1907 |
Résolution relative au militarisme - Congrès de Stuttgart (1907). Source : L'internationale Ouvrière et Socialiste - VIIe Congrès Socialiste Internationale tenu à Stuttgart du 16 au 24-8-1907. Compte-rendu analytique publié par le Secrétariat du Bureau Socialiste International, Bruxelles 1908. |
Le Congrès confirme les résolutions des précédents congrès internationaux concernant l’action contre le militarisme et l'impérialisme et rappelle que l’action contre le militarisme ne peut pas être séparée de l’ensemble de l’action contre le capitalisme.
Les guerres entre états capitalistes sont en général les conséquences de leur concurrence sur le marché du monde, car chaque état ne tend pas seulement à s’assurer des débouchés, mais à en acquérir de nouveaux, principalement pas l’asservissement des peuples étrangers et la confiscation de leurs terres.
Ces guerre résultent de la concurrence incessante provoquée par les armements du militarisme, qui est l’un des instruments principaux de la domination de la bourgeoisie et de l’asservissement économique et politique de la classe ouvrière.
Les guerres sont favorisées par les préjugés nationalistes que l’on cultive systématiquement dans l’intérêt des classes dominantes, afin de détourner la masse prolétarienne de ses devoirs de classe et de ses devoirs de solidarité internationale.
Elles sont donc de l’essence du capitalisme et ne cesseront que par la suppression du système capitaliste, ou bien quand la grandeur des sacrifices en hommes et en argent exigée par le développement de la technique militaire et la révolte provoquée par les armements auront poussé les peuples à renoncer à ce système.
La classe ouvrière, chez laquelle on recrute de préférence les combattants et qui principalement doit en supporter les sacrifices matériels, est l’adversaire naturelle des guerres parce que celles-ci sont en contradiction avec le but qu’elle poursuit : la création d’un nouvel ordre économique, basé sur la conception socialiste destinée à traduire en réalité la solidarité des peuples.
C’est pourquoi le Congrès considère qu’il est du devoir de tous les travailleurs et de leurs mandataires dans les parlements de combattre de toutes leurs forces les armements de terre et de mer, en signalant le caractère de classe de la société bourgeoise et les mobiles qui poussent au maintien des antagonismes nationaux, de refuser tout soutien pécuniaire à cette politique et, aussi, de s’appliquer à ce que la jeunesse prolétarienne soit élevée dans les idées socialistes de la fraternité des peuples et éveillée systématiquement à la conscience de classe.
Le Congrès voit dans l’organisation démocratique d’un système de milice, destiné à remplacer les armées permanentes, une garantie réelle rendant impossible les guerres agressives et facilitant la disparition des antagonismes nationaux.
L’Internationale ne peut pas enfermer d’avance dans des formules rigides l’action nécessairement diverse, selon les temps et les milieux des divers partis nationaux, mais elle a le devoir d’intensifier et de coordonner le plus possible les efforts de la classe ouvrière contre le militarisme et contre la guerre.
En fait, depuis le Congrès International de Bruxelles le prolétariat, tout en poursuivant sa lutte incessante contre le militarisme par le refus des dépenses militaires et navales, par l’effort de démocratisation de l’armée, a recouru avec une vigueur et une efficacité croissantes aux moyens les plus variés pour prévenir les guerres ou pour y mettre un terme, ou pour faire servir à l’affranchissement de la classe ouvrière l’ébranlement communiqué par la guerre à toutes les couches sociales : ainsi, notamment l'entente des trade-unions anglaises et des syndicats ouvriers français après la crise de Fachoda pour assurer la paix et rétablir les bons rapports entre la France et l’Angleterre; l’action du parti socialiste au Parlement français et au Parlement allemand dans la crise du Maroc; les manifestations populaires organisées à cet effet par les socialistes de France et d'Allemagne; l’action concertée des socialistes autrichiens et des socialistes italiens réunis à Trieste pour prévenir un conflit entre les deux états; l’intervention vigoureuse de la classe ouvrière de Suède pour empêcher une attaque contre la Norvège; enfin, les héroïques sacrifices et combats de masse des socialistes, des ouvriers et des paysans de Russie et de Pologne pour empêcher la guerre déchaînée par le tsarisme pour y mettre un terme et pour faire jaillir de la crise la liberté des peuples de Russie et du prolétariat; tous ces efforts donc attestent la puissance croissante de la classe ouvrière, et son souci croissant de maintenir la paix par d’énergiques interventions.
L’action de la classe ouvrière sera d’autant plus efficace qu’une propagande incessante aura préparé les esprits à un vigoureux effort et que l’action des divers partis nationaux sera plus fortement stimulée et coordonnée par l’Internationale.
Le Congrès est convaincu en outre que sous la pression du prolétariat, la pratique sérieuse de l’arbitrage international se substituera, pour tous les litiges, aux pitoyables tentatives des gouvernements bourgeois et qu’ainsi pourra être assuré aux peuples le bienfait du désarmement général qui permettra d’appliquer aux progrès de la civilisation les immenses ressources d’énergie et d’argent dévorées par les armements et par les guerres.
Le Congrès déclare :
Si une guerre menace d’éclater, c’est un devoir de la classe ouvrière dans les pays concernés, c’est un devoir pour leurs représentants dans les Parlements avec l’aide du Bureau International, force d’action et de coordination, de faire tous leurs efforts pour empêcher la guerre par tous les moyens qui leur paraissent les mieux appropriés et qui varient naturellement selon l’acuité de la lutte des classes et la situation politique générale.
Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils ont le devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste.