1918

Publié intégralement en 1928 dans les Procès-verbaux des congrès et conférences du Parti communiste (bolchevique) de l'U.R.S.S.
VIIe Congrès. Mars 1918

Œuvres t. 27, pp. 83-116 et 125-139. Paris-Moscou


Lénine

DISCOURS AU VIIe CONGRÈS EXTRAORDINAIRE DU P.C.(b)R.

(6-8 MARS 1918)


RAPPORT POLITIQUE DU COMITÉ CENTRAL,
LE 7 MARS

Le rapport politique aurait pu être fait de l'énumération des mesures prises par le Comité central ; mais ce qu'il faut pour le moment présent, ce n'est pas un rapport, de cette nature, mais une vue d'ensemble de notre révolution ; seul un tel aperçu nous permettra de donner à toutes nos décisions leur vrai fondement marxiste. Nous aurons à examiner le développement antérieur de la révolution et à éclairer les raisons qui en ont modifié la marche ultérieure. Il y a dans notre révolution des tournants - tel la Révolution d'Octobre - qui seront d'une importance considérable pour la révolution internationale.

Les premiers succès de la révolution de Février [1] ont été dus au fait que le prolétariat était suivi non seulement de la masse rurale, mais aussi de la bourgeoisie. D'où la facilité de la victoire sur le tsarisme, que nous n'avions pu obtenir en 1905. Dans la révolution de Février, les Soviets de députés ouvriers se créèrent d'eux-mêmes, spontanément, rééditant l'expérience de 1905: il nous fallut proclamer le principe du pouvoir des Soviets. Les masses s'initiaient aux problèmes de la révolution par l'expérience de leur propre lutte. Les événements des 20 et 21 avril [2] furent la synthèse originale d'une manifestation et d'une sorte d'insurrection armée. Cela suffit pour faire tomber le gouvernement bourgeois. Dès lors s'ouvrit une longue période de politique conciliatrice, découlant de la nature même du gouvernement petit- bourgeois au pouvoir. Les événements de juillet [3] ne pouvaient pas encore donner naissance à la dictature du prolétariat: les masses n'étaient pas encore préparées. Aussi bien, pas une seule organisation responsable ne les y appela. Mais en tant que reconnaissance opérée dans le camp ennemi, les événements de juillet eurent une importance énorme. Le coup de force de Kornilov [4] et les événements qui le suivirent furent des leçons pratiques, qui rendirent possible la victoire d'Octobre. L'erreur de ceux qui voulaient partager le pouvoir également en octobre [5] provient de ce qu'ils ne rattachaient pas la victoire d'Octobre aux journées de juillet, à l'offensive, au coup de force de Kornilov, etc., etc., à tout ce qui avait amené les grandes masses à prendre conscience que le pouvoir des Soviets était devenu inévitable. Vient ensuite notre marche triomphale à travers la Russie, soutenue par la volonté universelle de paix. Nous savions qu'une renonciation unilatérale à la guerre ne nous donnerait pas la paix ; nous l'avions indiqué dès la Conférence d'avril [6]. Pendant la période d'avril à octobre, les soldats avaient pris clairement conscience que la politique des conciliateurs ne faisait que prolonger la guerre, menait les impérialistes à des tentatives absurdes, insensées, pour continuer leurs offensives et s'empêtrer encore davantage dans une guerre qui durerait des années. C'est sur ce terrain-là qu'il importait à tout prix de passer au plus tôt à une politique de paix active; les Soviets devaient prendre le pouvoir en main ; il fallait balayer complètement la grande propriété foncière. Vous savez que celle-ci n'avait pas seulement l'appui de Kérenski, mais aussi celui d'Avksentiev, qui alla même jusqu'à faire arrêter des membres des comités agraires. Et c'est cette politique, ce mot d'ordre «Le pouvoir aux Soviets !» que nous faisions pénétrer dans la conscience des masses populaires les plus profondes, qui nous permirent en octobre de vaincre si facilement à Pétersbourg, et qui transformèrent les derniers mois de la révolution russe en une marche triomphale.

La guerre civile devint un fait. Ce que nous avions prédit au début de la révolution et même au commencement de la guerre, et qu'une partie considérable des milieux socialistes avaient alors accueilli avec méfiance, voire avec ironie, à savoir la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, devint un fait le 25 octobre 1917 pour l'un des plus grands et des plus arriérés des pays belligérants. Dans cette guerre civile, l'immense majorité de la population s'est trouvée de notre côté ; et c'est pourquoi la victoire nous vint avec une facilité extrême.

Les troupes abandonnant le front en rapportaient, partout où elles se présentaient, le maximum de décision révolutionnaire pour en finir avec la politique de conciliation. Et les éléments conciliateurs, la garde blanche, les rejetons des grands propriétaires fonciers se trouvèrent privés de tout appui dans la population, La guerre contre eux, à mesure que les grandes masses et les unités militaires lancées contre nous se ralliaient aux bolcheviks, se transformait peu à peu en une marche triomphale victorieuse de la révolution. C'est ce que nous avons vu à Petrograd, sur le front de Gatchina, où les Cosaques que Kérenski et Krasnov voulaient jeter contre la capitale rouge, hésitèrent c'est ce que nous avons vu ensuite à Moscou, à Orenbourg, en Ukraine. La vague de la guerre civile déferla sur toute la Russie, et partout nous fûmes vainqueurs avec une facilité incroyable, justement parce que le fruit était mûr, parce que les masses avaient déjà fait l'expérience de la conciliation avec la bourgeoisie. Notre mot d'ordre «Tout le pouvoir aux Soviets ! » dont les masses avaient pu pratiquement vérifier la justesse par une longue expérience historique, devint la chair de leur chair.

Voilà pourquoi les premiers mois de la révolution russe après le 25 octobre 1917 furent une marche triomphale continue. Celle-ci faisait oublier, refoulait au second plan les difficultés auxquelles, d'emblée, se heurta et devait forcément se heurter la révolution socialiste. Une des différences essentielles entre la révolution bourgeoise et la révolution socialiste, c'est que pour la révolution bourgeoise qui pousse sur le terrain de la féodalité, on voit se créer progressivement, au sein de l'ancien régime, de nouvelles organisations économiques qui modifient progressivement tous les aspects de la société féodale. Une seule tâche se posait à la révolution bourgeoise : balayer, rejeter, détruire les entraves de l'ancienne société. En accomplissant cette tâche, une révolution bourgeoise accomplit tout ce qu'on exige d'elle : elle stimule le développement du capitalisme.

Tout autre est la situation de la révolution socialiste. Plus arriéré est le pays qui a dû, par suite des zigzags de l'histoire, commencer la révolution socialiste, et plus il lui est difficile de passer des anciens rapports capitalistes aux rapports socialistes. Ici, aux tâches de destruction viennent s'ajouter des tâches nouvelles, d'une difficulté inouïe : les tâches d'organisation. Si le génie créateur populaire de la révolution russe, après avoir connu la grande expérience de 1905, n'avait pas créé les Soviets dès février 1917, ceux-ci n'auraient jamais pu prendre le pouvoir en octobre, car le succès dépendait uniquement de l'existence de formes d'organisation déjà prêtes d'un mouvement fort de millions d'hommes. Les Soviets furent cette forme toute prête; c'est pourquoi, ce qui nous attendait dans le domaine politique, c'étaient ces brillants succès, cette marche triomphale incessante que nous avons connue du fait que la nouvelle forme du pouvoir politique était prête, et qu'il ne nous restait qu'à transformer par quelques décrets le pouvoir des Soviets, de l'état embryonnaire où il se trouvait dans les premiers mois de la révolution, en une forme légalement reconnue et consacrée dans l'Etat russe, la République des Soviets de Russie. Celle-ci est née d'un seul coup et avec cette facilité parce qu'en février 1917 les masses avaient créé les Soviets avant même qu'aucun parti ait eu le temps d'en proclamer le mot d'ordre. Le génie populaire lui-même qui avait connu la douloureuse expérience de 1905 et s'en était instruit, voilà le créateur de cette forme du pouvoir prolétarien. Vaincre l'ennemi intérieur fut une tâche éminemment facile. La création du pouvoir politique le fut également, puisque les masses nous avaient donné la charpente, le fondement de ce pouvoir. La République des Soviets est née d'un coup. Mais il restait encore deux tâches d'une difficulté immense et dont l'accomplissement ne pouvait, en aucune façon, aboutir à cette marche triomphale qui avait été celle de notre révolution dans ses premiers mois. Nous ne doutions pas et nous ne pouvions douter que la révolution socialiste n'eût affronter par la suite des tâches d'une difficulté extrême.

