Économique de la période de transition
VI : les forces productives, les faux-frais de la révolution et le bouleversement technique
Au chapitre III nous avons déjà touché d'une manière générale au problème des forces productives et des faux-frais de la révolution. Il est nécessaire à présent de poursuivre l'analyse de cette question d'une manière détaillée, car tout dépend de son évaluation. En effet, les forces productives de la société, leur niveau et leur mouvement définissent en fin de compte l'ensemble des phénomènes sociaux. La stabilité de tout équilibre structural, c'est-à-dire de l'équilibre entre les différents groupes sociaux et les éléments humains du système social [1], repose sur un équilibre déterminé entre la société et le milieu extérieur, équilibre dont le caractère est défini par le degré de développement des forces productives matérielles de la société.
Mais il convient tout d'abord de répondre à la question : que recouvre le terme de forces productives ?
Dans Misère de la philosophie [a], Marx écrivait : « C'est donc heurter de front l'histoire que de vouloir commencer par la division du travail en général pour en venir ensuite à un instrument spécifique de production, les machines. Les machines ne sont pas plus une catégorie économique que ne saurait l'être le bœuf qui traîne la charrue. Les machines ne sont qu'une force productive [souligné par nous. N.B.] [2]. L'atelier moderne, qui repose sur l'application des machines, est un rapport social de production, une catégorie économique ». [Souligné par nous. N.B.]
Ainsi Marx comprend de façon évidente sous le concept de forces productives des éléments matériels et humains de la production et, de ce fait [3], la catégorie des forces productives apparaît comme une catégorie non économique, mais technique. Par ailleurs, nous trouvons chez lui une autre définition des forces productives. Dans les Livres I et III du Capital, Marx a très souvent employé le terme de « forces productives » et très clairement dans le sens de l'expression « productivité du travail social » [b]. Cependant Marx appelant forces productives la productivité du travail social, indique lui-même à maintes reprises que la force de travail est la force productive fondamentale de la société.
Quoi qu'il en soit, il est clair que si l'on peut se servir, au début de l'analyse, d'un concept mal défini, l'imprécision de ce concept se fait sentir par la suite.
Avant tout, dans quel sens ce terme est-il utilisé ? En parlant de forces productives, on désigne le degré de domination de l'homme sur la nature, l'étendue de la conquête de cette nature. Notamment, on définit ainsi en fin de compte le degré de développement atteint. C'est de ce point de vue qu'il faut considérer la question du rapport qu'ont entre elles les définitions de Marx. Rodbertus propose de différencier très précisément ces deux concepts. Dans son ouvrage Zur Beleuchtung der sozialen Frage (Essai sur la question sociale) il écrit : « La force productive doit être strictement distinguée de la productivité. La productivité indique l'efficacité ou le rendement de la force productive. Si au lieu de dix travailleurs on en emploie vingt, et si à la place d'une machine ayant une capacité de travail déterminée l'on met deux machines, alors la force productive augmente du double; si dix travailleurs produisent autant que vingt auparavant, ou s'il y a une machine qui ne coûte pas plus qu'une autre mais avec une efficacité double de la première, alors la productivité double. Le travail est en ce cas l'ultime échelle de valeur. Les sommes importantes de travail fourni apparaissent comme une productivité supérieure » [c]. La question ainsi posée, la raison de l'« imprécision» du concept de forces productives se comprend aisément; il s'agit d'un concept charnière, situé à la limite de la technique et de l'économie [4]. D'un point de vue économique le concept de productivité du travail social est important. D'un point de vue technique l'équivalent matériel de cette productivité de travail social, c'est-à-dire l'ensemble des moyens de production et de la force de travail disponible, est essentiel. C'est pourquoi nous pouvons parler de forces productives et de productivité du travail social comme de deux aspects d'une seule et même grandeur mathématique [5] : M / (a + b) où M représente l'ensemble des produits exprimé en n'importe quelle unité de compte (que ce soit en unité d'énergie ou tout autre unité, cela est indifférent), et où a et b sont des mesures de travail social : a la mesure du travail mort et b celle du travail vivant. Si l'on considère cette formule d'un point de vue « matériel », on aura : 1) la masse des divers produits; 2) la masse des différents moyens de production; 3) la masse des diverses qualifications de la force de travail. Ces trois grandeurs dépendent complètement les une des autres, l'élément primaire étant les moyens de production. Les moyens de production se divisent en instruments de travail et en autres moyens de production (matières premières, produits semi-finis, etc.). Ces deux parties sont, à leur tour, organiquement liées l'une à l'autre. Les moyens concrets de production supposent dans leur ensemble une quantité adéquate de la force de travail, qualitativement définie, car le processus de production a sa propre logique technique et à chaque moment les éléments matériels et humains de la production sont liés les uns aux autres d'après un modèle parfaitement déterminé et dans des proportions parfaitement définies. Mais d'autre part les moyens de production eux-mêmes, dans leur définition matérielle, se divisent en deux parties liées entre elles de façon définie. De ce point de vue nous pouvons prendre comme point fondamental de l'analyse la part active des moyens de production, plus précisément les instruments de travail, le système technique de la société. C'est précisément ce dernier qui, comme le disait Marx, constitue « le critère réel du progrès des forces productives ».
