1872

Source : Œuvres choisies en deux volumes, Éditions du Progrès, 1955
...et une autre traduction, extraite de "KARL MARX ET FRIEDRICH ENGELS (1875), CRITIQUE DES PROGRAMMES DE GOTHA ET D'ERFURT. Paris : Éditions sociales, 1972, 158 pages. Collection 'Classiques du marxisme'."


Lettre à T. Cuno

Friedrich Engels

24 janvier 1872



Londres, le 24 janvier 1872,

...Bakounine qui, jusqu'en 1868, avait intrigué contre l'Internationale, y adhéra, après son fiasco au Congrès de paix de Berne1, et commença aussitôt, dans le sein de l'Internationale, à conspirer contre le Conseil général. Bakounine professe une théorie particulière, un assemblage de proudhonisme et de communisme ; or il faut d'abord retenir du proudhonisme cette thèse essentielle que ce qu'il veut supprimer, ce n'est pas le capital, et par suite l'antagonisme de classes entre capitalistes et salariés qui est apparu au cours de l'évolution de la société, mais l'Etat. Alors que la grande masse des ouvriers social-démocrates partage notre avis que le pouvoir d'Etat n'est rien d'autre que l'organisation que les classes dominantes, propriétaires fonciers et capitalistes, se sont donnée pour préserver leurs privilèges, Bakounine croit que c'est l'Etat qui a créé le capital et que le capitaliste ne possède son capital que par la grâce de l'Etat. Puisque le mal principal c'est l'Etat, pense-t-il, il faut le supprimer en premier lieu ; ensuite le capital disparaîtra bien tout seul ; alors que nous, nous disons au contraire : supprimez le capital, concentration des moyens de production entre les mains d'un petit nombre, et l'Etat tombera de lui-même. La différence est grande : la suppression de l'Etat sans un bouleversement préalable de la société est une absurdité. C'est que la suppression du capital est justement un bouleversement social et implique une transformation de la production tout entière. Mais puisque, pour Bakounine, l'Etat c'est le mal principal, il ne faut rien faire qui puisse maintenir l'Etat, c'est-à-dire n'importe quel Etat, monarchie, république, etc. Il faut donc s'abstenir complètement de toute politique. Accomplir un acte politique et surtout participer à une élection quelconque, serait trahir ce principe. On doit faire de la propagande, dénigrer l'Etat, s'organiser, et lorsqu'on aura tous les ouvriers de son côté, par conséquent la majorité, on fermera toutes les administrations, on supprimera l'Etat pour mettre à sa place l'organisation de l'Internationale. Ce grand acte par lequel sera inaugurée l'ère de la félicité, s'appelle la liquidation sociale.

Tout cela paraît si radical et si simple qu'on peut l'apprendre par cœur en cinq minutes ; c'est pourquoi la théorie bakouniniste a trouvé si vite des partisans parmi les avocats, les docteurs et autres doctrinaires d'Italie et d'Espagne. Mais on ne fera jamais accroire à la grande masse des ouvriers que les affaires publiques de leur pays ne sont pas aussi leurs affaires. Ils sont politiques de tempérament et ils se détourneront finalement de celui qui leur enjoint de laisser la politique de côté. Prêcher aux ouvriers de s'abstenir de toute politique, dans n'importe quelle circonstance, c'est les pousser dans les bras des curés ou des républicains de la bourgeoisie.

Comme l'Internationale de Bakounine ne doit pas être faite pour la lutte politique, mais pour pouvoir, à la liquidation sociale, remplacer tout de suite l'ancienne organisation de l'Etat, elle doit se rapprocher le plus possible de l'idéal bakouniniste de la société future. Dans cette société n'existera aucune autorité, car l'autorité — l'Etat — voilà le grand mal. (Mais on ne nous dit pas, bien sûr, comment les gens feraient marcher une usine, comment ils exploiteraient un chemin de fer ou une ligne de navigation sans une volonté qui décidera en dernier ressort, sans une direction unique.) L'autorité de la majorité sur la minorité cessera également. Chaque individu, chaque commune sera autonome. Mais Bakounine ne nous explique pas non plus comment une association de deux personnes seulement est possible sans que chacun abandonne une petite part de son autonomie.