Ce furent d'abord les tâches d'organisation intérieure qui se posent pour toute révolution socialiste. Ce qui distingue précisément une révolution socialiste d'une révolution bourgeoise, c'est que celle-ci a des formes toutes prêtes de rapports capitalistes, tandis que le pouvoir soviétique - prolétarien - ne trouve pas de rapports tout prêts, si l'on ne tient pas compte des formes les plus développées du capitalisme qui, au fond, n'ont gagné que quelques sommets de l'industrie et n'ont encore qu'à peine touché l'agriculture. L'organisation du recensement, le contrôle sur les grosses entreprises, la transformation de l'ensemble du mécanisme économique de l'Etat en une seule grande machine, en un organisme économique fonctionnant de telle sorte que des centaines de millions d'hommes soient dirigés d'après un plan unique : telle est l'immense tâche d'organisation à laquelle nous avions à faire face. Dans les conditions actuelles du travail, elle ne pouvait en aucune façon être accomplie par un « coup d'audace », comme nous avons pu le faire pour les tâches de la guerre civile. La nature même de la question rendait cette solution impraticable. Si nous avons vaincu avec cette facilité nos Kalédine et créé une République des Soviets envers et contre une résistance qui ne méritait même pas qu'on lui accordât une attention sérieuse ; si cette marche des événements avait été déterminée par tout le développement objectif antérieur, de sorte qu'il ne restait plus qu'à dire le dernier mot, à changer l'enseigne, - au lieu de «Le Soviet existe comme une organisation professionnelle», inscrire « Le Soviet est la seule forme du pouvoir d'Etat », - il en allait tout autrement en ce qui concerne les tâches d'organisation. Ici, nous avons rencontré des difficultés gigantesques. Tous ceux
qui voulaient réfléchir sérieusement aux tâches de notre révolution voyaient clairement, du premier coup, que c'est seulement par un rude et long effort d'autodiscipline que l'on pourrait vaincre la décomposition introduite par la guerre dans la société capitaliste ; que c'est seulement par un effort très intense, prolongé et tenace, que nous pourrions surmonter cette décomposition et vaincre les éléments qui l'aggravaient en considérant la révolution comme un moyen de se débarrasser des vieilles entraves, en tirant d'elle le maximum de profit. L'apparition de ces éléments en grand nombre était inévitable dans un pays petit-paysan, à un moment d'effondrement économique incroyable. Et nous aurons à mener contre eux une lutte cent fois plus difficile, qui ne donnera guère d'occasions de briller. Cette lutte, nous venons à peine de la commencer. Nous en sommes à son premier stade. De dures épreuves nous attendent. Etant donné les conditions objectives, nous ne pourrons ici, en aucun cas, nous borner à opérer cette marche triomphale, drapeaux déployés, qui fut la nôtre lorsque nous marchions contre Kalédine. Quiconque essayerait de transporter cette méthode de lutte dans le domaine des tâches d'organisation dont il faut s'acquitter au cours de la révolution ferait complètement faillite, comme homme politique, comme socialiste, comme artisan de la révolution socialiste.