Ainsi, si nous parlons de la croissance ou de la régression des forces productives de la société, nous entendons par là l'augmentation ou la diminution de la productivité sociale du travail; si nous parlons de répartition et de redistribution des forces productives, il s'agit de la répartition et de la redistribution des moyens de production et de la force de travail; s'il est question d'anéantissement physique des forces productives, il s'agit alors de destruction des moyens de production et de la force de travail; s'il nous faut une définition sociologique des forces productives [6], nous pouvons accepter celle de système technique de la société, « facteur » dynamique du développement social.
Cependant cette interrelation des différents éléments de la force M / (a + b), où a et b indiquent l'effectif total des moyens de production et de la force de travail, suppose un mode « normal » de reproduction sociale, c'est-à-dire un état d'équilibre dynamique. Techniquement, les proportions données de ces grandeurs (et par suite la possibilité de substituer l'une des grandeurs à l'autre) disparaît avec la perturbation de l'équilibre social. La productivité du travail social s'exprimera comme précédemment par la formule M / (a + b). Mais a n'indiquera déjà plus tous les moyens de production disponibles, et b toutes les disponibilités en force de travail (c'est-à-dire pouvant être utilisées) ; et la relation entre a et b qui est une grandeur donnée, techniquement définie dans des conditions normales, cesse de l'être.
La dynamique des forces productives est liée à la dynamique de la production, c'est-à-dire du processus de reproduction. Les éléments matériels et humains des forces productives (à savoir l'ensemble des moyens de production et de la force de travail) se reproduisent in natura afin de demeurer les facteurs actifs de ce processus. C'est pourquoi du point de vue de la reproduction, la formule M / (a + b) doit être considérée sous l'angle des facteurs a et b, c'est-à-dire sous l'angle des éléments matériels et humains du processus de reproduction. Les facteurs a et b ne peuvent cependant être des complexes isolés mais des grandeurs organiquement liées au processus du travail. Pour autant qu'ils entrent dans ce processus du travail, ils deviennent des composantes de l'ensemble des forces productives.
Le développement des forces productives ne représente pas une courbe constamment ascendante. Il est déjà entendu a priori que dans une société antagoniste, société fondée sur l'anarchie de la production et l'anarchie sociale, un développement continu des forces productives est impossible. Car dans une telle société les lois de l'équilibre se réalisent et ne peuvent exclusivement se réaliser que par des perturbations constantes ou périodiquement répétées de l'équilibre. Par conséquent le rétablissement de l'équilibre doit avoir pour origine cette perturbation. Et comme chaque perturbation de l'équilibre, dont la signification fonctionnelle est, dans le cas présent, son rétablissement à plus grande échelle - et simultanément à un degré de contradiction encore plus fort - est inévitablement liée à une baisse des forces productives, il va de soi que dans une société antagoniste, le développement des forces productives passe forcément par leur destruction périodique.
Cela se produit de façon extrêmement nette en période de crises capitalistes. « Les crises des marchés mondiaux doivent être considérées comme le concentré et le nivellement violent [N .B.] de toutes les contradictions de l'économie bourgeoise » [d].
Ce « nivellement violent » des contradictions, c'est-à-dire l'établissement des conditions d'un nouvel équilibre, s'accompagne d'une destruction de forces productives. Le nouvel équilibre reproduit ainsi la contradiction ancienne sur une base élargie. Par conséquent, de ce point de vue, le processus de reproduction capitaliste est non seulement un processus de reproduction élargie des rapports de production capitalistes, mais aussi un processus de reproduction élargie des contradictions capitalistes [e]. Le nouvel équilibre s'établit chaque fois par « une destruction massive des forces productives », et qui plus est, dans des proportions croissantes. Dans les Théories de la plus-value Marx fait une excellente analyse des principales formes de cette destruction, et de plus, de deux points de vue différents : le point de vue réel et matériel (formes naturelles), et le point de vue capitaliste-fétichiste (forme de la valeur).
« Quand il est question de la destruction du capital par les crises, il est nécessaire de distinguer deux sortes de phénomènes.
« Si le processus de reproduction s'arrête et si le processus de travail est limité ou même par endroits complètement arrêté, le capital réel est anéanti. Les machines qui ne sont pas employées ne sont pas du capital. Le travail qui n'est pas exploité, c'est la production qui se perd. Les matières premières qui ne sont pas utilisées ne sont pas du capital. Les valeurs d'usage (précisément de la même façon que les machines nouvellement montées) qui ne sont pas utilisées ou qui demeurent inachevées, les marchandises qui pourrissent dans les magasins, tout cela est du capital anéanti : tout cela freine (simultanément) le processus de reproduction d'autant plus que les moyens de production possédés ne sont pas réellement utilisés comme moyens de production ... Leur valeur d'usage et leur valeur d'échange s'en vont au diable.