L'Internationale doit donc être organisée d'après ce modèle. Chaque section est autonome ainsi que chaque individu au sein de la section. Au diable les résolutions de Bâle2 ! qui confèrent au Conseil général un pouvoir funeste et démoralisant ! Si même ce pouvoir est accordé bénévolement, il doit être supprimé, précisément parce que c'est le pouvoir !

Voilà les points essentiels de cette duperie. Mais qui sont les auteurs des résolutions de Bâle ? Monsieur Bakounine lui-même et compagnie !

Quand ces messieurs eurent vu au Congrès de Bâle qu'ils ne réussiraient pas à réaliser leur projet de transférer le Conseil général à Genève, c'est-à-dire de le prendre en main, ils agirent autrement. Ils fondèrent l'Alliance de la démocratie sociale, une société internationale au sein de la grande Internationale, sous le prétexte que vous retrouverez maintenant dans la presse bakouniniste italienne, par exemple dans le Proletario, le Gazettino Rosa : pour les races latines exubérantes il faut un programme plus haut en couleurs que pour les nordiques froids et lents. Ce petit plan échoua grâce à la résistance du Conseil général qui ne pouvait évidemment pas tolérer l'existence d'une organisation internationale séparée au sein de l'Internationale. Il a reparu depuis sous différentes formes, en liaison avec la tendance de Bakounine et de ses partisans à substituer au programme de l'Internationale le programme de Bakounine ; d'autre part, la réaction de Jules Favre et Bismarck à

Mazzini, s'en est toujours prise justement à la phraséologie fanfaronne de Bakounine, quand il s'agissait d'attaquer l'Internationale. D'où la nécessité de ma déclaration du 5 décembre contre Mazzini et Bakounine, publiée aussi dans le Gazettino Rosa.

Le noyau de bakouninisme se compose de quelques douzaines de Jurassiens qui ont à peine 200 ouvriers derrière eux ; l'avant-garde comprend de jeunes avocats, docteurs et journalistes d'Italie, qui maintenant se font partout les porte-parole des ouvriers italiens, quelques personnes de même qualité à Barcelone et Madrid, et çà et là des isolés — presque jamais des ouvriers — à Lyon et Bruxelles ; ici, nous n'en avons qu'un seul exemplaire, Robin.

La conférence3 réunie par nécessité, à défaut de pouvoir convoquer un congrès, leur en fournit le prétexte, et comme la plupart des Français émigrés en Suisse s'étaient ralliés à eux — parce que ces proudhoniens avaient découvert là beaucoup d'affinités, ainsi que pour des motifs personnels — ils se mirent en campagne. Certes, on peut trouver partout dans l'Internationale une minorité de mécontents et des génies méconnus, et c'est sur eux qu'ils comptaient, non sans raison. Actuellement, leurs forces de combat sont les suivantes :

  1. Bakounine lui-même, le Napoléon de cette campagne.

  2. 200 Jurassiens et 40 à 50 membres de la section française (émigrés à Genève).

  3. A Bruxelles, Hins, rédacteur de la Liberté qui n'intervient pourtant pas ouvertement en leur faveur.

  4. Ici, les restes de la Section française de 1871 que nous n'avons jamais reconnue et qui s'est déjà scindée en trois parties hostiles les unes aux autres ; ensuite une vingtaine de lassalliens du genre de Monsieur von Schweitzer, expulsés de la section allemande (pour avoir proposé une défection en masse de l'Internationale) et qui en leur qualité de défenseurs de la centralisation extrême et d'une organisation forte conviennent merveilleusement à l'union des anarchistes et des autonomistes.

  5. En Espagne, quelques amis personnels et adeptes de Bakounine, qui ont exercé, à Barcelone surtout, une influence considérable sur les ouvriers, du moins théoriquement. Toutefois, les Espagnols attachent une grande importance à l'organisation, et son manque chez les autres leur saute aux yeux. Les chances de succès de Bakounine de ce côté-là ne se révéleront qu'au congrès espagnol d'avril, et comme les ouvriers y prévaudront, je ne suis pas inquiet.