C'est ce qui attendait aussi certains de nos jeunes camarades qui s'étaient laissé griser par la marche triomphale de la révolution à ses débuts, lorsque celle-ci a dû aborder concrètement la deuxième difficulté gigantesque à laquelle elle avait à faire face : la question internationale. Si nous avons aussi facilement eu raison des bandes de Kérenski, si nous avons aussi facilement créé le pouvoir chez nous, si nous avons pris, sans le moindre mal, les décrets sur la socialisation de la terre, sur le contrôle ouvrier, si tout cela s'est fait avec tant de facilité, c'est uniquement parce que des conditions favorables sont intervenues qui nous ont, pour un court laps de temps, mis à l'abri de l'impérialisme international. Par sa situation objective, de même qu'en raison des intérêts économiques de la classe capitaliste qu'il incarnait, l'impérialisme international, avec toute la puissance de son capital, avec sa technique militaire perfectionnée et qui constitue la véritable force, la véritable citadelle du capital international, ne pouvait en aucun cas, sous aucune condition, s'accommoder d'une existence aux côtés de la République des Soviets ; il ne le pouvait pas en raison des liaisons commerciales, des rapports financiers internationaux. Là, le conflit est inévitable. Là est la plus grande difficulté de la Révolution russe, son plus grand problème historique : la nécessité de résoudre les problèmes internationaux, la nécessité de susciter une révolution internationale, d'opérer ce passage de notre révolution, étroitement nationale, à la révolution mondiale. Cette tâche s'est posée à nous dans son extrême complexité. Je répète que beaucoup de nos jeunes amis qui se croient de gauche ont oublié le plus important, à savoir la raison pour laquelle, durant les semaines et les mois de grand triomphe qui ont suivi la Révolution d'Octobre, nous avons pu marcher si facilement de succès en succès. Or, il n'en a été ainsi que parce qu'une conjoncture internationale exceptionnelle nous a momentanément mis à l'abri de l'impérialisme. Il avait autre chose à faire que de s'occuper de nous. Nous avons cru que nous pouvions le payer de retour. Et certains impérialistes ne se désintéressaient de nous que parce que l'énorme force politique, sociale et militaire de l'impérialisme mondial actuel se trouvait alors divisée, par une guerre intestine, en deux groupes. Les rapaces impérialistes engagés dans cette lutte en étaient arrivés à des extrémités sans précédent, ils s'étaient pris à la gorge au point qu'aucun de ces groupes ne pouvait concentrer de forces sérieuses contre la révolution russe. Nous nous sommes trouvés justement dans cette situation en octobre : ç'a été précisément pour notre révolution - c'est paradoxal, mais c'est juste - un moment propice, où des malheurs sans nom s'étaient abattus sur la grosse majorité des pays impérialistes, sous forme d'extermination de millions d'hommes ; où la guerre accablait les peuples de souffrances inouïes ; où à la quatrième année de la guerre, les pays belligérants se trouvaient acculés dans une impasse, indécis sur le chemin à prendre lorsque se posa objectivement la question de savoir si les peuples réduits à cet état pourraient continuer à se battre. C'est seulement parce que notre révolution s'est faite à ce moment propice où aucun des deux puissants groupes de rapaces ne pouvait se jeter aussitôt sur l'autre ni s'unir à lui contre nous, à un moment où les rapports politiques et économiques internationaux étaient tels que notre révolution a pu en profiter pour effectuer sa brillante marche triomphale à travers la Russie d'Europe, gagner la Finlande, commencer la conquête du Caucase et de la Roumanie. Par là seulement s'explique qu'il se soit trouvé dans les milieux d'avant-garde de notre Parti des militants- des intellectuels-sur- hommes - qui, grisés par cette marche triomphale, se sont dit : nous viendrons à bout de l'impérialisme mondial ; là, aussi, ce sera une marche triomphale, il n'y aura pas de vraie difficulté. Or, c'est là précisément que commence le divorce avec la situation objective de la Révolution russe, qui n'a fait que profiter d'une défaillance momentanée de l'impérialisme international, la machine s'étant momentanément enrayée, alors qu'elle devait marcher contre nous comme un train marche contre une brouette et l'écrase, - et la machine s'était enrayée parce que les deux groupes de rapaces s'affrontaient. Ici et là, le mouvement révolutionnaire montait : mais, dans tous les pays impérialistes sans exception, il ne se trouvait la plupart du temps qu'au premier stade. La cadence de son développement n'était pas du tout la même que chez nous. Pour quiconque réfléchissait aux prémisses économiques d'une révolution socialiste en Europe, il était évident qu'il est bien plus difficile de commencer la révolution en Europe et bien plus facile de la commencer chez nous, mais qu'ici il sera plus difficile de la continuer. Cette situation objective a fait qu'il nous a fallu connaître un tournant très difficile, très brusque, de l'histoire. Après la marche triomphale d'octobre, novembre et décembre sur notre front intérieur, alors que nous combattions notre contre-révolution, les ennemis du pouvoir des Soviets, nous dûmes nous mesurer au véritable impérialisme mondial dans sa véritable attitude d'hostilité à notre égard. De la période de marche triomphale il a fallu passer à une période caractérisée par une situation extrêmement difficile et ardue, dont on ne pouvait évidemment se tirer avec des paroles et des mots d'ordre éclatants, si agréable que cela eût pu être, car nous avions, dans notre pays désorganisé, des masses incroyablement lasses et qui en étaient arrivées au point de ne plus pouvoir, en aucune façon, continuer la guerre, qui étaient brisées par trois pénibles années de guerre au point d'être: complètement inaptes à tout effort militaire. Dès avant la Révolution d'Octobre, nous avons vu les représentants de la masse des soldats qui n'appartenaient pas au Parti bolchevique et qui ne se gênaient pas pour dire la vérité à la face de toute la bourgeoisie, à savoir que l'armée russe ne se battrait pas. Cet état de l'armée a entraîné une crise gigantesque. Ce pays de petits paysans, désorganisé par la guerre qui l'a amené à une situation sans précédent, éprouve des difficultés extrêmes : nous n'avons pas d'armée, il faut continuer de vivre à côté d'un rapace armé jusqu'aux dents, qui est resté pour l'instant et continue de rester un rapace et que, bien entendu, notre propagande en faveur d'une paix sans annexions ni contributions ne pouvait émouvoir. Une brave bête domestique était couchée à côté d'un tigre et cherchait à le convaincre que la paix devait être sans annexions ni contributions, alors que cela ne pouvait être obtenu qu'en prenant l'offensive contre le tigre. Les sommités de notre Parti - les intellectuels et certaines organisations ouvrières - ont voulu se soustraire à cette perspective tout d'abord par des phrases, par des échappatoires : il ne doit pas en être ainsi. Cette paix offrait une perspective incroyable pour nous qui avions combattu jusque-là à découvert, drapeaux déployés, qui n'avions eu qu'à pousser des clameurs pour triompher de nos ennemis, pour que nous puissions céder, accepter des conditions humiliantes. Jamais. Nous avons trop de fierté révolutionnaire, nous déclarons avant tout :« L'Allemand ne pourra pas prendre l'offensive.»

Tel était le premier faux-fuyant par lequel ces gens voulaient se consoler. L'histoire nous place aujourd'hui dans une situation très difficile : nous devons, tout en effectuant un travail d'organisation extrêmement ardu, passer par une série de cruelles défaites. Si l'on envisage les choses à l'échelle mondiale, il est absolument certain que la victoire finale de notre révolution, si elle devait rester isolée, s'il n'y avait pas de mouvement révolutionnaire dans les autres pays, serait sans espoir. Si le Parti bolchevique a pris seul l'affaire en main, c'est avec la conviction que la révolution mûrit dans tous les pays et qu'à la fin des fins, - et non au commencement des commencements, - quelles que soient les difficultés que nous ayons à surmonter, quelles que soient les défaites que nous ayons à subir, la révolution socialiste, internationale viendra, car elle est en marche ; qu'elle arrivera à maturité, car elle mûrit déjà. Nous ne serons préservés de toutes ces difficultés, je le répète, que par la révolution européenne. En partant de cette vérité, vérité tout à fait abstraite, et en nous en inspirant, nous devons veiller à ce qu'elle ne se transforme pas à la longue en une phrase ; car toute vérité abstraite, si on l'applique sans analyse aucune, se transforme en phrase. Si vous dites que derrière chaque grève existe en puissance l'hydre de la révolution, que quiconque ne le comprend pas n'est pas un socialiste, c'est juste. Oui, derrière chaque grève se devine la révolution socialiste. Mais dire que toute grève est un pas vers la révolution socialiste, est une phrase absolument en l'air. Cela, nous l'avons entendu dire et redire à satiété « chaque jour que le bon Dieu fait », au point que les ouvriers ont rejeté ces phrases anarchistes. Car, s'il est indiscutable que derrière chaque grève existe en puissance l'hydre de la révolution socialiste, il est vrai aussi qu'il est absurde de soutenir que toute grève puisse aboutir à la révolution. S'il est absolument incontestable que toutes les difficultés de notre révolution ne seront surmontées que lorsque viendra à maturité la révolution socialiste mondiale, qui mûrit partout actuellement, il est complètement absurde d'affirmer que nous devons escamoter toute difficulté concrète actuelle de notre révolution, en disant : « je mise sur le mouvement socialiste international, je peux faire n'importe quelle bêtise.» «Liebknecht nous tirera d'affaire, parce qu'il vaincra de toute façon.» Il donnera un modèle d'organisation si parfait, il disposera tout de telle façon que nous n'aurons qu'à emprunter des formes toutes faites, comme nous avons emprunté la doctrine marxiste toute faite à l'Europe occidentale, - c'est ce qui a fait qu'elle a triomphé chez nous en quelques mois, peut-être, tandis que sa victoire en Europe occidentale a nécessité des dizaines d'années. Ainsi, ce serait une aventure tout à fait saugrenue que de vouloir appliquer la vieille méthode, celle qui tranchait les problèmes de la lutte par une marche triomphale, à la nouvelle période historique qui s'est ouverte et qui nous fait affronter, non point ces pourritures de Kérenski et de Kornilov, mais un rapace international, l'impérialisme de l'Allemagne, où la révolution est seulement en train de mûrir, mais n'est manifestement pas arrivée à sa pleine maturité. L'affirmation que l'ennemi ne se déciderait pas à marcher contre la révolution a été une aventure de cette espèce. Les pourparlers de Brest-Litovsk [7] n'impliquaient pas encore que nous devions accepter n'importe quelles conditions de paix. Le rapport objectif des forces était tel qu'il n'aurait pas suffi d'une trêve. Les pourparlers de Brest-Litovsk devaient montrer que l'Allemagne prendrait l'offensive, que la société allemande n'était pas encore grosse d'une révolution au point que celle-ci pût éclater tout de suite, et on ne saurait en vouloir aux impérialistes allemands de n'avoir pas encore, par leur conduite, préparé cette explosion, ou, comme le disent nos jeunes amis qui se croient des hommes de gauche, une situation qui ne permette pas à l'Allemand de prendre l'offensive. Quand on leur dit que nous n'avons pas d'armée, que nous avons été obligés de démobiliser, - obligés sans pourtant oublier le moins du monde que notre paisible bête domestique a pour voisin un tigre, - ils ne veulent pas comprendre. Si nous avons été obligés de démobiliser l'armée, nous n'avons nullement oublié que, pour terminer la guerre, il ne suffit pas qu'une seule des parties belligérantes ordonne de planter les baïonnettes en terre.