« Mais en second lieu, la destruction du capital par les crises signifie dépréciation des masses des valeurs ... C'est la chute ruineuse des prix des marchandises. En ce cas les valeurs d'usage ne se détruisent pas. Ce que l'un perd, un autre le gagne ... En ce qui concerne le capital fictif, les titres d'État, les actions, etc., dans la mesure où les crises ne conduisent pas à la banqueroute de l'État ou à la faillite des sociétés par actions et dans la mesure où ils ne compromettent pas l'ensemble du processus de reproduction, il s'agit alors seulement d'un transfert de richesse d'une main à l'autre » [f].
Mais puisqu' « en général » le processus de reproduction est perturbé, dans ce cas aussi la destruction du capital sous sa forme matérielle en découle. D'autre part, la centralisation du capital, accélérée par la crise, constitue une « forme supérieure » du mouvement futur et le développement ultérieur des forces productives se réalise au prix de leur destruction temporaire et partielle c'est-à-dire au prix d'une réduction de leur niveau.
Au fond, le même phénomène s'observe dans l'analyse de la concurrence capitaliste, qui est fondée sur le morcellement de la production sociale. S'il s'agissait d'un système rationnellement organisé le travail serait réparti en différentes branches et entreprises selon une proportion nécessaire. Dans la société capitaliste aucun régulateur conscient de ce genre n'existe. C'est pourquoi la loi de l'équilibre, c'est-à-dire la loi de la valeur, agit en tant que loi élémentaire « à la manière » de la loi de la gravitation lorsque la maison s'écroule sur votre tête». Mais précisément parce qu'il s'agit d'une loi sociale aveugle et spontanée, l'équilibre se réalise uniquement à travers d'incessantes perturbations. La perturbation de l'équilibre apparaît alors comme une condition sine qua non de l'établissement d'un nouvel équilibre, suivi à nouveau d'une perturbation, etc. Le mécanisme de ces fluctuations, c'est-à-dire des perturbations constantes de l'équilibre, qui permettent de réaliser constamment le suivant, est le mécanisme de la concurrence. Il en résulte que le développement des forces productives dans la société capitaliste se réalise au prix d'un gaspillage perpétuel. Ce gaspillage (« faux-frais de la concurrence ») est la condition nécessaire du mouvement en avant de tout le système capitaliste. Chaque nouveaux maillon dans la chaîne de l'équilibre mobile reproduit cet équilibre sous une forme supérieure sur la base du processus de centralisation.
Il faut, considérer la guerre de ce point de vue, car celle-ci n'est rien d'autre : que l'une des méthodes de concurrence, à un degré détermine de développement [7]. C'est la méthode de concurrence combinée entre les trusts du capitalisme d'État. Par suite, les faux-frais de la guerre ne sont eux-mêmes rien d'autre que les faux-frais du processus de centralisation. Du point de vue du système capitaliste dans son ensemble, ils jouent un rôle positif dans la mesure où ils ne conduisent pas à l'écoulement du système [8].
D'une manière générale, les crises et la concurrence peuvent être envisagées de trois points de vue différents : du point de vue des éléments du processus de reproduction, quand se manifeste une réduction, des forces productives; du point de vue de la reproduction du système donné de production lorsque la régression temporaire des forces productives est elle-même une condition de leur progrès ultérieur ; du point de vue de l'écroulement de l'ancien système et de la transformation sociale, au moment où les contradictions de l'ancien système le font exploser et où les faux-frais de cet écroulement se transforment en faux-frais de la révolution.
Ces faux-frais de la révolution peuvent à leur tour être considérés sub specie [comme espèce] de ces cycles de reproduction eux-mêmes, alors que se produit la destruction des forces productives matérielles, ou sub specie du passage à la nouvelle structure sociale plus productive qui lève les contradictions entre le développement des forces productives et leurs «chaînes» structurelles. Il doit nous apparaître clairement que le passage à une structure nouvelle qui soit une nouvelle «forme de développement» des forces productives, est inconcevable sans une réduction temporaire des forces productives. Et l'expérience de toutes les révolutions [9], qui jouèrent un rôle positif important précisément du point de vue du développement des forces productives, prouve que ce développement fut réalise au prix de leur gaspillage et de leur destruction. Il ne peut en être autrement s'il s'agit de révolution [g]. Car au cours de la révolution « l'enveloppe » des rapports de production, c'est-à-dire l'appareil humain de travail « explose », ce qui signifie et ne peut pas ne pas signifier une perturbation du processus de reproduction, et par suite une destruction des forces productives.