  6. Enfin, en Italie, autant que je sache, les sections de Turin, de Bologne et de Girgenti4 se sont prononcées pour une convocation anticipée du congrès. La presse bakouniniste prétend que 20 sections italiennes se seraient jointes à eux ; moi, je ne les connais pas. En tout cas, la direction est presque partout aux mains des amis et adeptes de Bakounine, qui font grand tapage ; mais à examiner les choses de plus près, on verra probablement qu'ils n'ont pas beaucoup de monde pour eux, car au bout du compte la grande masse des ouvriers italiens est toujours mazziniste et le restera tant que l'Internationale s'assimilera pour eux à l'abstention de la politique.

Quoi qu'il en soit, le fait est qu'en Italie les bakouninistes sont pour le moment les maîtres de l'Internationale. Le Conseil général ne songe pas à s'en plaindre ; les Italiens sont en droit de commettre autant de sottises qu'il leur plaira, et le Conseil général n'y réagira que par des débats pacifiques. Ils ont aussi le droit de se prononcer pour le congrès dans l'esprit des Jurassiens, bien qu'il soit très bizarre que des sections qui viennent d'adhérer à l'Internationale et ne sont au courant de rien, approuvent d'emblée l'une des parties avant même d'avoir entendu les deux ! J'ai déjà dit ce que j'en pensais aux Turinois et j'en ferai autant pour les autres sections qui se sont prononcées de cette manière. Car toute déclaration de ralliement ainsi formulée est une approbation indirecte des fausses accusations et des calomnies contenues dans la circulaire, à l'adresse du Conseil général qui, du reste, publiera sous peu sa propre circulaire à ce sujet. Si vous pouvez empêcher avant sa parution que les Milanais fassent une déclaration pareille, vous irez au-devant de nos désirs.

Le plus comique, c'est que ces mêmes Turinois qui se sont prononcés pour les Jurassiens et qui nous taxent, par conséquent, d'autoritarisme, exigent à présent du Conseil général qu'il intervienne autoritairement contre la Federazione operaia5 rivale de Turin, comme il ne l'a jamais fait jusqu'ici, qu'il mette à l'index Beghelli du Ficcanaso, qui n'appartient nullement à l'Internationale, etc. Le tout avant même que nous ayons entendu la Fédération ouvrière, avant que nous connaissions son point de vue à elle.

Je vous ai envoyé lundi dernier la Révolution Sociale avec la circulaire des Jurassiens, un numéro de l'Egalité genevoise (je n'ai malheureusement plus un seul numéro contenant la réponse du Comité fédéral genevois qui représente 20 fois plus d'ouvriers que les Jurassiens) et un numéro du Volksstaat qui vous montrera ce qu'on pense de cette histoire en Allemagne. La réunion régionale de Saxe — 120 délégués de 60 endroits — s'est prononcée à l'unanimité pour le Conseil général.

Le congrès belge (25-26 décembre) réclame la révision des Statuts, mais au congrès régulier (en septembre). Nous recevons tous les jours des déclarations approbatives de France. Ici, en Angleterre, toutes ces intrigues ne trouvent naturellement pas de terrain propice. Et le Conseil général ne convoquera certainement pas de congrès extraordinaire pour complaire à quelques intrigants et vaniteux. Tant que ces messieurs demeurent sur le terrain légal, le Conseil général les laisse faire volontiers, car cette coalition d'éléments hétéroclites se désagrégera bientôt d'elle-même ; mais pour peu qu'ils entreprennent quelque chose contre les Statuts ou les résolutions des congrès, le Conseil général fera son devoir.