Comment s'est-il fait en général que pas un courant, pas une tendance, pas une organisation de notre Parti n'a été contre cette démobilisation ? Aurions-nous complètement perdu la raison ? Pas du tout. Des officiers non bolcheviques disaient dès avant Octobre que l'armée ne pouvait se battre, qu'on ne pourrait la retenir au front quelques semaines de plus. Après la Révolution d'Octobre, cela devint évident pour tous ceux qui voulaient voir les faits, la triste, l'amère réalité, au lieu de se détourner ou de s'enfoncer la casquette sur les yeux et de se retrancher derrière des phrases ronflantes. Il n'y a pas d'armée ; il est impossible de la retenir. Le mieux à faire, c'est donc de la démobiliser au plus vite. C'est une partie malade de l'organisme, qui a souffert mille morts, qui est épuisée par les privations de la guerre où elle est entrée sans préparation technique et dont elle ressort dans un état tel qu'elle se laisse aller à la panique dès la première offensive. On ne peut incriminer des hommes qui ont été si cruellement éprouvés. Dans des centaines de résolutions, même pendant la première période de la révolution russe, les soldats disaient en toute sincérité : « Le sang nous étouffe, nous ne pouvons plus nous battre.» On pouvait retarder artificiellement la fin de la guerre, on pouvait commettre la même escroquerie que Kérenski, on pouvait reculer l'issue de quelques semaines ; mais la réalité objective se frayait un chemin. C'est là une partie malade de l'organisme de l'Etat russe, et qui ne peut plus supporter le fardeau de cette guerre. Plus vite nous la démobiliserons, plus vite elle sera résorbée par les parties moins malades, et plus vite le pays pourra être prêt à de nouvelles et lourdes épreuves. Tel était notre sentiment en adoptant à l'unanimité, sans la moindre protestation, cette décision, absurde du point de vue des événements extérieurs, qui consistait à démobiliser l'armée. Et nous avons bien fait. Nous disions que c'était une illusion puérile de vouloir retenir l'armée. Plus vite celle-ci serait démobilisée, et plus vite commencerait la guérison de l'organisme social tout entier. Voilà pourquoi la phrase révolutionnaire : « L'Allemand ne peut prendre l'offensive », était une si profonde erreur; une surestimation si consternante des événements, ainsi que la phrase qui en découlait ; «Nous pouvons proclamer la fin de l'état de guerre. Ni guerre, ni signature de la paix.» Mais si l'Allemand prend l'offensive ? « Non, il ne pourra pas prendre l'offensive. » Avez-vous le droit de jouer la carte de la révolution mondiale, au lieu de poser la question concrète de savoir si vous n'aurez pas été les complices de l'impérialisme allemand, lorsque ce moment viendra ? Mais nous qui sommes devenus depuis Octobre 1917 des partisans de la défense nationale, nous savons tous que nous avons brisé avec les impérialistes, non en paroles mais en fait : nous avons aboli les traités secrets [8], vaincu la bourgeoisie chez nous et proposé ouvertement une paix honorable, de sorte que tous les peuples ont pu voir quelles étaient nos véritables intentions. Comment des hommes qui professent sérieusement le point de vue de la défense de la République des Soviets, ont-ils pu courir cette aventure, qui a porté ses fruits ? Or, le fait est là, puisque la pénible crise que traverse notre Parti, du fait qu'une opposition de « gauche » s'est formée dans son sein, est l'une des plus graves qu'ait connues la révolution russe.

Cette crise sera surmontée. En aucun cas, ni notre Parti ni notre révolution ne s'y rompront le cou, encore qu'à un certain moment la chose ait été toute proche et entièrement possible. Ce qui nous garantit contre cette éventualité, c'est qu'au lieu de l'ancienne manière de régler les désaccords de fraction - diffusion d'une quantité incroyable de publications, débats, scissions assez nombreuses, - au lieu de cette méthode périmée, les événements ont apporté aux hommes un nouveau moyen de s'instruire. Ce moyen consiste à tout vérifier par les faits, par les événements, par les enseignements de l'histoire universelle. Vous dites que l'Allemand ne peut pas prendre l'offensive. Il découlait de votre tactique que l'on pouvait proclamer la fin de l'état de guerre. L'histoire vous a infligé une leçon, elle a dissipé cette illusion. Oui, la révolution allemande se développe, mais autrement que nous ne l'aurions voulu, moins vite que cela ne serait agréable aux intellectuels russes, à un rythme différent de celui que notre histoire a établi en octobre, lorsque, arrivant dans n'importe quelle ville, nous proclamions le pouvoir des Soviets et qu'au bout de quelques jours, les neuf dixièmes des ouvriers venaient nous rejoindre. La révolution allemande a le malheur de ne pas aller aussi vite. Mais lequel de nous deux doit compter avec l'autre ? Vous avez voulu qu'elle compte avec vous, mais l'histoire vous a infligé une leçon. Oui, une leçon, parce que c'est une vérité absolue que sans la révolution allemande nous sommes perdus, - que nous ne soyons peut-être plus à Petrograd, ou à Moscou, mais à Vladivostok, ou en d'autres régions plus éloignées encore, où il nous faudra peut-être nous transporter et qui sont peut-être plus éloignées que Moscou ne l'est de Petrograd ; de toutes façons, quelques péripéties qu'on puisse envisager, si la révolution allemande ne vient pas, nous sommes perdus. Néanmoins, cela n'ébranle pas d'un pouce notre certitude qu'il nous faut savoir résister sans forfanterie, si difficile que soit la situation.

La révolution ne viendra pas aussi vite que nous l'espérions. Cela, l'histoire l'a prouvé, il faut savoir l'accepter comme un fait, il faut savoir tenir compte de ce que la révolution socialiste mondiale dans les pays avancés ne peut commencer avec la même facilité qu'en Russie, pays de Nicolas II et de Raspoutine, où une partie énorme de la population se désintéressait complètement de ce qui se passait à la périphérie et de ce qu'étaient les peuples qui l'habitaient. Il était facile, en ce pays-là, de commencer la révolution ; c'était soulever une plume.