S'il en est ainsi - et il en est sûrement ainsi - il est clair a priori que la révolution prolétarienne s'accompagne inévitablement d'un affaiblissement extrêmement profond des forces productives, car aucune révolution n'entraîne une rupture aussi profonde des rapports anciens et la reconstruction de ceux-ci sur une nouvelle base [10]. Et il apparaît non moins clairement que du point de vue du développement des forces productives, la révolution prolétarienne est une nécessité objective. Cette nécessité objective découle de l'incompatibilité de l'enveloppe économique avec le développement des forces productives. Les forces productives mondiales ne s'accommodent pas de la structure nationale étatique de la société, et la contradiction est « résolue » par la guerre. La guerre elle-même est incompatible avec l'existence de la force productive fondamentale - la classe ouvrière - et la contradiction ne peut être réellement résolue que par la révolution [h].
La classe ouvrière, force productive fondamentale de la société [i] peut seule sauver cette société et fournir un stimulant au développement ultérieur. Mais elle ne peut le faire qu'au prix de sacrifices, se heurtant inévitablement à une vive résistance de «l'enveloppe» capitaliste personnifiée par la bourgeoisie capitaliste [j]. L'importance des faux-frais de la révolution prolétarienne dépend de la profondeur de la révolution communiste, de la transformation fondamentale de la structure de production. Dans les révolutions bourgeoises de telles transformations ne se produisaient pas car la propriété privée en tant qu'expression juridique d'un type déterminé de rapports de production, était déjà le fondement des rapports précapitalistes. Conformément à cela, l'équilibre social après la révolution fut atteint : dans le domaine économique - seulement par quelques améliorations des rapports précédents, et dans le domaine politique par le passage du pouvoir des mains de propriétaires d'un type aux mains de propriétaires d'un autre type. Par conséquent, il est clair a priori qu'il n'y a dans ce cas et ne peut y avoir une telle dislocation, qui devient inévitable avec une rupture fondamentale et radicale des rapports anciens, apparaissant ainsi comme une loi inéluctable de la révolution prolétarienne [k].
Tous les faux-frais réels de la révolution se ramènent au rétrécissement du processus de reproduction et à la réduction des forces productives. On peut les répartir selon leur forme en plusieurs rubriques.
Il est facile de constater que, dans tous les cas énumérés, il se produit un raccourcissement, une interruption, un arrêt et quelquefois une paralysie du processus de reproduction qui correspond à une réduction des forces productives, ce qu'il est aussi stupide de « nier » que de vouloir « nier » le processus révolutionnaire lui-même. Il s'agit d'éclaircir la signification fonctionnelle de cette réduction. Entre les idéologies bornées de la bourgeoisie et les idéologies du prolétariat la différence ne réside pas en ce que les unes « constatent » ces faits alors que les autres les nient, mais en ce que les idéologies bourgeoises considèrent ces événements d'un point de vue statique, alors que la seule méthode correcte (qui a par suite une portée générale) consiste à examiner la réduction temporaire des forces productives sous l'angle du processus de transformation, c'est-à-dire non seulement par rapport aux cycles immédiats de la reproduction sociale, mais dans une large optique historique.
Il va sans dire que si le processus de régression des forces productives se traduit par une destruction directe des éléments de la production, il est d'autant plus douloureux que la réduction des forces productives est plus forte au moment de la guerre. La régression des forces productives due à cette cause est liée à leur déclin « révolutionnaire » ; la guerre et la révolution, en tant qu'explosion du système capitaliste, se fondent dans le processus de transformation sociale [l].
Il découle de l'analyse précédente que l'arrêt du déclin des forces productives ne peut se réaliser avant l'établissement d'une nouvelle structure sociale, d'un nouvel équilibre socio-productif. C'est une condition nécessaire à la restauration du processus de reproduction. Ce n'est qu'après la reconstruction de l'appareil de travail humain, éliminant les obstacles au développement des forces productives, déchirant cette « enveloppe » qui de « formes de développement » devient « chaînes de développement », que la phase ultime de la révolution devient possible, à savoir la révolution technique - révolution non dans les rapports entre les hommes, mais dans les rapports entre la collectivité humaine et la nature.
Cela conduit à admettre dans une première phase une « accumulation socialiste primitive » [m]. Quelle était la nature de l'accumulation capitaliste primitive ? Elle ressort de ce que le pouvoir politique de la bourgeoisie a mobilisé des masses énormes de population, les dépouillant, les réduisant à l'état de prolétaires, constituant à partir de ceux-ci la base de la force productive de la société capitaliste. La production du prolétariat, voilà « l'essence » de la période d'accumulation primitive. «Dans l'histoire de l'accumulation primitive, toutes les révolutions qui servent de levier à l'avancement de la classe capitaliste en voie de formation font époque, celles surtout qui, dépouillant de grandes masses de leurs moyens de production et d'existence traditionnels, les lancent à l'improviste sur le marché du travail. » [n]
Le capital, par le gaspillage, la contrainte d'une classe et le brigandage, a mobilisé de cette façon les forces productives en les établissant comme point de départ du développement ultérieur.
Mais le socialisme qui surgit des ruines doit inévitablement lui aussi débuter par la mobilisation des forces productives humaines. Cette mobilisation du travail constitue un moment fondamental de l'accumulation socialiste primitive, qui est la négation dialectique de l'accumulation capitaliste [13]. Son essence de classe n'est pas la pose de jalons conduisant au processus d'exploitation, mais une renaissance économique avec élimination de l'exploitation; elle n'est pas non plus le pillage par la classe des capitalistes, mais une organisation de la masse laborieuse par elle-même.