Quand on pense à quel moment — précisément lorsque l'Internationale est traquée de partout — ces gens ourdissent leur conspiration, on ne peut se défaire de la pensée que les messieurs de la police internationale y sont pour quelque chose. C'est en effet le cas. A Béziers, les bakouninistes genevois ont le commissaire central de police6 pour correspondant. Deux bakouninistes éminents, Albert Richard de Lyon et Leblanc, sont venus ici et ont déclaré à un ouvrier de Lyon, Scholl, auquel ils se sont adressés, que le seul moyen de renverser Thiers serait de rétablir Bonaparte sur le trône, c'est pourquoi ils voyageaient aux frais de Bonaparte pour faire de la propagande parmi les émigrés en faveur de la restauration bonapartiste ! Voilà ce que ces messieurs appellent ne pas faire de la politique ! A Berlin, le Neuer Social-Demokrat subventionné par Bismarck souffle dans la même trompette. Je laisse provisoirement en suspens la question de la part que peut avoir là-dedans la police russe, mais Bakounine était fortement compromis dans l'histoire de Nétchaiev (il le nie à vrai dire, mais nous avons les comptes rendus russes authentiques, et comme nous savons le russe, Marx et moi, il ne peut pas nous donner le change). Or Nétchaiev était un agent provocateur russe ou, du moins, agissait-il comme tel ; sans compter que Bakounine a parmi ses amis russes toute sorte de gens suspects.

Je suis désolé que vous ayez perdu votre place et je vous avais écrit spécialement d'éviter tout ce qui risquait d'y aboutir. Votre présence à Milan importe beaucoup plus à l'Internationale que le peu d'effet que pourrait produire une intervention publique ; l'action secrète offre aussi de grandes possibilités, etc. Si je puis vous être utile en ce qui concerne les traductions, je le ferai avec le plus grand plaisir. Dites-moi seulement de quelles langues en quelles langues vous pouvez traduire et en quoi je pourrai vous rendre service.

Ainsi, les limiers ont aussi intercepté ma photographie. Je vous en envoie une autre et vous demande deux des vôtres en retour ; l'une d'elles pour inciter mademoiselle Marx à donner une photographie de son père à votre intention (il n'y a plus qu'elle qui en ait encore quelques-unes de bonnes).

Je vous recommande, une fois de plus, d'être prudent avec toutes les personnes qui sont en liaison avec Bakounine. Toutes les sectes ont ceci de particulier que leurs membres sont solidement unis et se livrent aux intrigues. Chacune de vos communications, n'en doutez pas, sera aussitôt transmise à Bakounine. L'un de ses principes est que la fidélité à sa parole et autres choses analogues ne sont que préjugés bourgeois dont le véritable révolutionnaire doit faire fi pour le bien de la cause. En Russie il le professe ouvertement, en Europe occidentale c'est sa doctrine secrète.

Ecrivez-moi au plus vite ; si nous pouvions obtenir que la section de Milan ne fasse pas chorus avec les autres sections italiennes, ce serait très bien...

Notes

1 Engels a en vue le Congrès de Berne de la Ligue pour la paix et la liberté, organisation bourgeoise ; Bakounine fut un de ses dirigeants jusqu'en octobre 1868.

2 Les résolutions adoptées au Congrès de Bâle de la Ire Internationale (6-12 septembre 1869).

3 Il s'agit de la Conférence de Londres de la Ire Internationale (17-23 septembre 1871).

4 Depuis 1927, cette ville s'appelle Agrigente.

5 Fédération ouvrière.

6 En français dans le texte.



Lettre telle que publiée dans Marx-Engels (1875), Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt. Paris : Éditions sociales, 1972, 158 pages. Collection “Classiques du marxisme”.
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À Friedrich Cuno

Londres le 24 janvier 1872.

