporte de l'eau à son moulin. Seulement, elle aussi refuse le Front Populaire. Les stalinistes seraient pour elle un concurrent sérieux dans la politique social-patriotique et réformiste. (Le parti stalinien présente maintenant, pour un petit-bourgeois, le double avantage : on est "révolutionnaire" et... on peut quand même défendre la patrie !)
Dans les syndicats, la victoire des réformistes a été complète. L'unité s'est faite entièrement à leur profit.
Le parti Unitaire ["parti" affilié au Bureau de Londres. – La rédaction] continue son inexistence organique et politique. Un petit cercle de la pire espèce "dirige". Des cadres, il n'y en a pas. Leur influence (très faible à Bucarest, un peu plus forte dans le département de Prahova et en Ardeal ), date de la troisième période stalinienne, quand la marchandise "unité totale" avait une certaine recherche. Maintenant, après le tournant des staliniens, ça ne vaut plus rien. C'est pourquoi, dans les discussions privées (le parti n'a pas de presse), une partie des "théoriciens" se proclame "avant-garde révolutionnaire".
Notre activité.
Après la publication de plusieurs brochures, la situation trouble et guerrière en Europe (pacte franco-soviétique , le 7 mars d'Hitler) nous a forcés à quitter pour le moment l'action purement théorique, et d'essayer, dans la mesure de nos forces, d'intervenir directement dans les événements. Nous avons imprimé et collé sur les murs des quartiers prolétariens et sur les fabriques (parmi lesquelles Malaxa) des papillons : "A bas la défense nationale. En temps de guerre ou en temps de paix, lutte révolutionnaire contre nos véritables ennemis : la bourgeoisie nationale". Après, nous avons répandu dans les cours des maisons des tracts : "Aux ouvriers, paysans et soldats". Le journal Credinta écrivait en caractères gras que "des provocateurs ont rempli la capitale de papillons et de tracts".
Parallèlement, nous avons mené une action publique. Les unitaires ont organisé des discussions sur l'union sacrée. Devant 200 personnes (beaucoup pour ici) – staliniens, unitaires, nous avons défendu notre point de vue. Etant donné la composition de la salle, nous avons attaqué vigoureusement le social-patriotisme et montré la nécessité de la IVème Internationale. A la deuxième discussion, les staliniens se sont retirés, ne voulant plus discuter avec les "trotskystes". Devant un public "unitaire" nous avons critiqué le point de vue centriste. Le président qui, quand il est avec nous, n'a "pas de divergence théorique avec la Ligue ", pour ne pas être obligé de prendre position, n'a pas trouvé mieux que de sortir de la salle pour prétexter à la fin qu'il n'a pas entendu nos arguments et par conséquent ne peut pas répondre !
Le 1er mai, seule la réunion des social-démocrates a été autorisée. Nous y avons crié nos mots-d'ordre qui au commencement ont trouvé un certain écho parmi les ouvriers staliniens, mais les chefs les ont vite avertis que ce sont les "contre-révolutionnaires" qui les lancent.
Nous nous présentons déjà comme une organisation très sérieuse et généralement on est mécontent de nous. "Que la vie pourrait être belle sans les sacrés trotskystes !", voilà la philosophie des centristes surtout de ceux qui avaient espéré en nous un allié à leur manière contre les staliniens et trouvent un allié à notre manière.