Nous avons vu plus haut que le processus de désintégration du système capitaliste s'accompagne non seulement d'une destruction de la force humaine de travail et de sa déqualification, mais d'une pure et simple éviction du processus de travail. C'est pourquoi il apparaît clairement que, lorsque le prolétariat entreprend la restauration du processus de reproduction, il doit commencer par mobiliser les forces exclues du processus de production [14]. Mais il ne peut se borner à cela. Aux premiers stades du développement, alors que le prolétariat hérite d'un équipement technique en machines cruellement endommagé, la force de travail humaine acquiert une importance particulière. C'est pourquoi le passage au système de l'obligation générale du travail, c'est-à-dire l'entrée des larges masses non prolétaires, dans le processus du travail de l'État prolétarien, en premier lieu des masses paysannes, apparaît comme une nécessité impérieuse [o]. La constitution d'une force productive humaine collectivement agissante est le point de départ des entreprises ultérieures. Les transports, l'approvisionnement en combustibles, matières premières et denrées alimentaires, représentent les sphères de travail les plus importantes dans un premier temps [p]. Le développement peut alors débuter selon une ligne ascendante, développement qui s'accompagne d'un puissant essor technique. L'abolition de la propriété privée des moyens de production, la suppression du « droit » des brevets et du secret des affaires, l'unité d'action due au plan, etc. rendent possible le passage à l'utilisation de l'énergie électrique [15]. Si, pour le capitalisme, la propriété privée du sol et de ses «compléments» (chutes d'eau, fleuves, gisements de tourbe, etc.) et les monopoles de la clique capitaliste ont entravé principalement le développement des forces productives, et cela jusque dans les pays capitalistes puissants où l'emploi de l'énergie électrique, la construction de nouvelles centrales électriques, etc., s'est heurtée aux frontières, signes de la propriété privée [q], avec la domination du prolétariat au cours de la période d'« accumulation socialiste primitive » s'opère la véritable révolution technique, révolution de la technique sociale de production. « Siècle de la vapeur - siècle de la bourgeoisie. Siècle de l'électricité - siècle du socialisme », voilà un trait caractéristique tout à fait exact de la technique dans les premiers temps du développement socialiste [s].
L'électrification de l'industrie, la construction d'énormes centrales électriques, la constitution d'un solide réseau de transports, bouleverse totalement les rapports entre la ville et la campagne. Elle ne contribue pas seulement à transformer les petits propriétaires aux terres morcelées en travailleurs sociaux, elle rationalise et transforme radicalement tout le processus de production agricole. Les instruments primitifs et presque barbares sont remplacés par les dernières inventions techniques, ce qui élimine la disparité fondamentale de la production capitaliste entre le développement de l'industrie et de l'agriculture, cause de l'existence de la rente foncière et de la propriété privée des sols, et cause de la hausse énorme du prix des produits agricoles jusqu'à la guerre [t]. L'opposition entre la ville et la campagne disparaîtra peu à peu, ainsi que « l'idiotie spécifique de la vie à la campagne ». Les forces productives de la société humaine seront réparties entre les différents domaines selon les conditions matérielles plus ou moins favorables (proximité de gisements de charbon, de matières premières, etc.). La question relative à « l'implantation de l'industrie » se résoudra hors des barrières capitalistes, et le développement des forces productives se fera d'une démarche sûre et harmonieuse, à pas de géants.
Notes de Lénine
[1] Cette terminologie, cette subdivision délibérée des groupes aux classes, etc., n'est-ce pas un pas en arrière vers la « sociologie » entre guillemets ?
[2] Mettre en rapport et non identifier.
[3] «De ce fait » ne veut rien dire, puisque « humain » (expression imprécise) n'est pas « technique ».
[4] C'est mieux qu'à la page précédente.
[5] C'est une mathématique plus que douteuse, bonne à rien.
[6] Ha ! Ha !
[7] Pas en général, pas toutes.
[8] Imprécis.
[9] Ce n'est pas le cas de l'Amérique de 1870 par rapport à l'Amérique de 1860, d'après le recensement.
[10] Juste !
[11] Cf. ENGELS sur l'« effondrement » dans la lettre de 1882 sur les colonies. (LÉNINE se trompe, il s'agit de la lettre à KAUTSKY du 12 septembre 1892. Note de l'éditeur.)
[12] Une terminologie bizarre et incorrecte qui masque la prise du pouvoir d'État par une classe.
[13] Ouf !
[14] Mobilisation et « socialisation ».
[15] Il faudrait développer davantage.
Notes de l'auteur
[a] K. MARX, Misère de la philosophie, op. cit., pp. 140-141.