... Bakounine, qui, jusqu'en 1868, avait intrigué contre elle, adhéra à l'Internationale après avoir fait fiasco au congrès de la paix à Berne (1) et commença aussitôt à conspirer de l'inté­rieur contre le Conseil général. Bakounine a une théorie très particulière, un salmigondis de proudhonisme et de communisme, dans lequel l'essentiel en premier lieu est que pour lui le principal mal à éliminer n'est pas le capital, et par suite l'opposition de classe entre capita­listes et salariés qui résulte de l'évolution sociale, mais l'État. Tandis que la grande masse des ouvriers social-démocrates considère avec nous que le pouvoir de l'État n'est rien d'autre que l'organisation que les classes dominantes - propriétaires fonciers et capitalistes - se sont donnée pour défendre leurs privilèges sociaux, Bakounine prétend que l'État a créé le capital, que le capitaliste ne détient son capital que par la grâce de l'État. En conséquence, comme le mal principal est pour lui l'État, il faudrait avant tout supprimer l'État et le capital s'en irait alors de lui-même au diable. A l'opposé, nous disons, nous : abolissez le capital, l'appro­priation de l'ensemble des moyens de production entre les mains de quelques-uns, alors l'État s'effondrera de lui-même. La différence est essentielle : l'abolition de l'État sans révolution sociale préalable est une absur­dité, l'abolition du capital constitue précisément la révolution sociale et renferme en soi une transformation de l'ensemble des moyens de production. Or, comme pour Bakounine l'État est le mal fondamental, on ne doit rien faire qui puisse mainte­nir en vie l'État, c'est-à-dire n'importe quel État, qu'il soit république, monarchie ou autre. En conséquence, il faut rester entièrement à l'écart de toute politique. Commettre un acte poli­tique, et, en particulier, parti­ci­per à une élection, serait trahir les principes. Il faut faire de la propagande, déblatérer contre l'État, s'organiser, et, quand on a tous les travailleurs de son côté, donc la majorité, on dépose toutes les autorités, on abolit l'État et on le remplace par l'orga­ni­sation de l'Interna­tionale. Ce haut fait, par quoi commence le royaume millénaire, s'appelle la liquidation sociale.

Tout cela rend un son extrêmement radical, et c'est si simple qu'on peut l'apprendre par cœur en cinq minutes; c'est aussi pourquoi, en Italie et en Espagne, cette théorie bakouniniste a rapidement trouvé un écho auprès de jeunes avocats, de docteurs et d'autres doctrinaires. Mais la masse des travailleurs ne se laissera jamais mettre dans la tête que les affaires publi­ques de son pays ne sont pas en même temps ses propres affaires; les travailleurs sont politiques par nature, et celui qui leur raconte qu'ils doivent laisser la politique de côté, ils le laissent finale­ment en plan. Prêcher aux ouvriers de s'abstenir de la politique en toutes circonstances, c'est les pousser dans les bras des curés ou des républicains bourgeois.

Or, comme, d'après Bakounine, l'Internationale ne doit pas être créée pour la lutte politi­que, mais pour pouvoir immédiatement, lors de la liquidation sociale, remplacer l'an­cien­ne organisation de l'État, son devoir est de se rapprocher le plus possible de l'idéal bakouniniste de la société de l'avenir. Dans cette société, il n'existe avant tout aucune autorité, car l'autorité... c'est l'État... cela ne vaut absolument rien (comment les gens veulent faire tourner une usine, rouler un train, conduire un navire sans une volonté qui décide en dernière ins­tan­ce, cela ils ne nous le disent certes pas). Même l'autorité de la majorité sur la minorité cesse. Chaque individu, chaque commune sont autonomes; mais comment une société, fût-elle de deux hommes seulement, serait possible sans que chacun abandonne une parcelle de son auto­nomie, là-dessus Bakounine est également muet. Donc l'Internationale doit, elle aussi, être organisée d'après ce modèle. Chaque section est autonome, et dans chaque section, cha­que individu. Au diable les résolutions de Bâle (2), qui confèrent au Conseil général une autorité pernicieuse et qui le démoralisent lui-même! Même si cette autorité est conférée volon­tairement, elle doit cesser, précisément parce qu'elle est autorité !

Tels sont, en bref, les points principaux de la charlatanerie...

(1) Le congrès de la « Ligue pour la paix », association pacifiste bourgeoise, eut lieu à Berne en septembre 1868. Bakounine y participa.
(2) Engels pense aux résolutions du congrès de la 1ère internationale à Bâle (septembre 1869) qui élargissaient les pouvoirs du Conseil général. Les bakouninistes menèrent une campagne acharnée pour faire annuler ces résolutions.


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