Mais commencer sans préparation une révolution dans un pays où s'est développé le capitalisme qui a donné une culture et une organisation démocratiques à tous les hommes jusqu'au dernier, ce serait une erreur, une absurdité. Ici, nous ne faisons qu'aborder la période douloureuse du début des révolutions socialistes. C'est un fait. Peut-être, - cela est parfaitement possible, - nous ne le savons pas et personne ne le sait, peut-être vaincra-t-elle dans quelques semaines, voire dans quelques jours? Mais on ne saurait miser là-dessus. Il faut s'attendre à des difficultés extrêmes, à des défaites cuisantes, inévitables parce que la révolution n'a pas encore commencé en Europe, bien qu'elle puisse y éclater dès demain. Une fois cette révolution commencée, il est certain que nous ne serons plus torturés par le doute, qu'il n'y aura plus de problèmes relatifs à la guerre révolutionnaire, et que ce sera une marche triomphale continue. Cela sera, cela sera inéluctablement, mais cela n'est pas encore. Simple fait que l'histoire nous a enseigné et par lequel elle nous a porté un rude coup. Or, un homme averti en vaut deux. C'est pourquoi j'estime que, l'histoire nous ayant durement éprouvés quant à l'espoir que l'Allemand ne pourrait pas prendre l'offensive et que l'on pouvait y aller « d'un coup d'audace », - cette leçon pénétrera bien vite, grâce à nos organisations soviétiques, dans la conscience des masses de toute la Russie des Soviets. Celles-ci s'agitent, s'assemblent, se préparent au congrès, votent des résolutions, réfléchissent à ce qui s'est passé. Ce qui se passe chez nous, ce ne sont pas ces vieilles controverses d'avant la Révolution, qui se confinaient étroitement dans les milieux du Parti ; tontes les décisions sont soumises à l'examen des massas, qui exigent que ces décisions soient vérifiées par l'expérience, par des actes, qui ne se laissent jamais entraîner par des discours débités à la légère, qui ne se laissent jamais détourner de la voie prescrite par la marche objective des événements. Evidemment, s'il s'agit d'un intellectuel ou d'un bolchevik de gauche, il peut se dérober par des mots aux difficultés qui nous attendent : il peut, certes, se dérober ainsi au fait qu'il n'y a pas d'armée, que la révolution en Allemagne ne vient pas. Les masses se comptent par millions ; or, la politique commence là où il y a des millions ; elle devient sérieuse là seulement où l'on compte par millions, et non par milliers. Les millions savent ce que c'est que l'armée, ils ont vu les soldats revenir du front. Ils savent - j'entends la masse véritable, et non des individus isolés - que nous ne pouvons pas faire la guerre, que sur le front chacun a enduré tout ce qui peut se concevoir en fait de souffrances. La masse a compris cette vérité que s'il n'y a pas d'armée, et que si l'on se trouve dans le voisinage d'une bête féroce, on est bien obligé de signer un traité de paix très dur, humiliant. C'est inévitable aussi longtemps que la révolution ne sera pas née, que vous n'aurez pas guéri votre armée, que vous ne l'aurez pas renvoyée dans ses foyers. Tant que cela ne sera pas fait, le malade ne recouvrera pas la santé. Quant au rapace allemand, nous ne l'aurons pas par un « coup d'audace », nous ne le culbuterons pas comme nous l'avons fait pour Kérenski et Kornilov. Voilà la leçon que les masses ont tirée sans les arguties que certains voulaient leur faire admettre pour éluder l'amère réalité.

D'abord, c'est la marche triomphale d'octobre et novembre ; puis, tout à coup, la révolution russe est battue en quelques semaines par le rapace allemand, la révolution russe est prête à accepter les conditions d'un traité de rapine. Oui, les tournants de l'histoire sont très durs ; au reste, tous les tournants de ce genre le sont chez nous. Lorsque, en 1907, nous avons signé un traité intérieur des plus honteux avec Stolypine et que nous avons été obligés de passer par cette étable qu'était la Douma stolypinienne [9], de prendre des engagements en signant des paperasses monarchistes [10], nous avons vécu, à une échelle réduite, la même chose qu'aujourd'hui. Des hommes appartenantà la meilleure avant-garde de la révolution disaient alors (eux aussi estimaient sans l'ombre d'un doute qu'ils avaient raison) : « Nous avons la fierté révolutionnaire, la confiance en la révolution russe, nous n'entrerons jamais dans les institutions légales de Stolypine. » Mais si. La vie des masses, l'histoire sont plus fortes que toutes vos affirmations. Si vous n'y allez pas, l'histoire vous y obligera. C'étaient des hommes très à gauche, mais, en tant que fraction, il n'en est resté que de la fumée au premier tournant de l'histoire. Si nous avons su rester des révolutionnaires, travailler dans des conditions terribles et nous en tirer de nouveau, nous saurons bien en faire autant aujourd'hui ; car il ne s'agit pas d'un caprice de notre part, mais d'une nécessité objective, apparue dans un pays complètement ruiné, du fait que la révolution européenne, contrairement à nos désirs, a osé se mettre en retard, et que l'impérialisme allemand, contrairement à nos désirs, a osé prendre l'offensive.

Ici, il faut savoir reculer. On ne saurait se dissimuler sous une phrase la très amère et très triste réalité. Il faut dire : Plaise à Dieu que nous puissions nous replier sans grand désordre. Nous ne pouvons pas reculer en bon ordre, plaise à Dieu que nous puissions nous replier sans grand désordre, et profiter du moindre répit pour permettre à la partie malade de notre organisme de se guérir au moins partiellement. Dans son entier, l'organisme est sain : il vaincra la maladie. Mais on ne peut exiger qu'il la surmonte d'un coup, instantanément ; on ne peut pas arrêter une armée en fuite. Lorsque j'ai dit à l'un de nos jeunes amis qui se voulait de gauche : « Camarade, allez au front, voyez ce qui se passe dans l'armée », il a voulu voir là une proposition désobligeante : « On veut nous déporter pour que nous ne puissions pas faire ici de l'agitation en faveur des grands principes de la guerre révolutionnaire. » En formulant cette proposition, je n'entendais vraiment pas faire déporter des adversaires de fraction : il s'agissait simplement de leur faire constater sur place la débandade inouïe de l'armée. Nous le savions déjà bien avant : on ne pouvait fermer les yeux sur ce fait que là-bas la décomposition avait poussé à des actes inouïs comme la vente à vil prix de nos canons aux Allemands. Nous savions cela, comme nous savions qu'il est impossible de retenir l'armée, et que prétendre que les Allemands ne prendraient pas l'offensive était du plus pur aventurisme. Puisque la révolution européenne tarde à venir, les plus sévères défaites nous attendent, étant donné que nous n'avons pas d'armée, pas d'organisation, et qu'il est impossible de résoudre tout de suite ces deux problèmes. Si l'on ne sait pas s'adapter, si l'on n'est pas disposé à ramper sur le ventre, dans la boue, on n'est pas un révolutionnaire, mais un bavard. Et si je propose de marcher ainsi, ce n'est point parce que cela me plaît, mais parce qu'il n'est pas d'autre voie, parce que l'histoire ne nous offre pas l'agrément de faire mûrir la révolution simultanément en tous lieux.

Voici comment se présentent les choses : la guerre civile a commencé comme une tentative d'empoignade avec l'impérialisme, tentative qui a démontré que celui-ci est complètement pourri et que les éléments prolétariens se lèvent au sein de chaque armée. Oui, nous verrons la révolution mondiale, mais pour le moment c'est un conte de fées, un très joli conte. je comprends fort bien que les enfants aiment les jolis contes, mais je demande si un révolutionnaire digne de ce nom a le droit d'y croire. Chaque conte renferme des éléments de réalité : si vous vous mettiez à raconter à des enfants une histoire où le coq et le chat ne parlent pas la langue des hommes, cette histoire ne les intéresserait pas. De même, si vous dites au peuple que la guerre civile viendra en Allemagne, et si vous garantissez en même temps qu'au lieu d'un choc avec l'impérialisme, nous verrons la révolution internationale survenant sur les champs de bataille [11], le peuple dira que vous le trompez. C'est seulement dans votre esprit, dans vos désirs que vous pouvez franchir de cette façon les obstacles dressés par l'histoire. Tout ira bien si le prolétariat allemand est à même de se mettre en marche. Mais, avez-vous, pu mesurer sa faculté d'agir? Avez-vous trouvé un instrument susceptible de déterminer le jour où naîtra la révolution allemande? Non, vous n'en savez rien, et nous n'en savons rien non plus. Vous misez tout sur une carte. Si la révolution éclate, tout est sauvé. Evidemment ! ! Mais si elle ne se présente pas comme nous le désirons, si elle ne parvient pas à triompher demain, qu'arrivera-t-il ? Alors la masse vous dira : vous avez agi en aventuriers, vous avez misé sur une marche favorable des événements, qui ne s'est pas réalisée ; vous n'avez pas été à la hauteur de la situation intervenue à la place de la révolution mondiale, laquelle viendra inéluctablement, mais n'est pas encore mûre aujourd'hui.