[b] Cf. par exemple, Le Capital, Livre I, op. cit., T. I, pp. 60-61, T. III, pp. 45-53; et aussi Livre III, 1re partie, où se trouve l'analyse du taux moyen de profit. Exemple : « Avec la force productive du travail croît la masse des produits dans laquelle se représente une valeur déterminée, d'où aussi une plus-value d'une grandeur déterminée. D'autant plus la force de travail augmente, d'autant plus grande est la quantité de moyens de consommation et d'accumulation que comprend la plus-value » [*] (traduction conforme au texte cité par Boukharine dans l'édition allemande, Berlin, Dietz Verlag, 1974, p. 631. L'édition française est la traduction d'un texte très différent, cf. Ed. soc. T. III, p. 45 et La Pléiade, p. 1110. NDLE). Ou, de façon encore plus claire : « Cette partie du capital constant qui s'avance sous forme d'outillage et qu'Adam SMITH a nommée « Capital fixe », fonctionne toujours en entier dans les procès de production périodiques, tandis qu'au contraire, ne s'usant que peu à peu, elle ne transmet sa valeur que par fractions aux marchandises qu'elle aide à confectionner successivement. Véritable gradimètre du progrès des forces productives. Ed. soc. T. III, p. 48 [...] » (C'est nous qui soulignons. N.B.). De même dans les Theorien über den Mehrwert, vol. III, p. 598 : «Forces productives ou force de travail ». Par contre « forces productives» (« moyens de production ») dans l'introduction à la Critique de l'économie politique, in K. MARX, Contribution à la critique de l'économie politique, Paris. Ed. Sociales, 1957, pp. 147 à 175.
[*] Ce n'est pas le sujet. (note de Lénine)
[c] G. RODBERTUS-JAGETZOW, (Zur Beleuchtung der sozialen Frage), Berlin, 1890, p. 60 et sq. Cf. aussi la bibliographie sur les forces productives dans le chapitre III de cet ouvrage.
[d] KARL MARX, Theorien über den Mehrwert, vol. II, 2° partie, stuttgart, 1919, p, 282.
[e] L'auteur du présent travail relève ce point de vue de façon énergique dans son livre L'économie mondiale et l'impérialisme, op. cit. Cf. KARL MARX et ENGELS, Manifeste du Parti communiste, op. cit. p. 49 : « Comment la bourgeoisie surmonte-t-elle ces crises ? D'un côté en imposant la destruction massive de forces productives [souligné par nous, N. BOUKHARINE]; de l'autre en conquérant de nouveaux marchés et en exploitant plus à fond les anciens marchés. Comment, par conséquent ? En préparant des crises plus générales et plus puissantes, et en réduisant les moyens de les prévenir. »
[f] Theorien über den Mehrwert, vol. II, 2. partie, Stuttgart, 1919, p. 267-269.
[g] Les destructions produites par la guerre civile en Amérique [**], qui donna une énorme impulsion au développement du capitalisme, sont bien connues. On connaît la ruine, à l'époque de la Révolution française, qui a entraîné le développement des forces productives vers une période de profond déclin. Il est aussi connu que les Jacobins français, qui constituaient l'un des facteurs les plus actifs du mouvement révolutionnaire furent précisément accusés des mêmes crimes dont on inculpe aujourd'hui les communistes. On trouve dans le procès de Charlotte CORDAY, l'assassin de MARAT, les passages suivants : « Quels mobiles ont pu vous pousser à décider un geste aussi atroce ? - Ses crimes. - Quels crimes lui imputez-vous ? - La misère de la France et la guerre civile qu'il a répandue dans tout le pays. - Par quels faits soutenez-vous cette accusation ? - Ses crimes passés sont les escarmouches de ceux d'aujourd'hui. C'est lui qui a provoqué les massacres de septembre; c'est lui qui a attisé le feu de la guerre civile pour devenir dictateur ou être autrement installé, et c'est lui qui a récemment bafoué la souveraineté du peuple en ordonnant le 31 mai de cette année l'arrestation et l'incarcération des députés de la Convention.». (Revolioutsionnyi Tribounal v epokhou velikoi frantsouskoi revolioutsii) Vosprominaniia sovremennikov i dokoumenty, éd. dirigée par le Pr. TARLE, I° partie, p. 59).
Ce dialogue entre un révolutionnaire jacobin et une demoiselle contre révolutionnaire girondine n'est-il pas l'image d'un dialogue entre un communiste et un social-démocrate ? Ce n'est pas sans raison que PLEKHANOV a prédit dans l'Iskra, pour le XX° siècle, une scission des socialistes entre « Montagne » et « Gironde ». Cette prévision s'est vérifiée avec une précision astronomique, et ces messieurs KAUTSKY et Cie de se produire dans toute la magnificence de la vertueuse et peu prudente girondine. KAUTSKY avait défendu les jacobins pendant un certain temps. Mais que faire ? « Nous avons changé tout cela ».
[**] Cf. plus haut. (note de Lénine)
[h] Le camarade KRITSMAN (cf. son article « Le développement des forces productives et la dictature du prolétariat» dans le recueil (Dva Goda Dictatoury proletariata, p. 70), observe très justement : « Mais le prolétariat se distingue des autres forces productives (machines matériaux, etc.) parce qu'il réagit par la rébellion à la destruction qui le menace. La période de la crise est une période de réveil de la rébellion révolutionnaire du prolétariat .. La révolution du prolétariat lui-même n'est rien d'autre que la réaction du prolétariat contre la tendance de la bourgeoisie à atténuer le gaspillage par la destruction de celui-ci, et à réduire l'inactivité des forces qui lui appartiennent pour éloigner la crise provoquée par l'anarchie du mode de production capitaliste. » [***], (Souligné par nous, N. BOUKHARINE).
[***] Très juste! (note de Lénine)
[i] Cf. KARL MARX, Misère de. la philosophie, op. cit., p. 178 : «De tous les instruments de production, le plus grand pouvoir productif c'est la classe révolutionnaire elle-même [****]. L'organisation des éléments révolutionnaires comme classe suppose l'existence de toutes les forces productives, qui pouvaient s'engendrer dans le sein de la société ancienne. »
[****] Voilà ce que l'auteur a « oublié » dans les pages précédentes et suivantes. (note de Lénine)
[j] De ce point de vue il est parfaitement « absurde » de rendre responsable la classe ouvrière et son parti de la désagrégation. En effet c'est elle justement qui constitue la force qui rend possible la reconstitution de la société. La résistance de « l'ordre ancien» - c'est à elle qu'il faut Imputer la désagrégation pendant la période de transition [*****].
[*****] Juste ! (note de Lénine)
[k] Messieurs les « critiques » de la révolution prolétarienne volent dans la désagrégation une preuve de l'immaturité des rapports capitalistes. Il résulte de notre analyse qu'avec des rapports « de pleine maturité » un trouble (transitoire) est inévitable dans n'importe quel régime. Les « critiques » citent même les paroles de MARX (Contribution à la Critique ... , Préface, op. cit., p. 5) : « Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu'elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s'y substituent avant que les conditions d'existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société. » MARX en tire aussitôt la conclusion suivante : « C'est pourquoi l'humanité ne se pose jamais que des problèmes qu'elle peut résoudre; car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de devenir». Le camarade LARINE a prévu théoriquement la récession des forces productives dans le processus de la révolution prolétarienne dans son livre intitulé Outopisty minimalisma i deistvitelnost.
[l] Le Pro. GRINEVETZKI (Poslevoicnnye perspcktivy rousskoi promychlennosti, Moscou, 1919, p. 64, dans le chapitre « La désintégration révolutionnaire de l'industrie ») donne une explication de ce fait par les facteurs suivants :
1. La désorganisation complète du remplacement des matières premières et des combustibles par suite de la diminution de leur utilisation et de l'arrêt des communications; 2. La crise de l'emploi par suite de la désorganisation générale sous l'influence de la révolution et de la guerre de classe, et de la diminution de la productivité consécutive à plusieurs causes. 3. La désorganisation technique, tant du point de vue matériel que du point de vue technico-administratif...; 4. L'extraordinaire instabilité du marché et sa stagnation ...; 5. Le cours catastrophique de la démobilisation ... par suite de la désorganisation technique et de la désagrégation financière de l'industrie; 6. L'écroulement financier de l'industrie par suite d'une rétribution plus élevée du travail et d'une productivité réduite, de la désorganisation complète des fournitures de remplacement, de la nationalisation des banques, etc.» On peut facilement admettre que tous ces facteurs sont compris dans notre classification. M. GRINEVETZKI n'en rejette pas la faute sur le système capitaliste, avec ses guerres et son opposition à la nouvelle société, mais sur la classe ouvrière. Evidemment, un apologiste du capitalisme ne peut découvrir, comme « perspectives de l'après-guerre », que des perspectives capitalistes. M. HOOVER, «le dictateur des moyens de subsistance» de l'Europe (National Food Journal, 13 août 1919), dit en vérité la même chose : « Les difficultés économiques de l'Europe dans leur ensemble, lors de la signature des traités de paix, peuvent se résumer dans l'expression : « productivité démoralisée ». Il est inutile de s'étendre sur les causes de cette décroissance de la productivité. Elles sont principalement les suivantes :
La démoralisation industrielle et commerciale commencée avec la guerre, mais prolongée par les luttes pour le rétablissement politique pendant l'armistice, l'instauration de nouveaux gouvernements, leur inexpérience, et les désaccords entre ces gouvernements lors de la restauration des relations économiques.
La demande effective et insistante de niveaux de vie plus élevés par le travail, et l'opinion dans l'administration de son propre effort, s'est malheureusement (!) embarrassé de la théorie selon laquelle la limitation de l'effort lui-même au-dessous de la nécessité physique accroîtra l'emploi ou améliorera ses conditions.
Il y a une vaste stagnation de l'effort comme réflexe à l'épuisement d'une grande partie de la population, par suite des privations et de l'effort physique et mental entraîné par la guerre.