Une période de cruelles défaites s'est ouverte, de défaites infligées par un impérialisme armé jusqu'aux dents à un pays qui a démobilisé son armée, qui a été contraint de démobiliser. Ce que j'avais prédit s'est entièrement réalisé : au lieu de la paix de Brest-Litovsk, nous avons obtenu une paix beaucoup plus humiliante, par la faute de ceux qui n'avaient pas voulu l'accepter. Nous savions que, par la faute de l'armée, force nous était de conclure la paix avec l'impérialisme. Nous nous sommes assis à une même table à côté d'Hoffmann, et non de Liebknecht ; et, par là, nous avons aidé la révolution allemande. Maintenant vous aidez l'impérialisme allemand, parce que vous lui avez livré des millions de richesses en canons et en obus, comme devaient le prévoir tous ceux qui connaissaient la situation de l'armée, incroyablement désastreuse. La moindre offensive des Allemands aurait inévitablement, infailliblement consommé notre perte ; tout homme honnête de retour du front le disait. Quelques jours ont suffi pour faire de nous la proie de l'ennemi.

Forts de cette leçon, nous nous débarrasserons de notre scission, de notre crise si grave que soit la maladie ; car un allié autrement plus sûr nous viendra en aide : la révolution mondiale. Quand on nous demande s'il faut ratifier cette paix de Tilsit [12], cette paix inouïe, plus humiliante et spoliatrice que celle de Brest-Litovsk, je réponds : indiscutablement, oui. Nous devons le faire, car nous considérons les événements du point de vue des masses. La tentative de transférer la tactique d'octobre-novembre, appliquée à l'intérieur d'un seul pays de cette période triomphale de la révolution, - de la transférer, par le jeu de notre imagination, sur le cours des événements de la révolution mondiale, est vouée à l'échec. Lorsqu'on nous dit qu'une trêve, c'est de la fantaisie ; lorsqu'un journal intitulé Kommounist [13] - sans doute du nom de la Commune - remplit une colonne après l'autre en cherchant à réfuter la théorie de la trêve, alors je dis : j'ai connu beaucoup de luttes fractionnelles et de scissions; de sorte que je possède une grande expérience, mais je dois dire que je vois clairement que ce n'est pas l'ancienne méthode - celle des scissions fractionnelles dans le Parti - qui guérira cette maladie, car la vie l'aura guérie bien avant. La vie marche très vite. A cet égard elle fait bien les choses. L'histoire pousse si vite sa locomotive qu'avant que la rédaction du Kommounist ait le temps de sortir son prochain numéro, la majorité des ouvriers de Petrograd auront commencé à perdre leurs illusions sur ses idées, parce que la vie montre que la trêve est un fait. Ainsi, nous signons la paix, nous avons un répit, nous en profitons pour mieux défendre la patrie, parce que si nous avions la
guerre, l'armée fuirait prise de panique, qu'il faudrait arrêter et que nos camarades ne peuvent et n'ont pu arrêter, la guerre étant plus forte que les exhortations, plus forte que dix mille raisonnements. S'ils n'ont pas compris la situation objective, ils ne peuvent pas arrêter l'armée en fuite, ils ne l'auraient pas arrêtée. Celte armée malade a contaminé tout l'organisme et nous avons essuyé une nouvelle, une effroyable défaite, un nouveau coup porté par l'impérialisme allemand à la révolution, un coup terrible, parce que nous nous sommes exposés inconsidérément, sans mitrailleuses, aux coups de l'impérialisme. Ce répit. nous en profiterons pour convaincre le peuple de s'unir et de se battre, pour dire aux ouvriers et aux paysans russes: « Créez une autodiscipline, une discipline rigoureuse ; autrement vous serez piétinés sous le talon de la botte allemande comme c'est le cas aujourd'hui, comme ce sera certainement le cas aussi longtemps que le peuple n'aura pas appris à combattre, à créer une armée capable, non pas de fuir, mais d'endurer les plus dures épreuves.» Cela est inévitable, parce que la révolution allemande n'est pas encore née, et que l'on ne peut garantir qu'elle viendra demain.

Voilà pourquoi la théorie de la trêve, que repousse catégoriquement un flot d'articles du Kommounist, est imposée par la vie elle-même. Chacun voit que la trêve est un fait, que chacun en bénéficie. Nous pensions perdre Petrograd en quelques jours, lorsque les troupes allemandes en marche sur cette ville en étaient à quelques étapes, et que les meilleurs matelots et les ouvriers de l'usine Poutilov, malgré leur grand enthousiasme, se trouvaient isolés ; lorsque le chaos était terrible et que la panique avait fait fuir les troupes jusqu'à Gatchina ; lorsque nous reprenions ce qui n'avait pas été livré : un télégraphiste se rendait à telle gare de chemin de fer, s'installait à son appareil et télégraphiait : « Pas d'Allemands du tout. C'est nous qui occupons la gare.» Quelques heures plus tard, un coup de téléphone du Commissariat des voies de communication m'annonçait : « La gare suivante est occupée, nous approchons de Iambourg. Pas d'Allemands. Le télégraphiste est à son poste. » Voilà notre situation d'alors, Telle est l'histoire véridique de la guerre de onze jours [14]. Elle nous a été rapportée par les matelots et par les ouvriers de Poutilov. Il faudra les inviter au congrès des Soviets. Qu'ils racontent la vérité. Une vérité terriblement amère, vexante, douloureuse et humiliante. Mais elle est cent fois plus utile, elle est comprise du peuple russe.

Je vous laisse vous passionner pour la révolution internationale survenant sur les champs de bataille, parce qu'elle viendra. Tout viendra en son temps. Mais pour l'instant, mettez-vous à l'autodiscipline, obéissez rigoureusement, afin qu'il règne un ordre exemplaire, afin que les ouvriers apprennent à combattre, ne serait-ce qu'une heure par jour. Voilà qui est un peu plus difficile que de composer de jolis contes. Voilà la réalité d'aujourd'hui ; vous aiderez par là la révolution allemande, la révolution internationale. Combien nous a-t-on accordé de jours de répit, nous n'en savons rien. Mais nous avons un répit. Il faut démobiliser au plus vite l'armée parce que c'est un organe malade, et en attendant nous aiderons la révolution finlandaise [15].

Oui, évidemment, nous violons le traité, nous l'avons déjà violé trente ou quarante fois. Il faut être bien naïf pour ne pas comprendre que dans une telle époque, lorsque s'ouvre une longue et laborieuse période d'émancipation, qui vient de créer le pouvoir des Soviets et de lui faire franchir d'emblée trois étapes de son développement, - il faut être bien naïf pour ne pas comprendre qu'il ne saurait être question, en l'espèce, que d'une lutte longue et prudente. Un traité de paix honteux provoque la révolte, mais lorsque les camarades du Kommounist dissertent sur la guerre, ils en appellent au sentiment, oubliant que les gens crispaient leurs poings et voyaient rouge. Que disent-ils ? « jamais un révolutionnaire digne de ce nom ne tolérera cela, n'acceptera pareille ignominie. » Leur journal porte le titre Le Kommounist, mais c'est Le Gentilhomme qu'il devrait s'appeler, car il considère les choses du point de vue du gentilhomme polonais qui disait, mourant en beauté, l'épée à la main : «La paix c'est la honte, la guerre c'est l'honneur ». Ils raisonnent du point de vue du gentilhomme, et moi du point de vue du paysan.

Si j'accepte la paix quand l'armée fuit, quand elle ne peut pas ne pas fuir, à moins de perdre des milliers d'hommes, j'accepte cette paix pour éviter un mal plus grand. Le traité est-il infamant ? Mais tout paysan et tout ouvrier sérieux me donnera raison, parce qu'il comprendra que la paix est un moyen d'accumuler des forces. L'histoire connaît, - je m'y suis référé plus d'une fois, - l'histoire connaît la libération des Allemands du joug de Napoléon après la paix de Tilsit ; j'ai appelé notre paix de ce nom bien que nous n'ayons pas signé ce qu'il y avait là : l'obligation de fournir des troupes pour aider l'envahisseur à conquérir d'autres peuples. Or, l'histoire en était déjà arrivée là, et il en sera de même chez nous si nous ne fondons nos espérances que sur une révolution internationale déclenchée en plein champ de bataille. Prenez garde que l'histoire ne nous accule aussi à cette forme d'esclavage militaire. Et tant que la révolution socialiste n'a pas triomphé dans tous les pays, la République des Soviets peut être réduite en esclavage. Napoléon, à Tilsit, a dicté aux Allemands des conditions de paix incroyablement déshonorantes. Les choses se déroulèrent de telle façon, à l'époque, que la paix dut être conclue à plusieurs reprises. Le Hoffmann d'alors - Napoléon - prenait les Allemands en flagrant délit de violation de la paix, et Hoffmann nous prendra de même. Seulement nous tâcherons de ne pas nous laisser prendre de sitôt.

La dernière guerre a infligé une amère, une douloureuse, mais grave leçon au peuple russe : il faut s'organiser, se discipliner, obéir, créer une discipline exemplaire. Empruntons aux Allemands leur discipline, sinon nous sommes un peuple perdu et nous resterons toujours esclaves.

C'est ainsi, et seulement ainsi, que marche l'histoire. L'histoire nous apprend que la paix est une trêve pour la guerre, que la guerre est un moyen d'obtenir une paix tant soit peu meilleure ou pire. A Brest-Litovsk le rapport des forces correspondait à une paix de vaincus, mais non humiliante. Le rapport des forces de Pskov correspondait à une paix honteuse, plus humiliante. Mais à Pétrograd et à Moscou, à l'étape suivante, on nous dictera une paix quatre fois plus humiliante. Nous ne dirons pas que le pouvoir des Soviets n'est que pure forme, comme nous l'ont dit nos jeunes amis de Moscou [16], nous ne dirons pas qu'au nom de tels ou tels principes révolutionnaires on peut sacrifier le contenu ; nous dirons : que le peuple russe comprenne qu'il doit se discipliner, s'organiser, c'est alors qu'il pourra supporter toutes les paix de Tilsit. Toute l'histoire des guerres d'émancipation nous montre que, lorsque ces guerres entraînaient les grandes masses, la libération était rapide. Nous disons que si l'histoire marche ainsi, nous aurons à faire cesser l'état de paix, à recommencer la guerre, et que cela arrivera peut-être dans quelques jours. Chacun doit se tenir prêt. Pour moi, il ne fait pas l'ombre d'un doute que les Allemands se préparent au-delà de Narva, s'il est vrai qu'elle n'a pas été prise, comme l'annoncent tous les journaux. Si ce n'est pas à Narva, c'est devant Narva ; si ce n'est pas à Pskov, c'est devant Pskov que les Allemands concentrent leur armée régulière et réorganisent leurs chemins de fer pour prendre Petrograd à leur prochain bond. Ce fauve saute bien. Il l'a déjà montré. Il fera encore un bond. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Il faut donc se tenir prêt, il faut savoir non pas faire le fanfaron, mais accepter même un jour de répit, car même un jour peut nous permettre d'évacuer Petrograd, dont la prise causerait des souffrances inouïes à des centaines de milliers de nos prolétaires. Je dirai encore une fois que je suis prêt à signer et que je jugerai de mon devoir de signer une paix vingt fois, cent fois plus humiliante, à seule
fin d'obtenir au moins quelques jours pour évacuer Petrograd, car j'allégerai ainsi les souffrances des ouvriers qui, autrement. risquent de tomber sous le joug allemand ; je facilite l'évacuation de Petrograd des matériaux, de la poudre, etc., qui nous sont nécessaires, parce que je suis partisan de la défense nationale, parce que je suis pour la préparation d'une armée, fût-ce dans la zone profonde de l'arrière-pays, où l'on est en train de guérir l'armée actuelle, malade et démobilisée.

Nous ignorons ce que sera la trêve, nous tâcherons de saisir le bon moment. Peut-être sera-t-elle assez longue, et peut-être ne durera-t-elle que quelques jours. Tout est possible, personne n'en sait rien et ne peut rien savoir, parce que toutes les grandes puissances sont liées, entravées, obligées de combattre sur plusieurs fronts. La conduite de Hoffmann est déterminée par trois facteurs : d'une part, il lui faut anéantir la République des Soviets ; d'autre part, il doit soutenir la guerre sur plusieurs fronts ; et, enfin, la révolution mûrit en Allemagne et y fait des progrès. Hoffmann le sait. Il ne peut pas, comme on l'affirme, prendre tout de suite Petrograd et Moscou. Mais il est fort possible qu'il puisse le faire demain. Je répète qu'en ce moment où l'armée est visiblement malade, où nous tirons profit de chaque instant, coûte que coûte, fût-ce d'un jour de répit, nous disons que tout révolutionnaire sérieux, lié aux masses, sachant ce que c'est que la guerre, ce que c'est que la masse, doit la discipliner, la guérir, s'efforcer de la faire se lever pour une nouvelle guerre. Et un tel révolutionnaire nous donnera raison, il admettra n'importe quel traité honteux - cela dans l'intérêt de la révolution prolétarienne, de la rénovation de la Russie et de son amputation de l'organe malade. En signant cette paix, tout homme de bon sens le comprendra, nous ne cessons pas notre révolution ouvrière ; chacun comprend qu'en signant la paix avec les Allemands, nous n'arrêtons pas notre aide militaire : nous envoyons aux Finlandais des armes, et non des détachements incapables de servir.

Peut-être accepterons-nous la guerre ; peut-être même livrerons-nous Moscou demain, mais ensuite nous prendrons l'offensive : nous lancerons notre armée contre l'armée ennemie, si dans l'état d'esprit du peuple survient ce revirement qui mûrit, qui nécessitera peut-être beaucoup de temps mais qui se produira quand les grandes masses diront autre chose que ce qu'elles disent aujourd'hui. Je suis obligé d'accepter la paix, fût-elle des plus pénibles, parce que je ne puis encore dire maintenant que ce moment-là est venu. Quand viendra ce renouveau, chacun le sentira, chacun verra que le peuple russe n'est pas bête ; il voit, il comprendra qu'il faut s'abstenir, qu'il faut adopter ce mot d'ordre. Telle est la tâche principale du congrès de notre Parti et du congrès des Soviets.