A un moindre degré, et dans l'ensemble il y a eu une destruction de l'appareillage et des instruments, et une perte sur le plan de l'organisation due a la guerre, avec une perte de potentiel humain ...
La démoralisation dans la production du charbon ... Elle est due, pour un faible pourcentage. - soit à la destruction du potentiel humain, sont à l'épuisement matériel des mines ou de l'outillage d'extraction. Elle est due pour une plus large part au facteur humain par la limitation de l'effort. La poursuite du blocus a indubitablement détruit des entreprises dans des pays ouverts ... », etc. Tous ces motifs entraînent un « chaos politique, moral et économique ».
Dans un travail sur la situation d'après-guerre dans l'économie mondiale, ROEDDER (Ingénieur en chef ROEDDER, Nacht und morgen der weltwzrtschaft, édition Industrielle Vogler et Seiler, Chemnitz) : « Maintenant, tout dépend seulement de l'ouvrier allemand. C'est une plaisanterie de parler d'une reprise des exportations si les ouvriers font la fête » (p. 49). Le financier américain VANDERLIP fait entendre des déclarations analogues. Cf. aussi la déclaration de A. ZELENKO, Memorandoum po voprossou o kreditovanii rousskoi kooperatsii severnoi Amcrike. Evidemment, tous ces messieurs voient seulement la « paresse de la classe ouvrière », sans s'arrêter au sabotage des entrepreneurs. Ils croient dans leur naïveté que la lutte de classe qui se mène dans le cadre du processus de production est une action unilatérale impulsée par les seuls ouvriers, tandis que les capitalistes siègent sur leur trône « dans l'ensemble humanitaire» et défendent les « intérêts de la production » « en soi », « la production pure ». Mais en réalité la raison pure productive comporte toutes les tendances de la raison pratique non immaculée, qui fait tinter les sons du porte-monnaie et apparaît encore moins semblable à « l'idée » platonicienne.
[m] Terme proposé par le camarade W.M. SMIRNOV, dans Ejenedelnik Pravda [18]. [18] Et extrêmement mal choisi, on dirait des enfants jouant à copier les termes employés par les adultes.
[n] K. MARX, Le Capital, Livre l, op. cit., t. III, p. 156.
[o] MARX voyait déjà cela clairement dans le Manifeste communiste.
[p] Ces tâches se présentent nécessairement à n'importe quel type de renaissance économique. Cf. par ex. GRINEVETZKY, op. cit.; S.I. GOUSSEV Otcherednyie voprossy khoziaistvennovo stroilestva, Materialy K9. mou Sjezdou R.KP. (Matériaux pour le 9. Congrès. du Parti communiste russe) cf. aussi Tezisy Ts.K.R.K.P.K. 9. mou Sjezdou (Thèses du C.C. du P.C. russe pour le 9° Congrès) ainsi que la revue Ekonomitcheskaja Jizn.
[q] Cf. à ce sujet, Le Capital, K. KAUTSKY, Entwicklung und Vermehrung, etc.; J. HEVESI, Die technische Notwendigkeit der Kommunistischen Weltrevolution.
[r] Cf. l'œuvre brillante du camarade KRIIJANOVSKI, ingénieur électrotechnicien, sur l'électrification de l'industrie russe, ainsi que W.A. MULLER, « Sozialisierung des landwirtschaftlichen Verkehrswesens », dans le recueil, Wege und Ziele der Sozialisierung.
[s] Les économistes bourgeois aperçoivent la cause de ce fait dans la « loi naturelle » de la fertilité décroissante du sol qui a derrière elle une longue « histoire». Nous trouvons une excellente étude de cette « loi » dans le travail du camarade LÉNINE, La question agraire et les critiques de Marx. La science bourgeoise qui énonçait cette loi comme une loi immanente de la production économico-agricole, subordonnait la catégorie sociale à la catégorie naturelle, ce qui constitue la « méthode » de principe de cette « science ». MARX donne une caractéristique générale du développement technique du point de vue des rapports entre ville et campagne dans les Theorien über den Mehrwert, vol. II, 1re partie, p. 280 : « Il faut supposer qu'en général, dans le mode de production précapitaliste le plus rudimentaire, l'agriculture est plus productive : que l'industrie parce que la nature y collabore en ce cas comme machine et organisme, tandis que, dans l'industrie, les forces naturelles seront bientôt presque complètement remplacées par la force de l'homme, comme dans l'industrie artisanale, etc. Pendant la période tempétueuse de la production capitaliste la productivité du travail se développe rapidement contre l'agriculture, si bien que son développement présuppose que dans l'agriculture une variation correspondante s'est produite entre capital constant et capital variable, ce qui veut dire qu'une masse d'hommes est éloignée de la culture agraire. Plus tard, la productivité progresse dans les deux, bien que leur développement soit inégal. Mais à un certain niveau de l'industrie, la disproportion doit se réduire, c'est-à-dire que la productivité de l'agriculture s'accroît plus rapidement que celle de l'industrie ».