Il faut savoir travailler dans cette voie nouvelle. C'est infiniment plus difficile, mais ce n'est nullement impossible. Il n'y a là rien qui puisse faire échec au pouvoir des Soviets, à moins que nous ne le fassions nous-mêmes par une aventure stupide. Le temps viendra où le peuple dira : je ne permettrai plus qu'on me martyrise. Mais cela ne peut se produire que si nous ne nous lançons pas dans cette aventure, et si nous savons travailler dans des conditions difficiles, imposées par le traité d'extrême humiliation que nous avons signé il y a quelques jours ; car la guerre seule ou un traité de paix à lui seul, ne peuvent résoudre une pareille crise historique. Le peuple allemand était ligoté par son organisation monarchique en 1807, quand il signa sa paix de Tilsit, après plusieurs traités de paix humiliants qui devenaient autant de trêves pour de nouvelles humiliations et des violations nouvelles. L'organisation soviétique des masses facilitera notre tâche.

Notre mot d'ordre ne peut être que celui-ci :étudier sérieusement l'art militaire, remettre de l'ordre dans les chemins de fer. Sans chemins de fer, la guerre révolutionnaire socialiste est la pire trahison. Il importe de mettre de l'ordre, et il faut rassembler toute l'énergie, toute la puissance nécessaires pour faire donner à la révolution un rendement maximum.

Saisissez-vous de la trêve au moins pour une heure, puisqu'elle vous est offerte, afin de maintenir le contact avec la zone éloignée de l'arrière et d'y former de nouvelles armées. Abandonnez vos illusions, qui, vous ont valu une rude leçon et que la vie vous fera payer encore plus cher. Une époque de très lourdes défaites approche. Elle est là, il faut savoir en tenir compte, il faut être prêt pour un travail opiniâtre, clandestin, dans les conditions d'un asservissement notoire aux Allemands. Il n'y a pas à se le dissimuler, c'est vraiment une paix de Tilsit. Si nous savons agir ainsi, nous pourrons dire avec une certitude absolue que, malgré les défaites, nous vaincrons. (Applaudissements.)


Notes

Les notes rajoutées par l’éditeur sont signalées par [N.E.]

[1] La Révolution bourgeoise démocratique du 27 février 1917 qui renversa le tsarisme et établit la dualité du pouvoir : le Gouvernement provisoire bourgeois et le Soviet des députés ouvriers et soldats. [N.E.]

[2] Les 20 et 21 avril 1917, les ouvriers et les soldats de Petrograd organisèrent une manifestation contre la guerre impérialiste. Après cette manifestation, le leader des cadets Milioukov fut exclu du gouvernement et un gouvernement de coalition fut formé avec la participation des mencheviks et des s.-r. [N.E.]

[3] Allusion à la manifestation des 3-4 (16-17) juillet 1917 à Petrograd.

Elle fut sauvagement réprimée par la troupe, après quoi le pouvoir passa entièrement aux mains du Gouvernement provisoire. [N.E.]

[4] Complot contre-révolutionnaire monté en août 1917 par la bourgeoisie et les propriétaires fonciers russes sous la direction du général Kornilov. Le 25 août, ce dernier retira les troupes du front pour les lancer contre Petrograd. Répondant à l'appel des bolcheviks, les masses populaires ripostèrent. Le putsch fut rapidement réprimé. [N.E.]

[5] Il s'agit de la position capitularde de Kaménev, Zinoviev, Rykov et quelques autres membres du Comité central du parti et du gouvernement soviétique qui, dès les premiers jours qui suivirent la Révolution d'Octobre 1917, appuyèrent la revendication d'un «gouvernement socialiste homogène», c'est-à-dire avec la participation des mencheviks et des s. r. qui l'avaient avancée. [N.E.]

[6] La Conférence d'avril (la VIIe) du P.O.S.D.(b)R. eut lieu à Petrograd, du 24 au 29 avril (du 7 au 12 mai) 1917. C'était la première conférence légale des bolcheviks, et elle avait l'importance d'un congrès du parti. La Conférence d'avril définit la ligne du parti pour toutes les questions fondamentales de la révolution, et orienta le parti vers la lutte pour la transformation de la révolution démocratique bourgeoise en révolution socialiste. [N.E.]

[7] Les pourparlers ayant pour but la conclusion du traité de paix de Brest-Litovsk.

Celui-ci fut conclu en mars 1918 entre la Russie soviétique et l'Allemagne sur la base de conditions très pénibles pour la Russie.

Après la révolution en Allemagne (novembre 1918), le traité de paix de Brest-Litovsk fut annulé. [N.E.]

[8] Publication par le gouvernement soviétique des documents de la diplomatie secrète et des traités secrets conclus par le gouvernement tsariste; puis par le Gouvernement provisoire russe et les gouvernements de l'Angleterre, de la France, de l'Italie, du Japon, de l'Autriche-Hongrie et d'autres Etats impérialistes. [N.E.]

[9] La Douma d'Etat, institution représentative que le gouvernement tsariste fut obligé de convoquer à la suite de la révolution de 1905. Formellement, la Douma d'Etat était un organisme législatif, mais elle n'avait pratiquement aucun pouvoir réel. Les élections à la Douma n'étaient ni directes, ni égales, ni générales. [N.E.]

[10] Il s'agit du serment de fidélité au tsar prêté par les membres de la IIIe Douma d'Etat. S'ils avaient refusé de s'exécuter, les députés social-démocrates auraient perdu la tribune de la Douma, indispensable pour mobiliser le prolétariat en vue de la lutte révolutionnaire. Aussi prêtèrent-ils serment comme tous les autres députés de la Douma. [N.E.]

[11] Le terme « Révolution internationale survenant sur les champs de bataille» est de V. Obolenski (N. Ossinski). En expliquant le sens de cette expression il écrivait : « La guerre révolutionnaire, en tant que guerre civile survenant sur les champs de bataille, ne peut prendre l'aspect d'actions militaires régulières d'armées nationales exécutant des opérations stratégiques... Les actions militaires ont la forme d'une guerre de partisans (analogue à la lutte de barricades), elles se confondent avec l'agitation de classe.» [N.E.]

[12] La paix de Tilsit fut conclue en juillet 1807 entre la France et la Prusse. Les conditions de la paix furent extrêmement pénibles et humiliantes pour la Prusse. Elle perdait une grande partie de son territoire, devait payer une indemnité de guerre de 100 millions de francs ; elle s'engageait à réduire son armée à 40 000 hommes, de fournir à la requête de Napoléon des troupes auxiliaires et à cesser le commerce avec l'Angleterre. [N.E.]

[13] Quotidien, organe fractionnel du groupe des «communistes de gauche» ; parut à Petrograd du 5 au 19 mars 1918. [N.E.]

[14] Lénine pense, semble-t-il, à la période comprise entre le début de l'offensive allemande, le 18 février, et l'arrivée de la délégation soviétique à Brest-Litovsk, le 28 février 1918. L'offensive se prolongea jusqu'au 3 mars, jour de la signature du traité de paix. [N.E.]

[15] La révolution éclata en Finlande le 27 janvier 1918, à la suite d'un appel de la direction du Parti social-démocrate de Finlande. Le gouvernement bourgeois de Svinhufvud fut renversé, le pouvoir passa aux mains des ouvriers. Le 29 janvier fut formé le gouvernement révolutionnaire de la Finlande, le Soviet des mandataires du peuple.

Pourtant, la révolution prolétarienne ne fut victorieuse que dans le sud du pays. Le gouvernement de Svinhufvud se retrancha dans le nord où toutes les forces de la contre-révolution furent concentrées. A la suite de l'intervention des troupes allemandes, le 2 mai 1918 la révolution ouvrière fut écrasée. [N.E.]

[16] Dans la résolution du Bureau de la région de Moscou du P.O.S.D.(b)R. adoptée le 24 février 1918. [N.E.]


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